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13.3.3. L'évolution de la 3e filière de la phase de 1re confrontation de l'ontologie Fabriqué/intention, filière dans laquelle PF est du type 1+1 et i du type 1/x avec une tension de faible intensité entre les notions (thème de la filière : capacité de l'i architecturale à relier des bâtiments PF écartés les uns des autres et s'ajoutant en 1+1) :
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Hiroshi Nakamura & NAP : Lotus Beauty Salon à Kuwana, Japon (2006) – maquettes et réalisation Source des images : https://www.nakam.info/en/works/lotus-beauty-salon/ |
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Pour l'expression analytique de la première étape de la 3e filière, le salon de coiffure Lotus livré en 2006 à Kuwana, au Japon, par l'architecte Hiroshi Nakamura.
Comme le montre la coupe du bâtiment, son intérieur est constitué d'une plate-forme horizontale dans laquelle sont creusées une multitude d'alvéoles indépendantes les unes des autres, tout du moins si l'on excepte les cheminements qui permettent de passer de l'une à l'autre. L'ensemble du sol est en pente, de telle sorte que certaines alvéoles sont très creusées alors que d'autres sont peu profondes et permettent de s'asseoir sur la plate-forme horizontale commune.
Ces alvéoles forment des creux qui s'ajoutent en 1+1 les uns aux autres puisqu'ils ne forment pas ensemble un plus grand creux dont chacun ne serait qu'une partie. Passant de l'une à l'autre, on peut constater que l'intention architecturale est toujours la même, creuser une alvéole sous une plate-forme horizontale, et puisque cette intention est à la fois une et multiple, elle est du type 1/x.
À sa première étape, le thème de chaque filière est toujours posé de façon confuse. Celui de cette 3e filière correspondra donc à l'intention du type 1/x de relier entre eux des lieux séparés et indépendants s'ajoutant les uns aux autres en 1+1. Ici ce thème est encore posé de façon peu nette, car la plate-forme qui sert à relier les alvéoles indépendantes est en même temps l'élément architectural à l'intérieur duquel ces alvéoles sont creusées. Lorsqu'on examinera l'expression analytique de la dernière étape, on verra que l'élément qui sert à faire la liaison et les éléments qui sont reliés auront alors acquis une complète indépendance et qu'ils pourront se lire séparément.
Même si la plate-forme qui sert à relier et les alvéoles reliées ne sont pas complètement distinctes, il est toutefois possible de considérer séparément la surface horizontale et les alvéoles qui y sont creusées, ce qui implique un caractère analytique pour cette disposition.
À la première étape de la 3e filière, tout comme il en allait pour la 1re, l'effet prépondérant est le centre/à la périphérie. Chaque alvéole creusée dans la plate-forme a une forme circulaire, elle est donc une forme centrée, et il existe des formes centrées similaires tout autour d'elle, donc sur toute sa périphérie.
La plate-forme horizontale réussit à regrouper toutes les alvéoles, mais elle-même ne réussit pas à regrouper sa surface horizontale en continu du fait des couloirs nécessaires pour l'accès à ces creux : c'est un effet de regroupement réussi/raté. Même lorsqu'une alvéole n'a qu'un accès, comme celle de la photographie centrale, bien qu'elle soit regroupée dans une forme circulaire cet accès empêche son regroupement parfait dans cette forme : c'est un autre effet de regroupement réussi/raté. À mesure que l'on avance dans les allées la forme circulaire des alvéoles que l'on traverse se fait et se défait ; par ailleurs, si la complexité de ces formes circulaires occupe tout le volume situé en dessous de la plate-forme horizontale, cette complexité est complètement défaite au niveau de cette plate-forme monotonement plate : il s'agit là de deux effets de fait/défait. Enfin, toutes les alvéoles sont reliées les unes aux autres par des allées de circulation qui les traversent ou qui les atteignent, tandis que les creux circulaires qui leur correspondent se détachent visuellement : c'est un effet de relié/détaché.
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À gauche, Karla Menten : On the floor, Hasselt, Belgique (2011) Ci-dessus< : Han Wenqiang, Archstudio : Lily Nails Salon à Beijing, Chine (2017)
Sources des images : http://www.karlamenten.be/projects#/on-the-floor/ et https://www.archdaily.com/877785/lily-nails-salon-archstudio |
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On donne deux autres exemples d'architectures intérieures dans lesquelles une surface continue relie diverses alvéoles séparées les unes des autres.
D'abord, des bureaux conçus par l'architecte belge Karla Menten (née en 1966), en 2011 à Hasselt en Belgique, et qu'elle elle-même baptisés « On the floor ». L'indépendance des alvéoles circulaires est ici radicale puisque c'est seulement la surface horizontale dans laquelle elles se creusent qui permet d'y accéder, cette surface servant donc à la fois de bureau et de cheminement.
Ensuite, un salon Lily Nails à Beijing, en Chine, dans lequel des alvéoles sont creusées dans un plan cette fois oblique et légèrement ondulant pour y soigner les ongles. Ce salon a été réalisé en 2017 par l'architecte chinois Han Wenqiang (né probablement vers 1980) et sa société Archstudio.
Pour l'essentiel, les développements faits pour le salon de coiffure conçu par Hiroshi Nakamura valent pour ces deux exemples.
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Caat Studio : projet de complexe commercial sous le pont Chitgar à Téhéran, Iran (2017)
Source de l'image : http://www.caatstudio.com/?view=project&id=41:chitgar-complex&catid=12 |
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Après l'expression analytique de la première étape, celle de la dernière étape de la 3e filière. On retrouve Mahdi Kamboozia de CAAT Studio avec le projet de complexe commercial qu'il a conçu en 2017 sous un pont près du parc Chitgar de Téhéran.
Les diverses unités commerciales sont des bâtiments bien distincts et séparés les uns des autres, et comme le rassemblement de ces bâtiments ne génère aucune forme globale repérable, ils s'ajoutent en 1+1 les uns à côté des autres. Quant à lui, le pont forme une bande de circulation qui relève de l'intention de relier visuellement ces différents bâtiments, et par différence à la première étape cet élément qui sert à relier est bien distinct des éléments qu'il relie. En reliant les diverses unités commerciales le pont affirme leur rassemblement, il affirme le groupe qu'elles forment malgré l'autonomie de chacune, il permet qu'on les lise comme un groupe de x unités reliées de la même façon, et donc un groupe du type 1/x alors qu'elles ne sont qu'une suite de bâtiments s'ajoutant en 1+1 les uns à côté des autres. La maturité de la dernière étape se matérialise donc ici par le fait que les bâtiments qui s'ajoutent en 1+1 peuvent aussi se lire en 1/x grâce à une franche séparation entre les bâtiments reliés et l'élément construit qui les relie.
Il s'agit d'une expression analytique, puisque le pont qui relie peut être considéré séparément des bâtiments qu'il relie.
À la dernière étape de la 3e filière l'effet prépondérant est le ça se suit/sans se suivre : les différents bâtiments se suivent lorsqu'on suit le sens de la bande de circulation qui les franchit et qui les relie, mais ils vont tous dans des directions croisées à celle de cette bande et ne se suivent donc pas dans ce sens-là puisqu'ils y sont côte à côte et quasi parallèles entre eux.
Une même construction comprend deux types de bâtiments qui jouent des rôles différents, l'un correspond à des équipements commerciaux séparés et l'autre est un pont qui relie ces différents équipements, des équipements qui ont d'ailleurs des formes qui sont à la fois du même type et différentes entre elles, ce qui fait deux façons de faire du même/différent, et deux façons aussi de faire de l'un/multiple. L'extérieur de chacun des bâtiments commerciaux est bien repérable à l'intérieur de leur file, et la forme en tunnel de la plupart d'entre eux permet de faire pénétrer profondément l'ambiance extérieure à l'intérieur de leur forme, ce qui correspond cette fois à deux effets d'intérieur/extérieur. Enfin, du pont on peut dire qu'il réussit à rassembler tous les bâtiments commerciaux qu'il relie visuellement, mais aussi qu'il échoue à les rassembler puisqu'il n'empêche pas de percevoir ces bâtiments séparément de lui et séparément les uns des autres, et par ailleurs parce qu'il ne les relie pas d'un point de vue fonctionnel : c'est un effet de rassemblement réussi/raté.
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Hiroshi Nakamura & NAP : Tepee à Nasu, Japon (2013)
Source de l'image : http://www.nakam.info/en/ |
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Nous revenons à la première étape de la 3e filière pour envisager son expression synthétique. Nous faisons à nouveau appel à Hiroshi Nakamura, cette fois pour une habitation construite en 2013 à Nasu, au Japon, une habitation qu'il a dénommée « Tepee ». Elle se présente, en effet, comme un groupe de toitures pyramidales quelque peu encastrées les unes dans les autres qui ne sont pas sans évoquer les tentes des Indiens d'Amérique.
Côte à côte ces différentes pyramides ne génèrent pas une grande forme d'ensemble dont chacune ne serait qu'une partie, elles s'additionnent en 1+1. Puisque l'intention architecturale de donner une forme pyramidale à chaque partie du bâtiment se répète plusieurs fois de façon semblable, elle relève du type 1/x.
Par différence avec l'expression analytique, il n'existe pas ici un élément dont le rôle spécifique est de relier les différentes pyramides, c'est seulement leur encastrement partiel qui les réunit, ce qui permet d'ailleurs au volume intérieur d'être continu puisqu'il passe ainsi d'une pyramide à l'autre. Comme on ne peut pas considérer l'encastrement mutuel des différentes pyramides sans précisément considérer qu'il s'agit de pyramides distinctes qui s'encastrent, il s'agit d'une expression synthétique. On est bien ici à la première étape car, comme dans l'expression analytique, il y a une certaine confusion quant à la question de savoir si ces différents Tepees sont isolés les uns des autres ou s'ils sont reliés entre eux. Ces deux aspects sont vrais, mais difficilement distinguables.
L'accumulation des différentes pyramides qui se butent les unes contre les autres correspond à l'effet prépondérant du centre/à la périphérie : chacune correspond à un centre d'intérêt visuel que l'on peut isoler des autres, et ces centres se butent les uns contre les autres sur leur périphérie.
Les différents Tepees sont regroupés dans une collection de formes pyramidales, mais leur regroupement dans l'uniformité est raté car chacune est différente des autres, soit du fait d'une hauteur différente, soit par la présence ou non d'un auvent, lequel est d'ailleurs plus ou moins haut : c'est un effet de regroupement réussi/raté. Chaque forme de pyramide est bien faite, mais elle est cassée, et donc défaite, par sa pénétration par les pyramides voisines : c'est un effet de fait/défait. Les différents Tepee sont reliés les uns aux autres à l'endroit de leurs pénétrations mutuelles mais chacun se détache visuellement des autres : c'est un effet de relié/détaché.
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Angela Deuber : école maternelle à Thal, Suisse (2009-2013)
Source de l'image : https://www.espazium.ch/architekturpreis-beton-17-verliehen |
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Autre exemple d'expression synthétique de la première étape, utilisant aussi des formes triangulaires mais cette fois posées sur leur pointe, l'école maternelle de Thal, en Suisse, livrée en 2013 et que l'on doit à Angela Deuber. Elle se présente comme une accumulation, sur ses quatre faces, de formes triangulaires pointes en bas, et cela sur deux niveaux de profondeur puisque cette forme se retrouve sur les gardes corps des galeries et sur les façades principales. À l'endroit des gardes corps ces triangles sont très allongés et touchent le plancher par leurs pointes, ils sont plus aigus sur les façades principales et leurs pointes y restent à quelque distance du plancher.
Ces triangles ne génèrent pas une grande forme commune, tout au contraire ils se gênent mutuellement, ils se cachent mutuellement et s'ajoutent donc en 1+1 triangles pointe en bas. Quant à l'intention architecturale de répéter de multiples fois le même thème du triangle pointe en bas, il relève du type 1/x. Ces triangles sont-ils isolés les uns des autres ou sont-ils reliés entre eux : ici aussi les deux aspects sont vrais et il est difficile de les départager.
Tous ces triangles sont des centres d'intérêt visuels qui sont répartis sur toute la périphérie du bâtiment, et par ailleurs, que ce soient ceux des gardes corps ou ceux du bâtiment principal, ils se butent les uns contre les autres sur leurs pointes périphériques : on a donc affaire à deux expressions distinctes de l'effet prépondérant du centre/à la périphérie.
Architecture studio Precht (Penda) : projet d'immeuble The Farmhouse
Source des images : https://www.dezeen.com/2019/02/22/precht-farmhouse-modular-vertical-farms/ |
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Nous passons directement à la cinquième et dernière étape de la 3e filière pour le terme de son expression synthétique. Nous retrouvons l'Architecture studio Precht, avec un projet d'immeuble « The Farmhouse » dans lequel les façades des habitations alternent avec des serres essentiellement consacrées à la culture alimentaire. Les façades des logements y ont une forme triangulaire pointe en haut, les serres intercalées y ont également une forme triangulaire, mais pointe en bas.
L'intention de donner une même forme triangulaire à chacun des modules de la façade se répète à de multiples reprises, elle est donc du type 1/x.
L'assemblage de ces formes triangulaires génère un contour extérieur zigzaguant qui ne donne pas à la tour une forme aisément lisible, et l'addition des triangles de logements et des triangles cultivés correspond à une addition de modules dissemblables, tant dans leurs fonctions que dans leurs aspects : sens inverses de leurs formes et complément par des menuiseries orthogonales dans le cas des logements et par des redivisions en triangles dans le cas des serres agricoles. Pour toutes ces raisons, ces triangles s'ajoutent en files de 1+1 triangles les uns à côté des autres et les uns au-dessus des autres. Toutefois, l'accolement des triangles par inversion de leurs sens donne à la façade l'aspect d'un tapis uniforme divisé en multiples triangles, ce qui procure donc au bâti un type 1/x simultané à son type 1+1.
On reconnaît donc le caractère simultanément 1+1 et 1/x du bâti auquel on devait s'attendre pour une dernière étape, ces deux types de lecture étant ici spécialement difficiles à séparer. On peut utilement comparer cette disposition à celle de l'école de Thal d'Angela Deuber de l'étape précédente : ses deux séries de formes en triangles décalées dans la profondeur se gênent mutuellement, et non seulement elles ne s'y combinent pas dans une trame commune du type 1/x, mais elles s'y combattent obstinément en 1+1 séries de triangles autonomes l'une de l'autre.
Les formes triangulaires se suivent toutes sur une même surface, mais deux formes triangulaires adjacentes sont toujours orientées en sens inverse et ne suivent donc pas le même sens, ce qui correspond à l'effet prépondérant de ça se suit/sans se suivre.
Nécessairement les formes en triangle ont toujours une même forme en triangle, mais elles ont des orientations différentes et elles sont différentes aussi parce que les façades des logements sont redivisées par des menuiseries orthogonales tandis que les serres agricoles sont redivisées par des triangles : c'est un effet de même/différent. Par ailleurs, la même forme de triangle est répétée différentes fois, ce qui correspond à la fois à un effet de même/différent et à un effet d'un/multiple. Les formes en loggia des façades des logements, et plus encore les serres agricoles très profondes, font pénétrer l'extérieur à l'intérieur de la structure de l'immeuble : c'est un effet d'intérieur/exté-rieur. La présence à l'intérieur de l'immeuble de plantations habituellement cultivées en extérieur ne fait qu’amplifier cet effet, lequel se manifeste aussi par le fait que le contour extérieur de chaque cellule triangulaire se repère bien à l'intérieur de la façade d'ensemble. Enfin, le regroupement de toutes les formes en triangle sur une même surface est réussi, mais leurs sens inversés fait rater leur regroupement en tant que formes identiques, d'autant que l'aspect des loggias de logement est différent de celui des serres agricoles : c'est un effet de regroupement réussi/raté.
Après avoir envisagé les deux moments extrêmes de l'évolution de la 3e filière, on en analyse maintenant les étapes intermédiaires.
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SO-IL : projet de maison de vacances sur l'île grecque d'Antiparos (2016)
Source de l'image : https://afasiaarchzine.com/2017/05/so-il-7/ |
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Comme expression analytique de la deuxième étape de la 3e filière, un projet de maison de vacances sur l'île grecque d'Antiparos, conçu en 2016 par SO-IL.
Toutes les parties de ce bâtiment sont bien individualisées et séparées les unes des autres, et puisqu'elles ne génèrent aucune forme d'ensemble lisible elles s'ajoutent les unes aux autres en 1+1. Toutefois, on perçoit bien que l'intention architecturale a été de traiter tous ces corps de bâtiment selon un même principe d'arrondi, et comme cette intention a été répétée à de multiples reprises elle est du type 1/x.
On a vu dans les filières précédentes que la deuxième étape se caractérisait par le fait que c'est sur l'ensemble du bâtiment que s'exprimait le thème du conflit caractéristique de la filière en cours. C'est bien ce que l'on trouve encore ici, puisque de chaque corps de bâtiment on peut dire qu'il affirme son autonomie tout en se reliant aux autres : parfois par un simple accolement, parfois par une simple accroche, parfois par une interpénétration locale, parfois en se liant avec un autre corps de bâtiment sur une rotule commune, et parfois en se raccordant au moyen d'une rampe bien visible. Par différence avec ce que l'on verra à l'étape suivante, on ne peut pas ici distinguer clairement des parties de bâtiments servant à relier et des parties de bâtiments seulement reliées puisque ces deux aspects sont répartis sur tous les corps de bâtiment.
Il s'agit d'une expression analytique, car on peut considérer séparément la façon dont chaque corps de bâtiment affirme son indépendance, principalement au moyen de la partie courbe de son périmètre, et la façon dont elle se raccorde avec les autres corps de bâtiment.
À la deuxième étape de la 3e filière, l'effet prépondérant est l'entraîné/retenu : l'autonomie de forme et l'indépendance apparente des divers corps de bâtiment nous entraîne à les considérer comme des constructions distinctes et autonomes, mais du fait des accolements et des divers liens que l'on a énumérés nous sommes simultanément retenus d'une telle lecture et amenés à considérer qu'ils forment plutôt un groupe de bâtiments interdépendants.
Tous ensemble les différents corps de bâtiments font un effet d'arrondi, mais chacun le fait à sa manière qui est très différente de celle des autres : c'est un effet d'ensemble/autonomie. Puisque les différents corps de bâtiments sont tous reliés entre eux ils forment un groupe fermé, mais l'extérieur et la végétation du terrain environnant pénètrent largement à l'intérieur de ce groupe, si bien que l'on peut également en dire qu'il est largement ouvert : c'est un effet d'ouvert/fermé. Puisque les différents corps de bâtiments sont tous reliés ils se suivent pour former un bâtiment continu, mais les directions vers lesquelles partent leurs arrondis ne se suivent pas et les brèches profondes qui s'ouvrent entre eux font aussi qu'ils ne se suivent pas en continu : ce sont deux effets de ça se suit/sans se suivre.
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SO-IL : projet de musée à Shanghai, Chine (2011)
Source de l'image : http://so-il.org/projects/meicang-art-district/ |
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Pour l'expression synthétique de la deuxième étape de la 3e filière, à nouveau à SO-IL, cette fois pour un projet de musée conçu en 2011 pour Shanghai.
Sauf pour sa partie basse, le bâtiment est constitué d'un empilement de formes pyramidales très horizontales. L'irrégularité de ces formes les empêche de générer ensemble une grande forme collective repérable, elles se contentent de s'empiler en 1+1 les unes sur les autres. L'intention architecturale d'utiliser le même type de forme pyramidale très allongée est répétée de multiples fois : elle est du type 1/x.
La forme pyramidale de chacun des bandeaux permet que la base de chacun se sépare nettement du sommet du précédent, donc qu'ils s'affirment bien séparés les uns des autres, et simultanément on perçoit bien que l'encastrement du haut d'un bandeau dans le bas du suivant permet d'affirmer leur liaison réciproque : comme pour l'expression analytique, les effets d'indépendance et les effets de lien ne sont donc pas séparés en des endroits distincts, c'est l'ensemble du bâtiment qui est l'occasion simultanée de ces deux effets contraires.
Il s'agit d'une expression synthétique, car on ne peut pas considérer l'enfoncement d'une bande pyramidale dans l'autre, et donc leur liaison réciproque, sans considérer qu'il s'agit de deux bandes distinctes, et donc indépendantes l'une de l'autre.
L'effet prépondérant d'entraîné/retenu peut se lire de deux façons. D'une part il concerne la lecture très différente que l'on peut faire, selon qu'on lit ce bâtiment dans le sens horizontal dans lequel notre regard est entraîné à glisser sans retenue, ou selon qu'on le lit dans le sens vertical dans lequel notre regard ne cesse d'être retenu et bloqué par les saillies des bandeaux. D'autre part, la forme très semblable des bandeaux du bas nous entraîne à lire cette façade comme une alternance régulière de formes semblables, mais nous en sommes retenus quand les bandeaux suivants forment soudain des débords différents ou qu'ils sont soudain enfoncés davantage les uns dans les autres.
L'effet d'ensemble/autonomie se lit de façon évidente dans la répétition de la même forme de bandeau pyramidal, une forme qui est l'effet d'ensemble de tous ces bandeaux mais qu'ils effectuent de façons très différentes, et donc autonomes les uns des autres, notamment parce qu'ils n'ont pas tous la même hauteur. L'effet d'ouvert/fermé s'appuie sur une disposition que l'on avait vue pour l'effet d'entraîné/retenu : le trajet de notre regard est ouvert dans le sens horizontal, mais il est sans cesse barré, et donc fermé, dans le sens vertical. Par ailleurs, de chaque bandeau on peut aussi dire qu'il est ouvert puisqu'il laisse pénétrer en lui le bandeau du dessous, et aussi qu'il est fermé, précisément à cause du bouchon que lui fait ce bandeau qui pénètre dans son volume inférieur. Enfin, on peut dire que les différents bandeaux se suivent en continu les uns au-dessus des autres, et aussi qu'ils ne se suivent pas puisqu'ils sont parallèles et vont donc vers des directions horizontales indépendantes les unes des autres : c'est un effet de ça se suit/sans se suivre.
Tom Wiscombe : projet de terminal pour le port de l’île de Kinmen, Taiwan (2014) Source de l'image : https://tomwiscombe.com/KINMEN-PORT-TERMINAL
Pour l'expression analytique de la troisième étape de la 3e filière, le projet de terminal portuaire pour l’île de Kinmen à Taiwan, conçu en 2014 par Tom Wiscombe.
Ce bâtiment se présente comme une longue bande horizontale sur deux niveaux et très vitrée à son étage supérieur. Sur cette bande divers corps de bâtiment annexes viennent se greffer de place en place, chacun ayant plus ou moins la forme d'un empennage d'avion, et chacun s'y raccordant de façon très différente : parfois en montant très haut, parfois au contraire en ne faisant qu'une légère excroissance, parfois encore en descendant complètement devant la façade de la bande et en barrant sa continuité.
Ces annexes en « empennage d'avion » s'échelonnent sur le bâtiment horizontal qui leur sert de liaison, cela sans faire ensemble une grande forme lisible et sans aucune régularité lisible, ce qui implique qu'elles s'ajoutent en 1+1 les unes à côté des autres. Par différence on lit bien la continuité du corps de bâtiment horizontal, et partant l'intention architecturale qui est de lui donner le rôle de relier toutes les parties en empennage. Du fait du caractère à la fois unitaire et multiple qu'elle apporte au bâtiment, cette intention est du type 1/x.
Comme on l'avait annoncé, dans son expression analytique la troisième étape correspond à la séparation bien nette entre les parties du bâtiment qui servent à faire de la liaison et celles qui sont reliées par les premières. Il s'agit d'une expression analytique, puisque l'on peut facilement considérer séparément ces deux fonctions et les parties distinctes qui leur correspondent.
À la troisième étape de la 3e filière c'est l'effet d'ensemble/autonomie qui est prépondérant. L'effet de complémentarité de la longue bande horizontale vitrée et des divers empennages qui lui sont accrochés est l'effet d'ensemble que produisent les différentes parties du bâtiment, un effet dans lequel elles jouent des rôles autonomes puisque l'une fait de la liaison tandis que les autres font de l'agglutination sur la précédente. Des différents empennages, on peut également dire qu'ils font ensemble le même effet d'empennage, mais que chacun le fait de façon très autonome.
La bande horizontale se poursuit de façon homogène sur toute sa longueur du bâtiment tandis que les volumes qui sont greffés sur elle forment autant d'hétérogénéités, d'ailleurs très hétérogènes entre elles : effet d'homogène/hétérogène. Ces volumes greffés sur la bande horizontale sont séparés les uns des autres mais ils sont reliés par elle : effet de rassemblé/séparé. Les surfaces de ces empennages suivent des courbes incommensurables entre elles, ou vont vers des directions droites également incommensurables entre elles, tandis que la bande horizontale et son socle ont des hauteurs qui sont parfaitement synchronisées sur toute la longueur de leur parcours : effet de synchronisé/incommensurable. Cette bande horizontale est continue sur toute sa longueur mais elle est visuellement coupée par la présence d'un empennage qui semble se renverser devant elle ; les empennages situés au-dessus d'elle forment une suite continue de formes coupées les unes des autres ; lesquelles formes se raccordent d'un côté à la toiture horizontale qu'elles continuent de cette façon tandis qu'elles se coupent brutalement pour se terminer par des arêtes bien droites : autant d'effets de continu/coupé.
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WORKac : projet Nature-City (2012) À gauche, plan d'ensemble À droite, détail de la rencontre entre un quartier (à gauche) et une rue de liaison inter-quartiers (sur pilotis)
Source des images : https://work.ac/work/nature-city/ |
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Comme autre exemple analytique de la troisième étape, on revient sur le projet Nature-City conçu en 2012 par WORKac. À l'occasion de la 2e filière on avait donné un exemple d'expression synthétique correspondant à l'un des quartiers prévus dans ce projet, quartier que l'on peut distinguer sur son plan d'ensemble, vers la gauche en dessous de la partie médiane.
Sur ce plan, comme il convient pour la troisième étape, on distingue clairement les parties qui correspondent aux quartiers qui sont reliés et les parties qui servent à faire le lien entre les différents quartiers. Il importe toutefois d'observer que l'on n'a pas encore une séparation aussi tranchée qu'à la dernière étape entre ce qui fait liaison et ce qui est relié car, ainsi qu'on le voit sur le détail qui montre la rencontre entre un quartier et une rue de liaison, le type des constructions se poursuit uniformément entre ces deux parties qui jouent pourtant des rôles différents. Comme dans l'exemple précédent du terminal de l’île de Kinmen, il n'y a encore qu'un seul bâti continu et c'est à l'intérieur de ce bâti continu que se séparent des fonctions différentes, celle de relier est celle d'être autonome mais relié.
Local Architecture : pavillon d'accueil du parc zoologique de La Garenne, Le Vaud, Suisse (2013-2015) Source de l'image : http://localarchitecture.ch/projects/zoo-garenne/ |
Barozzi Veiga : projet Solo House dans le lotissement d'architecture contemporaine de Cretas, en Espagne (2014) Source de l'image : https://barozziveiga.com/projects/solo-house |
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Comme expression synthétique de la troisième étape de la 3e filière, deux architectures qui utilisent le même principe de triangles aigus posés côte à côte sur l'une de leurs pointes, reliés entre eux par une bande continue du côté de leur base située en position haute.
L'une correspond au pavillon d'accueil du parc zoologique de La Garenne, à Le Vaud, en Suisse, livré en 2015 par l'agence d'architectes suisses Local Architecture qui comprend Manuel Bieler (né en 1970), Laurent Saurer (né en 1971) et Antoine Robert-Grandpierre (né en 1972). Les triangles y sont reliés par un toit débordant qui s'incurve dans le centre de la façade.
L'autre correspond au projet conçu en 2014 par Barozzi Veiga dans le lotissement d'architecture contemporaine de Cretas, en Espagne. Cette fois, les triangles ont une hauteur régulière, ils sont réunis dans le haut par une bande strictement horizontale, et ils se répartissent sur plusieurs bâtiments conçus de façon analogue.
Dans les deux cas les formes triangulaires s'ajoutent en files continues, en 1+1 les unes à côté des autres, tandis que l'intention architecturale de répéter de multiples fois une même forme triangulaire relève, pour cette raison, du type 1/x.
Même si une partie de la forme sert à relier les triangles en partie haute, l'effet principal qui les rassemble est leur répétition en ligne les uns à côté des autres. Il s'agit donc d'une expression synthétique puisque l'on ne peut pas considérer le rassemblement visuel produit par leur « mise en bande » sans considérer leur séparation en tant que triangles indépendants.
L'effet d'ensemble/autonomie qui est prépondérant va de soi : tous les triangles autonomes les uns des autres font ensemble l'effet d'une file continue de triangles.
De façon homogène les différents triangles ont une forme en triangle, et leur répétition génère entre eux des creux également triangulaires, mais ces deux bandes homogènes de triangles sont mutuellement hétérogènes puisqu'elles sont de sens inverses et que l'une est faite de triangles pleins tandis que l'autre est faite de triangles vides : c'est un effet d'homogène/hétérogène. Les différents triangles séparés sont rassemblés en une même bande : effet de rassemblé/séparé. Dans le cas du pavillon du parc zoologique, l'effet de synchronisé incommensurable se rapporte à la régularité synchronisée avec laquelle les triangles réussissent à s'arranger pour que leurs bases s'alignent sur une même courbe alors que le dessin d'une courbe est incommensurable avec la genèse d'une forme triangulaire aux côtés rectilignes. Dans le cas de la Solo House de Cretas l'effet de synchronisation provient de la régularité des triangles mis en bande, et c'est la répétition de ce principe de bande sur des bâtiments bien séparés et perpendiculaires entre eux qui apporte l'effet contraire, car deux directions perpendiculaires entre elles ne peuvent se mesurer l'une par rapport à l'autre et sont donc incommensurables. Dans les deux cas l'effet de continu/coupé va de soi, puisqu'il s'agit de bandes continues de triangles coupés les uns des autres.
Bercy Chen Studio : résidence Edgeland, Austin, |
USA (2012) |
Source des images : https://www.bcarc.com/residential/edgeland-house |
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Petr Hajek : Centre pour l'éducation à l’environnement des montagnes Krkonoše à Vrchlabí, République Tchèque (2001-2004)
Source des images : http://hajekarchitekti.cz/index.php?lang=cs&page=project&name=krkonosske-centrum-environmentalniho-vzdelavani-ve-vrchlabi |
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Comme exemples analytiques de la quatrième étape de la 3e filière, deux projets enfouis sous une remontée du terrain naturel.
Le premier est la résidence Edgeland construite en 2012 à Austin, aux USA, par le Bercy Chen Studio qui réunit le Belge Thomas Bercy (né vers 1974) et la taïwanaise Calvin Chen (née en 1974).
Le second est le Centre pour l'éducation à l’environnement des montagnes Krkonoše à Vrchlabí, en République Tchèque, livré en 2004 par l'architecte Petr Hajek.
Chaque fois l'intérieur du bâtiment se caractérise par une surface vitrée tranchant complètement avec l'aspect naturel de sa toiture qui se prolonge dans le terrain avoisinant. Dans le cas de la résidence Edgeland, cet intérieur constitue une véritable tranchée qui s'enfonce dans le sol et qui sépare le bâtiment en deux parties bien distinctes. Dans le cas de Vrchlabí, une tranchée plus modeste s'enfonce en coin dans la toiture végétalisée, et l'une des façades du bâtiment a l'aspect d'une tranche vitrée continue qui coupe brutalement cette toiture. Les deux fois, la prolongation végétale de la toiture dans le terrain environnant implique une forte liaison entre le bâtiment et cet environnement, tandis que l'aspect brutalement vitré de l'intérieur du bâtiment ou de sa frontière avec l'environnement implique au contraire une claire et forte séparation.
Le lien végétal réalisé par la toiture et la brusque séparation par une tranchée vitrée sont deux dispositions antagonistes du bâti : elles s'ajoutent en 1+1. Par différence, l'intention de combiner ces deux dispositions pour en faire un couple d'aspects complémentaires porte en elle à la fois l'idée d'unité et celle de multiplicité, elle relève donc du type 1/x.
Comme il en ira à la dernière étape, le dispositif qui sert à faire du lien est maintenant autonome puisqu'il s'agit ici de la couverture végétale du bâtiment qui le relie au terrain naturel voisin. Par rapport à la troisième étape, on constate un durcissement du confit lié au thème de la filière : dans le cas de la résidence Edgeland, bien que reliées sur leurs périphéries par une couverture végétale continue, les deux parties du bâtiment sont séparées par une véritable tranchée ; dans l'autre cas il n'existe qu'un seul bâtiment, mais l'aspect brutalement vitré de sa façade et de la tranchée qui s'enfonce en coin dans sa toiture n'en fait pas moins un bâtiment qui apparaît bien distinct de son environnement, bien séparé de lui, littéralement bien tranché de lui.
À la quatrième étape de la 3e filière l'effet prépondérant est l'ouvert/fermé : le bâtiment est enfermé sous le terrain, il s'ouvre par des surfaces vitrées qui se tranchent dans ce terrain.
L'intérieur du bâtiment apparaît très indépendant du terrain auquel sa toiture végétale le relie : c'est un effet de lié/indépendant. L'aspect du terrain naturel et de sa végétation est le même autour du bâtiment et au-dessus de lui, mais la remontée du sol à son dessus signale qu'il a là un statut différent, celui d'une couverture végétale du bâtiment : c'est un effet de même/différent. Un même bâtiment est composé de deux parties très différentes, des façades vitrées à l'aspect artificiel et une couverture végétale naturelle, c'est aussi un effet de même/différent. Dans le cas de la résidence Edgeland cet effet correspond également au couple que forment les deux parties intérieures du bâtiment, à la fois les mêmes quant à leur aspect et différentes puisqu'elles se font face. Tous les aspects qui font du même/différent font également de l'un/multiple, et l'extérieur du bâtiment pénètre profondément à l'intérieur du terrain : c'est un effet d'intérieur/extérieur.
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Caat Studio : projet de complexe commercial sous le pont Chitgar à Téhéran, Iran (2017)
Source de l'image : http://www.caatstudio.com/?view=project&id=41:chitgar-complex&catid=12 |
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Au cran de maturité suivant on retombe sur la dernière étape de la 3e filière et son expression analytique. Comme exemple on avait donné le complexe commercial envisagé par Caat Studio sous un pont du parc Chitgar à Téhéran. Comme à l'étape précédente la partie du bâti qui sert à faire la liaison est bien distincte des parties qui sont reliées par elle, mais à cette étape les différentes unités commerciales ne s'ajoutent plus seulement en 1+1 bâtiments les uns à côté des autres car le pont qui fait le lien entre elles permet que l'ensemble réussisse à former un groupe bien lisible regroupant de multiples bâtiments. Le bâti profite désormais du type 1/x porté par l'intention architecturale qui consiste à raccorder de multiples fois un bâtiment isolé à la même bande routière.
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Formzero : Planter Box House, Kuala Lumpur, Malaisie (2017)
Source de l'image : http://www.formzero.net/wp/2018/12/07/planter-box-house/ |
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Pour une expression synthétique de la quatrième étape de la 3e filière, la « Planter Box House » de Cherng Yih Lee (né en 1978 et exerçant dans le cadre de sa société Formzero) livrée en 2017 à Kuala Lumpur, en Malaisie.
La façade de ce bâtiment est formée par un amoncellement de volumes vaguement cubiques, décalés horizontalement les uns des autres et séparés verticalement par des végétations abondantes. Cet amoncellement ne permet de lire aucune forme d'ensemble regroupant ces divers volumes qui s'ajoutent en 1+1 les uns aux autres.
L'intention de traiter l'ensemble de la façade sur le même principe d'une forme cubique débordant de végétaux répétée à de multiples reprises correspond au type 1/x.
Comme dans toutes les expressions synthétiques de la 3e filière, aucun élément du bâti ne sert spécialement à relier les parties séparées : c'est l'effet de groupe, l'effet de « paquet », qui permet de les relier entre elles, étant toutefois précisé que ce paquet ne doit pas avoir une forme propre repérable car alors on serait dans la 4e filière. La végétation qui se répand entre les différents blocs joue un rôle essentiel dans l'aggravation par rapport à l'étape précédente du conflit entre l'effet de séparation et l'effet de lien : sa présence, qui tranche visuellement avec la maçonnerie, aggrave la coupure entre les différents blocs maçonnés, et en même temps elle bouche les trous entre niveaux et contribue ainsi à rendre l'ensemble plus compact, plus lié.
Il s'agit d'une expression synthétique, car on ne peut pas considérer l'effet de groupe produit par cet amoncellement de formes vaguement cubiques débordant de végétaux sans prendre en compte le fait que, pour se regrouper ainsi, ces formes sont nécessairement séparées les unes des autres.
L'effet prépondérant d'ouvert/fermé tient au contraste entre l'aspect massif et aveugle, donc fermé, de cette accumulation de maçonneries, et d'autre part la présence de cette végétation touffue qui en sort de partout et souligne que cette muraille aveugle est en même temps pleine de trous, et donc ouverte.
Tous ces blocs vaguement cubiques sont indépendants les uns des autres, mais ils sont liés par l'effet d'amoncellement qu'ils font ensemble : c'est un effet de lié/indépendant. Un même amoncellement contient différents blocs maçonnés débordant de végétaux, chacun du même type mais tous différents les uns des autres : c'est un effet de même/différent, et aussi un effet d'un/multiple. L'extérieur de chaque bloc maçonné est bien repérable à l'intérieur de leur amoncellement, et la végétation fait pénétrer l'extérieur végétal à l'intérieur même du bâti humain : ce sont là deux effets d'intérieur/extérieur.
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Atelier Deshaus : Musée d'Art Moderne de Shanghai, Chine (livré en 2016)
Source de l'image : https://www.archdaily.com/896007/atelier-deshaus-shanghai-modern-art-museum-through-the-lens-of-kris-provoost |
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Autre exemple synthétique pour la quatrième étape de la 3e filière, le Musée d'Art Moderne de Shanghai, en Chine, livré en 2016 par l'Atelier Deshaus. Ce bâtiment correspond à une réutilisation, après très profonde transformation, d'un ancien silo à charbon.
Il se découpe en tranches horizontales de béton qui s'empilent tout en restant à distance les unes sur les autres, chaque tranche se déplaçant horizontalement dans un sens ou dans l'autre par rapport à ses voisines de telle sorte qu'aucun alignement de façade ne peut être lu : une bande déborde dans le sens transversal, une autre dans le sens longitudinal, une autre encore opère un recul de façade, et une autre encore part dans un sens longitudinal inverse du précédent, etc. Au total, aucune forme globale n'est lisible, et toutes ces bandes s'ajoutent seulement les unes au-dessus des autres en 1+1.
Quant à elle, l'intention architecturale de traiter le bâtiment en bandes horizontales espacées les unes des autres correspond à une intention qui se répète dans son principe à de multiples reprises, elle est donc du type 1/x.
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Architecture studio Precht : projet d'immeuble The Farmhouse
Source de l'image : https://www.dezeen.com/2019/02/22/precht-farmhouse-modular-vertical-farms/ |
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Après la quatrième étape, on retrouve l'expression synthétique de la cinquième étape de la 3e filière pour laquelle on avait envisagé le projet d'immeuble « The Farmhouse » conçu par l'Architecture studio Precht, un projet dans lequel les façades des habitations alternent avec des serres cultivées. Chaque cellule triangulaire est séparément repérable, et elles sont toutes reliées les unes aux autres en un pavage qui alterne en tous sens les triangles pointe en l'air et les triangles pointe en bas. On avait indiqué la confusion désormais acquise entre le caractère 1+1 de ces triangles ajoutés les uns à côté des autres et le type 1/x de leur assemblage en multiples triangles réunis sur une même surface, une confusion du type 1+1 et du type 1/x qui signale l'arrivée à la dernière étape de la filière.
13.3.4. L'évolution de la 4e filière de la phase de 1re confrontation de l'ontologie Fabriqué/intention, filière dans laquelle PF est du type 1+1 et i du type 1/x avec une tension de forte intensité entre les notions (thème de la filière : capacité de l'i architecturale à grouper des bâtiments PF autonomes s'ajoutant en 1+1) :
Qui dit nouvelle filière dit nouvel enjeu. Cette fois, l'intention architecturale est de faire groupe avec des bâtiments qui s'affirment autonomes les uns des autres. Il ne s'agit pas seulement, comme dans la filière précédente, de relier ces bâtiments, mais qu'ils forment véritablement un groupe, avec une affirmation propre de groupe, et cela tout en faisant en sorte qu'ils restent malgré tout indépendants les uns des autres. C'est une tâche un peu plus ardue que celle de la 3e filière, et c'est pourquoi les effets plastiques prépondérants y seront un cran plus énergiques que dans cette 3e filière.
Il en allait de même de la différence entre les deux premières filières, les effets prépondérants plus énergiques dans la 2e correspondant au fait qu'il faut plus d'énergie pour défaire la compacité d'un bâtiment que pour seulement défaire la qualité de son enveloppement.
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Raphael Zuber : projet de Chapelle Funéraire à Steinhausen, Suisse (2012)
Source de l'image : http://www.raphaelzuber.com/ |
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Pour l'expression analytique de la première étape de la 4e filière, d'abord l'organisation intérieure du projet de Chapelle Funéraire à Steinhausen, en Suisse, conçu en 2012 par l'architecte suisse Raphael Zuber (né en 1973). Le volume intérieur de ce bâtiment est divisé en deux par un très haut mur en maçonnerie suspendu au plafond. Le jour passe entre ce mur et les parois latérales du bâtiment, il s'arrête dans sa descente pour permettre le passage en dessous de lui, et aussi pour permettre, depuis chacune des deux moitiés de l'espace, d'imaginer le volume global de la pièce malgré la présence de cet écran.
Comme toujours, la première étape d'une filière expose le conflit qui sera celui de toutes ses étapes. Dans la 4e filière, on l'a dit, il s'agit de parties de bâtiment autonomes qui parviennent cependant à faire groupe, et c'est bien de cela qu'il s'agit ici : les deux moitiés de l'espace intérieur du bâtiment sont autonomes puisqu'un très haut mur en maçonnerie les sépare en descendant très inhabituellement depuis le plafond, mais, puisque ce mur se décolle des parois latérales et qu'il laisse en dessous de lui un large passage, la perception de l'autonomie de chacune des deux parties du volume n'empêche pas de percevoir qu'elles font partie d'un plus grand volume qui les regroupe.
Comme ce haut mur qui descend du plafond est un obstacle suffisant pour masquer la plus grande partie du volume voisin, chacune des deux moitiés reste clairement indépendante et s'ajoute à l'autre en 1+1. L'aspect ambigu du conflit propre à cette filière lorsqu'on est encore à sa première étape correspond au fait que l'on ne peut pas dire de façon catégorique que les deux volumes font quelque chose ensemble puisqu'on ne peut pas véritablement voir le volume global qui les rassemble : il n'a pas de forme propre perceptible, on peut seulement le deviner et le reconstituer par imagination. Quant à elle l'intention architecturale est clairement de type 1/x puisqu'elle consiste à diviser en deux un grand volume dont on perçoit simultanément l'existence et celle de ses deux divisions.
Il s'agit d'une expression analytique, car on peut considérer séparément l'existence du volume global que l'on devine et la présence du mur de séparation qui le divise en deux.
À la première étape de la 4e filière, tout comme il en allait pour la 2e, l'effet prépondérant est le ça se suit/sans se suivre : au niveau du sol et latéralement les deux moitiés de la pièce se suivent en continu, mais elles ne se suivent pas en partie haute à cause du mur qui retombe et qui les sépare.
Les deux moitiés du volume global sont regroupées dans un même volume continu, mais leur regroupement est raté à cause de la présence de ce mur en retombée : effet de regroupement réussi/raté. Le volume global est fait puisqu'on le devine, mais il est cassé, défait par la présence de ce mur qui le coupe en deux : effet de fait/défait. Les deux moitiés de ce volume global sont reliées en continu au niveau du sol et des parois latérales, elles sont détachées l'une de l'autre par le mur qui descend pour les couper l'une de l'autre : effet de relié/détaché. Quant à l'effet du centre/à la périphérie, il correspond à l'absence de soutien pour le mur qui descend du plafond sans même être tenu aux parois latérales dans sa partie basse : on s'étonne de la présence d'un mur maçonné non soutenu par en dessous, ne serait-ce que par une poutre horizontale et donc sans l'appui que l'on attend, ce qui nous déstabilise comme souvent lorsque l'effet du centre/à la périphérie est en cause.
Karla Menten : magasin Eyecare, Maastricht, Pays-Bas (2010) |
Source des images : http://www.karlamenten.be/projects#/eyecare/ |
Le même principe d'organisation interne du lieu vaut pour le magasin Eyecare aménagé en 2010 à Maastricht, aux Pays-Bas, par l'architecte belge Karla Menten (née en 1966).
Cette fois il n'y a pas une partition globale du volume en deux volumes séparés, mais l'aménagement de plusieurs alvéoles utilisées comme présentoirs de lunettes formant autant de retraits autonomes à l'intérieur d'un grand volume auquel elles participent pourtant. À la différence du projet de Raphael Zuber, la pénétration dans ces alvéoles ne se fait pas en passant sous les cloisons, mais en passant à côté, et le vide latéral qui permet cette pénétration rend d'autant plus étonnante leur absence d'appui au sol puisque rien n'empêchait de les descendre jusqu'au sol.
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Keisude Maeda (UID arch.) : maison Casaneiro à Nara, Japon (2016)
Source des images : https://www.archdaily.com/968814/casaneiro-house-uid-architects?ad_medium=office_landing&ad_name=article |
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La maison Casaneiro à Nara, au Japon, livrée en 2016 par l'architecte japonais Keisude Maeda (né en 1974), est complètement divisée en tranches verticales de différentes couleurs, et plusieurs tranches partagent partiellement un même volume qu'elles croisent et traversent en se prolongeant horizontalement bien au-delà de leur volume commun.
Ces tranches apparaissent clairement en façade sur rue, ainsi que leur caractère de 1+1 tranches construites puisqu'elles n'y font rien d'autre que de se suivre les unes à côté des autres, chacune de couleur différente et chacune de largeur différente. C'est à l'intérieur que se manifeste l'intention de créer un volume perpendiculaire à leur suite pour les réunir en une enfilade croisant de multiples tranches, et donc selon le type 1/x. Ainsi, dans la photographie de droite, au premier plan on croise d'abord deux tranches blanches successives, la première correspondant au jardin et la seconde à une partie du séjour, plus loin une tranche rose vif correspondant à la banquette du séjour, plus loin une nouvelle tranche blanche toujours dans le séjour, et plus loin encore une tranche orangée correspondant à la cuisine. Il y a bien ici un effet de groupe impliqué par ce long volume qui croise l'ensemble des autres pour les réunir, mais il n'y a toutefois aucun groupe franchement lisible puisque ce long volume se contente de traverser les autres sans les englober, ce qui correspond au manque de netteté attendu pour la première étape.
Le couloir en enfilade commun à toutes ces tranches est bien perceptible, tout comme le fait qu'elles se poursuivent latéralement en toute autonomie au-delà de ce couloir qui les réunit. L'effet prépondérant de ça se suit/sans se suivre est particulièrement évident : le volume du couloir qui réunit les tranches successives permet qu'elles se suivent en continu, mais elles ne se suivent pas puisque dans le sens croisé elles sont parallèles entre elles.
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Caat Studio : projet de centre commercial Hamedanian à Ispahan, Iran (2014)
Source des images : http://www.caoi.ir/en/projects/item/266-isfahan-commercial-center.html |
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Comme pour les filières précédentes, on passe directement à la cinquième et dernière étape de la 4e filière pour envisager son expression analytique. Le projet de centre commercial Hamedanian à Ispahan, conçu en 2014 par Caat Studio, nous servira d'exemple caractéristique.
Ce projet comporte deux parties bien distinctes. D'une part et sur la périphérie, un ensemble d'immeubles parallélépipédiques régulièrement écartés les uns des autres, et d'autre part une grande forme qui se déhanche à l'intérieur de l'îlot formé par les immeubles précédents. D'emblée, on ne peut manquer d'être frappé par l'effet qui est prépondérant à cette étape, celui de synchronisé/in-commensurable : les immeubles parallélépipédiques de taille régulière et régulièrement espacée les uns des autres forment des rythmes réguliers bien synchronisés, et pour sa part la grande forme qui se déhanche au centre suit d'amples et complexes courbes qui sont incommensurables entre elles. En outre, la dimension même de ces gigantesques courbes continues est incommensurable avec la taille beaucoup plus modeste des bâtiments parallélépipédiques qui l'enserrent ou, considéré d'un autre point de vue, qu'elles relient.
Car effectivement, cette grande forme tordue, sans véritablement raccorder les bâtiments parallélépipédiques qui restent autonomes, n'en sert pas moins de forme dominante affirmant l'unité du groupe que construisent toutes ces formes, de telle sorte que la présence de cette grande forme supprime l'ambiguïté qui existait à la première étape : l'effet d'autonomie est désormais clairement affirmé puisqu'elle est très autonome des formes parallélépipédiques et que celles-ci sont elles-mêmes bien détachées les unes des autres, et de son côté l'effet de groupe est spécifiquement affirmé par cette forme qui domine les autres bâtiments, serpente entre eux et forme un signe visible de réunion, de mise en groupe.
Il s'agit d'une expression analytique, puisque l'on peut considérer séparément l'existence de formes parallélépipédiques autonomes et celle de la grande forme qui les réunit.
Cette grande forme courbe réunit en groupe les divers bâtiments du site, mais à proprement parler il n'existe pas de forme regroupant tous les bâtiments, c'est-à-dire une forme globale dont chaque bâtiment individuel ne serait qu'une partie. On est donc toujours avec des bâtiments qui s'échelonnent en 1+1 les uns à côté des autres, mais cette grande forme qui les domine permet de lire qu'il n'y a pas seulement là de multiples bâtiments mais aussi un groupe, et donc de lire aussi leur ensemble en 1/x. Cette double lecture en 1+1 et 1/x correspond à l'évolution finale de la phase ontologique, une maturation évidemment liée à l'intention architecturale qui était de faire en 1/x un groupe réunissant de multiples bâtiments.
On a déjà évoqué l'effet prépondérant de synchronisé/incommensurable, on peut y ajouter le contraste, à l'intérieur même de la grande forme dominante, entre le rythme bien synchronisé de ses deux lignes d'extrémité aux créneaux réguliers, et les plis courbes qui partent depuis ces extrémités pour suivre ensuite de complexes directions qui sont incommensurables entre elles.
Un même îlot comporte deux types différents de bâtiments, une grande forme continue courbe et des bâtiments parallélépipédiques isolés les uns des autres : c'est un effet de même/différent. L'effet d'un/multiple s'exprime dans l'opposition entre une grande forme centrale et une multitude de bâtiments périphériques. Ces bâtiments périphériques étant bien séparés les uns des autres et bien distincts aussi de la grande forme centrale, l'extérieur de chacun, y compris celui du bâtiment dominant, est bien repérable à l'intérieur du groupe qu'ils forment ensemble : c'est un effet d'intérieur/extérieur. Enfin, grâce à la grande forme courbe centrale tous les bâtiments sont regroupés de façon bien affirmée, mais l'autonomie préservée de la forme de chacun fait simultanément rater ce regroupement : c'est un effet de regroupement réussi/raté.
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Tomohiro Hata : maison dans le quartier de Tarumi à Kobé, Japon (livrée en 2017) - vue d'ensemble et maquette conceptuelle -
Source des images : https://www.archdaily.com/891981/ |
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On revient à la première étape de la 4e filière, cette fois pour envisager son expression synthétique, d'abord avec une maison livrée en 2017 par l'architecte Tomohiro Hata dans le quartier de Tarumi à Kobé, au Japon.
Comme le montre bien sa maquette, cette maison est une enfilade complexe d'arcades, parfois les unes derrière les autres, parfois décalées horizontalement, parfois décalées sur des niveaux différents, et presque toujours de tailles et de hauteurs différentes. En somme, cette maison a la forme d'un groupe d'arcades ouvertes dans des pignons maçonnés bien autonomes les unes des autres. On retrouve donc la combinaison entre effet de groupe et effet d'autonomie, mais il s'agit cette fois d'une expression synthétique, car on ne peut pas prendre connaissance du groupe que forment toutes ces arcades sans prendre connaissance de leurs différences d'alignement et de taille. Il n'y a toutefois aucun groupe franchement lisible en tant que tel, et l'autonomie des différentes arcades est aussi très relative puisqu'elles sont attachées les unes aux autres par la continuité du bâti, ce qui correspond au manque de netteté attendu pour une première étape.
Puisque aucune forme d'ensemble n'est lisible, seulement une succession d'arcades s'ajoutant les unes derrière les autres, les unes à côté des autres ou les unes au-dessus des autres, elles s'ajoutent en 1+1. Quant à elle, l'intention architecturale consiste à répéter de multiples fois une même forme en arcade, elle est du type 1/x.
L'effet prépondérant de ça se suit/sans se suivre se lit de façon évidente : les formes en arcades se répètent et se suivent les unes derrière les autres, mais elles sont aussi les unes à côté des autres ou les unes au-dessus des autres, et de plus elles n'ont pas la même amplitude et ne partent pas du même niveau par rapport au sol, elles ne se suivent donc pas sous ces différents aspects.
La forme d'ouverture en arcade permet de regrouper toutes les parties du bâtiment dans un même effet d'arcade, mais leurs décalages et leurs différences de taille font rater le regroupement uniforme de toutes ces arcades : effet de regroupement réussi/raté. La régularité de la forme en arcade est faite sur tous les frontons qui se succèdent et qui répètent ce même type de forme, mais ce principe de régularité est défait sur toutes les autres parties du bâtiment : l'escalier est parfois à gauche et parfois au milieu, la pergola est parfois à gauche et parfois à droite, les jardinières sont parfois parallèles à la façade de la rue et d'autres fois perpendiculaires, parfois à gauche et parfois à droite, et la hauteur des étages est également très irrégulière. L'effet de fait/défait concerne donc ici la notion de régularité des formes et des types de formes. Les arcades se détachent visuellement et sont reliées entre elles par leur participation à un même bâtiment continu : c'est un effet de relié/détaché. Chaque arcade est un centre d'intérêt visuel sur lequel se fixe notre attention et, puisque ces centres d'intérêt visuel sont alignés les uns derrière les autres, de chacun on peut dire qu'il a un centre visuel semblable sur toute sa périphérie, c'est-à-dire un devant lui et un autre derrière lui : c'est un effet de centre/à la périphérie.
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Hiroshi Nakamura & NAP : pub et commerce à Kamikatsur, Japon (2015)
Source de l'image : https://www.archdaily.com/892767/kamikatz-public-house-hiroshi-nakamura-and-nap |
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Autre exemple synthétique de la première étape, cette façade d'un bâtiment à usage de pub et de commerce livré en 2015 à Kamikatsur, au Japon, par Hiroshi Nakamura. Il s'agit d'une façade réalisée à l'aide de fenêtres de récupération ce qui explique leur irrégularité de style et de dimension, et qui explique aussi qu'elles aient été mises sur deux rangées de profondeur afin de compenser leur médiocre qualité thermique.
Visiblement toutes différentes en style et en dimension, ces fenêtres apparaissent très autonomes les unes des autres. En parfaite continuité les unes avec les autres et se regroupant dans une même forme rectangulaire globale, malgré leur autonomie elles forment ensemble un groupe rectangulaire bien affirmé. Et ce qui vaut pour chaque fenêtre à l'intérieur d'une tranche de fenêtres vaut pour la combinaison des deux tranches : on en distingue à la fois l'autonomie, puisque les fenêtres de l'une ne coïncident pas avec les fenêtres de l'autre, mais aussi le couple qu'elles forment puisqu'elles sont réunies dans un même rectangle global.
Il s'agit d'une expression synthétique, car on ne peut pas percevoir le groupe que font les fenêtres sans percevoir leur enchevêtrement complexe, et donc leur autonomie.
Si le groupe des fenêtres a une forme globale rectangulaire bien affirmée, l'autonomie des fenêtres est par contre très relative malgré leurs différences de style et de dimension, car elles sont toutes collées l'une à l'autre et l'une devant l'autre. Cette absence d'autonomie véritable des différentes fenêtres trop collées les unes aux autres est ce qui occasionne ici une ambiguïté propre à la première étape quant à la lecture que l'on peut y faire de la relation entre autonomie et groupe.
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Architecture studio Precht : Boulder Houses (Maisons Rochers), maquettes du projet
Source des images : https://www.facebook.com/gestalten/posts/rigid-forms-that-bridge-architecture-and-nature-together-by-studio-precht-the-cr/10157111717741000/ |
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Pour l'expression synthétique de la cinquième et dernière étape de la 4e filière, on retrouve l'Architecture studio Precht avec un projet de groupement de maisons individuelles qu'il a dénommé « Boulder Houses » (Maisons Rochers).
Ces maisons sont groupées par quatre sur un même îlot, et ces îlots se répètent de place en place, toujours orientés différemment et toujours séparés les uns des autres par une dense végétation. Le tassement les unes contre les autres des quatre maisons d'un même îlot affirme clairement le groupe qu'elles forment, et tout aussi clairement l'écart bien net qui reste à les séparer affirme simultanément l'autonomie de chacune. On échappe ici à l'ambiguïté qui était celle de la première étape, et il en va de même à l'échelle globale : la répétition d'un même type d'îlot affirme le groupe que forme le rassemblement de tous ces îlots, tandis que leurs orientations différentes, et surtout la forte densité de la haute végétation qui les sépare, assure une autonomie bien visible pour chacun des îlots.
Même si le groupe de quatre maisons que forme chaque îlot est bien repérable, celui-ci n'a pas de forme lisible qui lui soit propre. Par ailleurs, les différentes maisons qui en font partie ne suivent aucune régularité dans leur disposition, que ce soit pour ce qui concerne la présence ou non de fenêtre en toiture, le sens de la pente de leur toiture, leur orientation ou leur position par rapport aux limites du groupe, si bien que ces quatre maisons s'ajoutent en 1+1 à l'intérieur de leur îlot, et la même chose vaut pour la façon dont les multiples îlots s'ajoutent en 1+1 les uns à côté des autres sans faire ensemble une grande forme lisible.
Pour assembler quatre maisons dans un même îlot, se répète à quatre reprises la même intention de donner à chacune un plan carré sur deux niveaux, tout comme l'intention de lui procurer une toiture à une seule pente, de grandes baies vitrées et une couleur blanche, et de la même façon la même intention de former de tels îlots se répète à de multiples reprises pour donner forme à l'ensemble du groupement d'habitations. Répétée de façon identique à de multiples reprises, l'intention architecturale est donc ici du type 1/x, et comme il convient pour une dernière étape ce type 1/x de l'intention déteint sur le type 1+1 des bâtiments qui peuvent finalement se lire aussi bien comme plusieurs bâtiments analogues se groupant dans un même îlot, et se lire à grande échelle comme les multiples groupes de bâtiments analogues d'un même aménagement d'ensemble.
Il s'agit d'une expression synthétique, car on ne peut pas lire le groupe que forment quatre maisons presque accolées sans s'affronter aux écarts qui restent à les séparer, ni lire l'analogie des différents îlots rassemblés à grande échelle sans remarquer leurs différences ainsi que la haute et dense végétation qui les sépare.
L'effet de synchronisé/incommensurable qui est prépondérant à cette étape correspond à la régularité de l'assemblage de quatre maisons pour faire un îlot malgré leurs différences d'orientation et de positionnement dans la parcelle, des différences qui rendent impossible à repérer la façon dont elles se coordonnent pour se synchroniser ainsi.
Chaque îlot est fait de différents bâtiments de même aspect, et l'ensemble du groupement est obtenu par le rassemblement de différents îlots semblables, ce qui correspond à des effets de même/différent et d'un/multiple. L'extérieur de chaque maison est bien repérable à l'intérieur de chaque îlot, et l'extérieur de chaque îlot est bien repérable à l'intérieur de la dense végétation qui les rassemble : ce sont là des effets d'intérieur/extérieur. Le rassemblement de quatre maisons à l'intérieur d'un même îlot est réussi, mais l'indépendance de chacune reste clairement perceptible ce qui fait rater ce regroupement : c'est là un effet de regroupement réussi/raté, la même chose valant au niveau de l'ensemble de l'aménagement.
Après avoir envisagé les deux moments extrêmes de l'évolution de la 4e filière, on analyse les différentes étapes de cette évolution en commençant par sa deuxième étape.
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Rare Architecture : résidence Castle Lane à Londres (2018) Source des images : https://www.architonic.com/fr/project/droo-castle-lane/20051791 |
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Pour l'expression analytique de la deuxième étape de la 4e filière, une résidence livrée en 2018 par Rare Architecture dans le quartier de Westminster à Londres, Castle Lane. Rare Architecture est une agence qui réunit l'architecte français Michel da Costa Gonçalves (né en 1973) et l'architecte luxembourgeoise Nathalie Rozencwajg (née en 1975).
La partie courante des façades est une alternance de surfaces planes en briques et de portes-fenêtres rectangulaires faisant toute la hauteur d'un étage, la présence des planchers entre étages se repérant aux bandes métalliques sombres qui se poursuivent en continu d'une façade à l'autre. De place en place, ces tranches de plancher « sortent » de la façade pour participer à des excroissances de bow-windows entièrement vitrées qui démarrent par un pan coupé et se terminent par un arrondi dont la saillie sur la façade courante est très affirmée. De telles excroissances s'accumulent à l'angle du bâtiment, mais on en trouve aussi en partie courante, la plupart sortant par paires, l'une au-dessus de l'autre et partant vers des directions croisées.
Ces excroissances vitrées font, évidemment, des effets d'autonomie. Par ailleurs, elles se raccordent au bâtiment courant recouvert en briques et découpé horizontalement par les tranches métalliques des planchers. Ce bâtiment courant est spécifiquement ce qui fait groupe : groupe de panneaux en briques et groupe de panneaux vitrés sans excroissance. L'exemple des filières précédentes montre qu'à la deuxième étape c'est l'ensemble du bâtiment qui prend en charge le thème spécifique à la filière. C'est bien ce que l'on observe ici, mais on avait également constaté dans les filières précédentes que c'était seulement à la troisième étape que se séparaient physiquement les endroits correspondant aux deux aspects contraires du thème de la filière, or on doit cette fois constater que la séparation des endroits qui font de l'autonomie et des endroits qui font effet de groupe intervient dès la deuxième étape. Cette conjonction des caractéristiques normalement propres à la deuxième et à la troisième étape résulte tout simplement de la nature même du conflit spécifique à la 4e filière : pour faire groupe et simultanément de l'autonomie sur l'ensemble du bâtiment, la seule solution est que ce soit le bâtiment global qui fasse effet de groupe afin que des éléments autonomes puissent s'en distinguer localement en divers endroits répartis sur toute sa surface, et c'est précisément ce que l'on observe dans cet exemple.
Les bow-windows vitrés s'éparpillent sans aucune régularité et en partant vers des directions souvent contraires : ils s'ajoutent en 1+1 les uns aux autres. Quant à l'intention architecturale, elle était de recouvrir en brique toutes la surface courante et de la diviser en multiples panneaux, et elle était aussi de faire contraster cette surface courante avec toujours le même type de bow-window répété à de multiples reprises : cette intention relève donc du type 1/x.
Il s'agit d'une expression analytique puisque l'on peut clairement séparer le traitement de la surface courante qui fait effet de groupe et le traitement des bow-windows qui font des effets d'autonomie.
À la deuxième étape de la 4e filière comme à l'étape précédente, l'effet prépondérant est le ça se suit/sans se suivre : les surfaces vitrées obliques des bow-windows suivent les surfaces en briques dont elles ne divergent que par un léger biais, mais les vitrages arrondis qui suivent les surfaces obliques empruntent une direction très différente en venant carrément croiser les surfaces en briques qu'elles ne se suivent donc plus du tout. On peut aussi dire que les bow-windows se suivent sur la façade, mais qu'ils ne se suivent pas puisqu'ils vont dans des sens différents. Enfin, les tranches métalliques des planchers se suivent en continu sur tout le périmètre du bâtiment, mais les surfaces en briques ne sont jamais continues et leurs panneaux ne se suivent donc pas.
Les bow-windows semblent entraînés à sortir de la façade, à s'en échapper, mais ils sont retenus dans l'immobilité : c'est un effet d'entraîné/retenu. Tous les bow-windows font ensemble le même effet de sortie de la façade, mais ils le font en allant vers des directions différentes : c'est un effet d'ensemble/autonomie. Même effet pour les panneaux en briques qui font ensemble des surfaces planes tout en étant bien séparés, et donc bien autonomes les uns des autres. À l'endroit des pans vitrés obliques des bow-windows, les façades s'ouvrent pour s'agrandir vers l'extérieur, mais elles se referment bien vite à l'endroit des arrondis qui leur succèdent : effet d'ouvert/fermé. Un effet qui s'exprime aussi à l'endroit de ces arrondis qui sont des formes qui se referment sur elles-mêmes mais qui sont des formes vitrées, et donc ouvertes à la vue et à la lumière. Bien entendu, cet effet d'ouvert/fermé concerne aussi les façades courantes qui sont ouvertes à l'endroit des portes-fenêtres toute hauteur et fermées à l'endroit des panneaux en briques.
Ala Architects : projet pour un centre culturel à Vantaa, Finlande (2004) Source de l'image : http://ala.fi/work/vantaa-cultural-center/
Bien que d'allure très différente, le projet de centre culturel pour Vantaa, en Finlande, conçu en 2004 par Ala Architects, répond au même principe que l'exemple de la résidence Castle Lane : diverses excroissances plus ou moins pentues et bien indépendantes les unes des autres affirment la notion d'autonomie, tandis que la plus grande partie du bâtiment correspond à une longue aile continue qui pénètre entre ces excroissances afin qu'elles participent à l'effet de groupe que produit le bâtiment dans sa globalité.
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SO-IL : Jan Shrem and Maria Manetti Shrem Museum of Art, à Davis, USA (2016)
Source de l'image : http://so-il.org/projects/jan-shrem-and-maria-manetti-shrem-museum-of-art |
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L'exemple du musée d'art Jan et Maria Manetti Shrem à Davis, aux USA, livré en 2016 par SO-IL, propose un contrepoint intéressant aux deux exemples précédents. Dans ces exemples le corps du bâtiment était chargé de faire l'effet de groupe tandis que c'étaient des excroissances qui étaient chargées de faire des effets d'autonomie, mais ici c'est l'inverse : c'est le grand toit ajouré en excroissance au-dessus des divers corps de bâtiment qui sert à affirmer le groupe que forment ces corps de bâtiment séparés, et ce sont ces bâtiments, séparés et donc bien distincts les uns des autres, qui font des effets d'autonomie (sur la photographie, on les repère à leur terrasse).
Au passage, on notera que ce grand toit ajouré donne spécialement de force à l'effet d'ouvert/fermé : il ferme le dessus la cour qui sépare les différents bâtiments, mais il est simultanément ouvert du fait de son caractère très ajouré. On notera aussi que les dessins constamment changeants des grilles qui forment ce toit correspondent à l'aspect synthétique de la deuxième étape de la 2e filière, une étape qui voit la compacité/continuité de cette surface simultanément affirmée et mise en cause.
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Ala Architects : Bibliothèque Centrale d'Helsinki, Finlande (livrée en 2018)
Source de l'image : http://ala.fi/work/helsinki-central-library/ |
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Pour une expression synthétique de la deuxième étape de la 4e filière, nous retrouvons la Bibliothèque Centrale d'Helsinki livrée en 2018 par Ala Architects, un bâtiment dont nous avions vu la façade d’entrée à l'occasion de la 1re filière. Si l'on se reporte à la photographie extérieure du bâtiment donné à cette occasion, on notera que sa toiture forme une sorte de velum translucide qui flotte au-dessus du bâtiment sans être apparemment continu avec sa partie massive principale.
C'est ce velum qui est maintenant l'objet de notre analyse, spécialement dans sa relation avec le dernier niveau de la bibliothèque, car ce niveau et le velum ondulent de concert tout en restant à distance l'un de l'autre, et cela sans qu'aucune attache mutuelle ne soit visible.
Ondulant de concert, le sol et le plafond se comportent de façon groupée : ils forment donc un groupe de fait. Mais simultanément ils restent à bonne distance l'un de l'autre : évoluant chacun pour soi, ils affirment leurs autonomies respectives. On retrouve donc la caractéristique toujours rencontrée à la deuxième étape : c'est la disposition d'ensemble qui met en jeu le thème du conflit propre à la filière. Mais on n'y retrouve pas la contrainte qui avait été celle de l'expression analytique, c'est-à-dire l'obligation de séparer les parties du bâtiment faisant effet de groupe et les parties du bâtiment faisant effet d'autonomie. Ici, la relation couplée du sol et du plafond produit simultanément ces deux effets, et c'est bien pour cela qu'il s'agit d'une expression synthétique puisqu'on ne peut pas ressentir le comportement groupé de ces deux parties sans avoir conscience qu'elles sont écartées, et donc autonomes.
Le sol et le toit en velum ne font pas ensemble une plus grande forme, ils se contentent de s'ajouter en 1+1 l'un au-dessus de l'autre. L'intention architecturale consiste à donner un même mouvement ondulant à deux parties distinctes du bâtiment : elle est du type 1/x.
Le sol et le velum suivent ensemble les mêmes ondulations, mais ils ne se suivent pas puisqu'ils sont parallèles et non pas l'un derrière l'autre : c'est un effet de ça se suit/sans se suivre qui est prépondérant à cette étape. Ce velum se prolongeant très loin nous entraîne à nous sentir protégé par lui, enveloppé par lui, mais l'absence de retombée ou de mur pour fermer l'espace en périphérie nous retient de nous sentir enveloppé : c'est un effet d'entraîné/retenu. L'effet d'ensemble/autonomie nous renvoie au thème de la filière : le sol et le plafond sont des parties autonomes du bâtiment qui s'accompagnent en faisant ensemble un même effet d'ondulation. L'effet d'ouvert/fermé rejoint celui d'entraîné/retenu : le velum du plafond ferme la pièce au-dessus, mais celle-ci reste ouverte sur toute la périphérie du fait de la présence d'un vitrage continu qui n'est même pas interrompu par des poteaux de soutien. L'aspect translucide du velum correspond aussi à cet effet puisque cette fermeture par en haut laisse quelque peu passer la lumière, spécialement aux endroits des trous qui sont ouverts dans le velum et qui procurent une lumière zénithale directe.
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WORKac : projet « Arizona House » à Tubac, USA (2016)
Source de l'image : https://work.ac/work/arizona-house/ |
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Pour l'expression analytique de la troisième étape de la 4e filière, un projet de maison passive conçue par WORKac en 2016, construite en matériaux naturels ou recyclés et qu'ils ont intitulée « Arizona House ». Ce projet était prévu pour Tubac, aux USA.
Ce bâtiment se présente comme un assemblage hétéroclite de formes et de matériaux comprenant notamment une grande forme en T en terre cuite complètement opaque et une grande verrière triangulaire très transparente, sauf à l'emplacement des panneaux solaires qui couvrent en partie sa toiture. Ce type d'addition hétéroclite correspond évidemment à un bâti du type 1+1, tandis que l'intention architecturale consistant à rassembler en unité ces morceaux de bâtiments bien distincts relève du type 1/x. Ces morceaux hétéroclites sont collés l'un l'autre, agglutinés l'un contre l'autre, c'est ce qui fait effet de groupe, de paquet, tandis que l'hétérogénéité de leurs formes et de leurs matériaux affirme leur autonomie. Il s'agit d'une expression analytique, car on peut considérer séparément que les deux parties du bâtiment sont accolées et qu'elles ont des aspects différents.
Contrairement aux autres filières, ce n'est pas la troisième étape qui voit apparaître la séparation des deux effets caractéristiques de la filière sur des parties distinctes du bâtiment puisqu'on a déjà vu une telle séparation à l'étape précédente, du moins dans son expression analytique. Ici, ce sont des aspects différents de l'architecture qui produisent la nécessaire séparation radicale entre les deux effets : l'effet de groupe est porté par l'agglutination physique des différentes parties du bâtiment, l'effet d'autonomie est porté par leurs différences d'aspect et de matériaux.
L'effet prépondérant d'homogène/hétérogène caractéristique de la troisième étape est fortement présent : chaque partie du bâtiment est traitée dans toutes son étendue avec un matériau homogène, terre cuite pour la grande forme en T, verrière métallique pour l'auvent triangulaire, tandis que ces différents matériaux sont mutuellement hétérogènes.
Ces parties hétérogènes entre elles sont collées l'une à l'autre, et donc bien rassemblées l'une avec l'autre, mais elles se distinguent séparément du fait de leurs aspects différents : c'est un effet de rassemblé/séparé. Pour notre perception, prendre connaissance d'une forme massive en T et prendre connaissance d'une forme prismatique très fine et transparente sont deux expériences incommensurables, et pourtant nous voyons bien que ces deux formes sont synchronisées pour s'adapter dans un même bâtiment compact : c'est un effet de synchronisé/incommensurable. Enfin, il est clair que ce bâtiment a une forme continue coupée en deux parties très hétérogènes l'une pour l'autre : c'est un effet de continu/coupé.
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Barozzi Veiga : siège de la Vignerie Ribera del Duero à Roa de Duero, en Espagne (2006-2011)
Source des images : http://archaitecture .over-blog.com/article-ribera-del-duero- wine-headquarters-roa-espagne-58988142 |
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Pour l'expression synthétique de la troisième étape de la 4e filière, deux architectures de Barozzi Veiga. En 2011, à Roa de Duero en Espagne, cette agence a livré le siège et les caves des producteurs de vins Ribera del Duero. En limite du village des bâtiments ont été complétés et d'autres construits, tous bien distincts et pour la plupart bien séparés les uns des autres, leur séparation correspondant ici à l'effet d'autonomie propre à la filière. En contraste, les adjonctions et les bâtiments nouveaux ont été construits dans un même matériau en pierre afin qu'il en résulte un effet d'unité, un effet d'autant plus présent qu'ils ont tous été marqués par des grappes de percements circulaires sur une partie de leurs façades et sur une partie de leurs toitures. Malgré leur séparation, cette homogénéité du matériau et la présence de ces pastilles vitrées affirment l'appartenance de ces constructions à un même groupe de bâtiments.
Il s'agit d'une expression synthétique car, pour faire l'expérience de l'uniformité de leur matériau et de la semblable présence sur eux de grappes de percements circulaires, il faut nécessairement avoir déjà admis que les différents bâtiments sont écartés les uns des autres.
À la troisième étape, tout comme dans l'expression analytique mais avec des conséquences inverses, les deux aspects du thème propre à la 4e filière apparaissent donc représentés par des aspects différents du bâtiment, l'un correspondant à leur disposition physique, accolés dans l'expression analytique mais séparés dans l'expression synthétique, l'autre correspondant au matériau utilisé et à l'aspect des surfaces, hétérogènes dans l'expression analytique mais homogènes dans l'expression synthétique.
Dans l'exploitation Ribera del Duero les différents corps de bâtiments ne font aucune forme d'ensemble lisible et s'ajoutent donc en 1+1. L'intention architecturale a été de leur permettre de faire un effet de groupe en utilisant diverses fois le même matériau et en les marquant tous par un même motif de grappes de percements circulaires, elle est donc du type 1/x.
L'effet prépondérant d'homogène/hétérogène a déjà été évoqué : les bâtiments sont hétérogènes quant à leur forme puisque l'un est une tour isolée, un autre un petit bâtiment isolé, un autre un bâtiment de liaison très horizontal, et qu'un autre encore est accolé à l'extrémité d'un bâtiment ancien de hauteur médiane. En contraste, tous ces bâtiments ont reçu un matériau en pierre homogène et ils ont reçu de façon homogène les mêmes grappes de percements ronds.
Les différents corps de bâtiments sont physiquement séparés mais réunis par l'uniformité de leurs matériaux et de leurs grappes de percements ronds : c'est un effet de rassemblé/séparé. Ces grappes de percements font elles-mêmes du rassemblé/séparé puisqu'elles rassemblent en paquets des ronds bien séparés les uns des autres. Nous percevons bien la régularité, et donc la synchronisation, avec laquelle les différents bâtiments sont affectés par la présence de ces grappes de percements, mais leurs formes très différentes ne permettent pas de les percevoir ensemble, ni de la même façon, ce qui correspond à un effet d'incommensurabilité pour notre perception. Enfin, le traitement en pierre du bâti et celui par percements ronds des ouvertures d'éclairage sont continus puisqu'ils passent en continu d'un bâtiment à l'autre, mais ils sont nécessairement coupés par les écarts qui séparent les bâtiments : c'est un effet de continu/coupé.
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Barozzi Veiga : projet Solo House dans le lotissement d'architecture contemporaine de Cretas, en Espagne (2014)
Source de l'image : https://barozziveiga.com/projects/solo-house |
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Autre exemple de Barozzi Veiga, déjà envisagé à l'occasion de la 3e filière, celui de leur projet de maison Solo House à Cretas. Alors, il s'agissait de considérer l'effet produit par la répétition de formes triangulaires posées sur la pointe, cette fois, on considère l'effet produit par la répétition d'un même principe de forme sur des bâtiments séparés, étant toutefois précisé que des pièces et des passages souterrains permettent de faire fonctionner ces bâtiments séparés dans le cadre d'une même habitation. Comme dans l'exploitation Ribera del Duero, c'est l'uniformité du traitement plastique qui permet à ces bâtiments de faire effet de groupe malgré leur séparation.
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Buerger Katsota architects : maison de vacance A+B sur l'ïle de Paros, Grèce (2008-2011)
Source des images : https://www.archdai ly.com/223549/house-ab-buerger-katsota- |
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Pour la quatrième étape de la 4e filière dans son expression analytique, un couple de maisons de vacances réunies par une grande pergola horizontale, construites en 2011 sur l'île de Paros en Grèce. Ce bâtiment, dénommé « maison A+B », est dû aux architectes Buerger et Katsota.
La pergola, dont la surface horizontale rassemble tous les bâtiments séparés, est évidemment ce qui leur permet de faire groupe. En contraste, l'autonomie des divers bâtiments est affirmée par leur franche séparation, spécialement dans leurs parties hautes.
À la quatrième étape on constate donc la présence d'un élément qui sert explicitement de lien entre les bâtiments séparés. Cela rappelle l'exemple du pont Chitgar de Téhéran qui reliait entre eux les bâtiments séparés qu'il enjambait, mais il s'agissait alors de l'expression analytique la dernière étape de la 3e filière. On l'a dit, la 4e filière correspond à une confrontation plus intense qu'à la 3e, car faire que des parties séparées fassent groupe demande plus d'énergie que simplement les attacher ensemble, et puisque la 4e filière mobilise plus d'énergie que la 3e, il n'est pas étonnant qu'elle réussisse à obtenir le même résultat une étape plus tôt. C'est d'ailleurs pour la même raison que la séparation entre les deux notions sur des parties différentes du bâtiment avait été obtenue dès la deuxième étape de la 4e filière alors qu'il avait fallu attendre la troisième étape de la 3e filière pour obtenir la même évolution.
Les différents corps de bâtiments ne génèrent ensemble aucune grande forme globale, ils s'ajoutent en 1+1. L'intention architecturale étant de réunir de multiples bâtiments par un lien horizontal unique, elle est du type 1/x, et comme on peut considérer séparément ce lien horizontal de la pergola et les bâtiments séparés qu'elle attache, il s'agit d'une expression analytique.
À la quatrième étape de la 4e filière, l'effet prépondérant est le rassemblé/séparé : les bâtiments séparés sont rassemblés par la pergola. L'effet de lié/indépendant est similaire : les bâtiments indépendants les uns des autres sont liés par la pergola. Une même habitation comporte deux types de bâtis très différents, des corps de bâtiment séparés qui accusent des effets de verticalité et une grande pergola horizontale qui réunit les précédents : c'est un effet de même/différent. La pergola forme une surface couverte sous laquelle l'extérieur pénètre à l'intérieur du bâtiment et le traverse même entièrement : c'est un effet d'intérieur/extérieur. Au-dessus de la pergola, l'extérieur de chaque émergence est bien visible à l'intérieur de l'ensemble que forme le bâtiment, c'est une autre expression du même effet. Le plan horizontal de la pergola rassemble en unité une multitude de corps de bâtiments séparés : c'est un effet d'un/multiple.
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Atelier Deshaus : Jardin d'enfants Xiayu dans la ville nouvelle de Qingp, Chine (2003-2004) – vue d'ensemble et maquette (ci-contre)
Source des images : https://www.world-architects.com/ca/atelier-deshaus-shanghai/project/xiayu-kindergarten |
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Autre exemple analytique pour la quatrième étape de la 4e filière, le jardin d'enfants Xiayu construit en 2004 par l'Atelier Deshaus dans la ville nouvelle de Qingp, en Chine. On en donne une vue générale et une vue de maquette. Cette fois, ce n'est pas une bande horizontale qui relie des bâtiments bien écartés les uns des autres, c'est tout le niveau du rez-de-chaussée qui forme une galette continue qui rassemble des boîtes écartées les unes des autres et diversement colorées perchées au-dessus d'elle.
Là encore, la séparation est bien nette entre la partie du bâti qui sert à relier, donc à faire groupe, et les parties de bâtiments bien séparées entre elles qui font un effet d'autonomie.
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Pezo von Ellrichshausen : maison Fosc, San Pedro de la Paz, Chili (2009)
Source de l'image : https://www.archdaily.com/38655/fosc-house-pezo-von-ellrichshausen-architects |
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Dernier exemple analytique pour la quatrième étape, mais fonctionnant de façon différente, les ouvertures carrées rassemblées sur la forme parallélépipédique clairement affirmée de la maison Fosc construite en 2009 à San Pedro de la Paz, au Chili, par l'agence Pezo von Ellrichshausen.
Ces ouvertures carrées sont autonomes parce qu'elles sont bien séparées les unes des autres, parce qu'elles ont des dimensions très différentes, et parce qu'elles sont réparties sur les surfaces sans qu'aucun rythme d'ensemble ne soit perceptible. Là aussi, ce qui fait effet d'autonomie est bien séparé de ce qui fait groupe, puisque ce qui fait effet d'autonomie correspond à des surfaces d'ouvertures vitrées tandis que ce qui fait groupe correspond à un volume en maçonnerie pleine.
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Caat Studio : projet de centre commercial Hamedanian à Ispahan, Iran (2014)
Source des images : http://www.caoi.ir/en/projects/item/266-isfahan-commercial-center.html |
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Après la quatrième étape, nous revenons à l'expression analytique de la cinquième et dernière étape, et au projet de centre commercial Hamedanian à Ispahan conçu par Caat Studio.
Comme à l'étape précédente une partie du bâti y est spécialement destinée à mettre en valeur le regroupement des autres parties qui sont séparées et autonomes. Toutefois, à la dernière étape cette partie du bâti ne se contente pas d'assumer pour les autres un rôle de regroupement, elle se présente comme faisant elle-même partie du groupe de bâtiments qu'elle contribue à affirmer.
C'est cette situation, à la fois de partie prenante du groupe des bâtiments et clé de voûte de leur affirmation en tant que groupe, qui permet que ce groupe puisse se lire en 1/x en plus d'être une addition de 1+1 bâtiments autonomes. Encore une fois, avec cette mutation la dernière étape permet cette double lecture qui donne la maturité nécessaire pour passer à la phase ontologique suivante.
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Atelier Deshaus : Long Museum à Xuhui, Chine (livré en 2014)
Source de l'image : https://www.architectural-review.com/today/long-museum-in-shanghai-china-by-atelier-deshaus/8673646.article |
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On revient à la quatrième étape de la 4e filière pour son expression synthétique. On retrouve le Long Museum d'Xuhui conçu par l'Atelier Deshaus dont on avait vu l'extérieur à l'occasion de la 2e filière, mais c'est maintenant une partie de ses salles intérieures que l'on examine.
L'intérieur du bâtiment est organisé par l'accumulation de grandes formes en Y isolées dont la transition entre le fût vertical et la tête horizontale qui sert de plafond se fait au moyen d'un grand arrondi de chaque côté de la partie haute de ce fût. Le remarquable ici est que ces grandes formes en Y ne se raccordent pas pour former une toiture continue mais restent écartées les unes des autres, et surtout que le sens d'implantation de ces Y est souvent croisé, de telle sorte qu'aucun raccordement n'est possible lorsque la partie horizontale d'un morceau de plafond vient rencontrer l'extrémité verticale d'un Y voisin. La conséquence en est que les ailes hautes des Y forment ensemble un plafond horizontal tout en restant bien indépendantes les unes des autres : parce qu'elles restent toujours un peu écartées en laissant une fente horizontale entre elles, et parce qu'elles ne se raccordent pas dans les zones où la partie horizontale d'une aile rencontre l'extrémité verticale de sa voisine. Ce plafond horizontal « presque fait » est l'effet de groupe produit par les différents Y, tandis que l'écart qui subsiste entre les différentes ailes et l'absence de raccordement possible entre certaines affirment l'autonomie préservée de chacun de ces Y.
Ne faisant ensemble aucune grande forme, même pas un plafond horizontal continu, ces différents massifs en Y s'ajoutent en 1+1, et quant à l'intention architecturale d'utiliser de multiples fois une même forme en Y, elle est pour cela du type 1/x.
Il s'agit d'une expression synthétique, car on ne peut pas lire le plafond horizontal formé par le groupe des grandes formes en Y sans s'affronter aux écarts qui restent entre elles et sans constater l'impossibilité de leur raccordement dans certaines directions. Si l'on compare à l'expression synthétique de la troisième étape, on constate que le groupe formé par les différentes parties du bâtiment devient plus compact, plus resserré, ce qui souligne qu'il ne reste plus qu'une étape pour atteindre la compacité maximale possible pour un groupe formé de parties autonomes.
L'effet prépondérant de rassemblé/séparé est clairement lisible : les différents Y sont rassemblés en continuité dans le plafond horizontal qu'ils font ensemble, et ils restent séparés par les vitrages zénithaux qui les écartent les uns des autres.
Les différents Y sont liés entre eux par leur participation commune à un grand plafond horizontal, mais ils sont indépendants les uns des autres du fait des écarts qui séparent leurs plafonds respectifs, et du fait que leurs pieds se séparent de ce plafond commun pour chacun redescendre de façon autonome : c'est un effet de lié/indépendant. Une même forme en Y est utilisée différentes fois et orientée dans différentes directions, et même en différentes hauteurs si l'on tient compte de l'étage intermédiaire que l'on voit sur la droite de la photographie : c'est un effet de même/différent et c'est aussi un effet d'un/multiple. Les écarts qui séparent les extrémités des ailes des différents Y font que l'extérieur de chaque forme en Y est bien perceptible à l'intérieur de l'enveloppe globale qu'elles forment ensemble : c'est un effet d'intérieur/extérieur.
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Hiroshi Sambuichi : Hall communautaire de Naoshima, Japon (livré en 2015)
Source de l'image : https://www.dezeen.com/2017/03/02/hiroshi-sambuichi-architects-sculptural-roofs-naoshima-hall-community-centre-japan/ |
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Autre exemple synthétique de la quatrième étape de la 4e filière, le Hall communautaire de Naoshima, au Japon, livré en 2015 par Hiroshi Sambuichi, à proximité du centre communautaire livré l'année suivante dans la même ville et dont on a étudié l'intérieur à l'occasion de la 1e filière.
Tout comme dans le Long Museum que l'on vient d'analyser, la continuité d'un plan est combattue par une fente continue qui permet de percevoir de façon autonome les deux parties qui sont groupées dans ce plan. Ici, l'une de ces parties correspond à l'aménagement en pente du terrain autour du bâtiment, l'autre correspond à ses pans de toiture. La nature très hétérogène de ces deux parties groupées en continuité dans un même plan renforce d'ailleurs l'affirmation de leurs autonomies respectives.
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HHF Architects : résidence Tsai à Ancram, USA (2008)
Source de l'image : https://www.hhf.ch/hhf/projects/projects/016-tsai_residence.html |
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Dernier exemple synthétique de la quatrième étape de la 4e filière, la résidence Tsai à Ancram, aux USA, livrée en 2008 par HHF Architects.
On y retrouve le même principe d'un plan de façade qui réunit en continu des corps de bâtiment isolés, ce qui leur permet d'apparaître comme formant un groupe bien affirmé. On y retrouve aussi le même principe d'une faille séparant ces différents corps de bâtiments, ce qui leur permet d'affirmer simultanément leur autonomie, laquelle est d'ailleurs renforcée par la diversité de leurs ouvertures.
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Architecture studio Precht : Boulder Houses (Maisons Rochers), maquettes du projet
Source des images : https://www.facebook.com/gestalten/posts/rigid-forms-that-bridge-architecture-and-nature-together-by-studio-precht-the-cr/10157111717741000/ |
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Pour finir, on revient à la cinquième et dernière étape de la 4e filière dans son expression synthétique et au projet de « Maisons Rochers » de l'Architecture studio Precht.
Comme dans l'expression synthétique de l'étape précédente, un écart bien visible est ménagé entre les différents bâtiments formant un même îlot, et aussi entre les différents îlots. Par différence toutefois, les différents corps de bâtiments d'un même îlot ne s'alignent pas sur des surfaces communes, tout comme les différents îlots ne s'alignent pas entre eux, ce qui permet de pousser au maximum les effets d'autonomie. La dense et haute végétation qui sépare les bâtiments d'un même îlot et les différents îlots entre eux compense ce surcroît d'autonomie par une disposition qui, à petite échelle enferme davantage chaque îlot dans une ceinture de verdure et renforce son effet de groupe, et qui, à grande échelle, noie tous les îlots dans une même mer verte qui les regroupe.
À l'intérieur d'un même îlot chaque maison s'ajoute aux autres en 1+1 puisque leur groupe n'a pas de forme spécifique lisible, mais l'enfermement bien visible de quatre maisons distinctes dans un îlot compact entouré de verdure permet aussi de lire ce groupe en 1/x. À grande échelle, de la même façon les 1+1 îlots peuvent aussi se lire comme une multitude d'îlots semblables et distincts réunis par une même végétation continue, et donc selon le type 1/x. À nouveau, la double lecture possible du bâti, en 1+1 ou en 1/x, signale que l'on est arrivé à la dernière étape de la phase ontologique. Ce qui est aussi indiqué par le fait que le contraste entre les deux notions en cause dans la filière est désormais maximum – ici le contraste entre groupe et autonomie – ce qui signale que la raison d'être de cette phase est désormais satisfaite.
> Tome 4. Retour aux débuts – Chapitre 14. Paléolithique