Pour des analyses qui envisagent aussi les architectes des étapes intermédiaires et qui rendent davantage compte de la complexité de chaque architecture analysée, on pourra se reporter au texte complet de l'essai à son chapitre 13.3 du Tome 3.
L'évolution dans la 1re filière, dans laquelle PF est du type 1/x alors qu'i est du type 1+1 et que la tension entre les deux notions est de faible intensité :
(thème de la filière : mise en question, par l'une des intentions architecturales, de la stabilité de l'enveloppement procuré par le bâtiment PF)
Pour un premier exemple de la première étape de la 1re filière, on envisage d'abord la grande couverture conique conçue par l'architecte japonais Hiroshi Nakamura (né en 1974) pour la salle communautaire du cimetière Sayama Lakeside à Saitama au Japon, livrée en 2013.
Deux dispositions caractérisent ce bâtiment : d'une part, une très longue couverture en pente qui en fait le tour, partant très haut et s'éloignant très loin, d'autre part une très large vue panoramique complètement masquée dans sa partie haute par la retombée du toit. La femme debout sur la photographie montre à quel point la vue sur le paysage alentour est empêchée en partie haute. Ici, l'enveloppement procuré par la toiture est complété par une remontée en allège qui procure un enveloppement complémentaire en partie basse.
C'est le même principe que l'on retrouve dans deux bâtiments de l'architecte suisse Angela Deuber (née en 1975). D'abord dans la maison construite en 2014 sur l'île d'Harris en Écosse, une large vue panoramique se combinant également avec un grand volume sous toiture en pente, descendant très bas et masquant la partie haute du panorama, ensuite dans son projet de 2012 pour le Palais du Cinéma de Locarno où un très haut volume sous plafond se conjugue également à une très large vue panoramique masquée dans sa partie haute. Dans les deux cas, la taille des sièges permet de repérer le niveau très bas de la retombée des linteaux et de s'apercevoir qu'une personne debout a les yeux plus hauts que cette retombée.
Chaque fois le volume de la partie de bâtiment concernée est très unitaire et relève donc du type 1/x, et chaque fois deux intentions contradictoires se confrontent : d'une part celle de procurer un enveloppement maximum, intention qui se manifeste par une enveloppe continue de très grande hauteur redescendant très bas ou se prolongeant au loin très longuement, enveloppe parfois complétée par une remontée de la paroi basse du bâtiment, et d'autre part l'intention d'échapper à cet enveloppement grâce à une ouverture panoramique continue sur le lointain.
Comme on l'a annoncé le thème propre à cette filière est en place dès sa première étape puisque ce thème est celui de la mise en cause, par l'une des intentions architecturales, de la stabilité de l'enveloppement procuré par le bâtiment. En effet, si l'une des intentions de l'architecte a bien été de produire un effet d'enveloppement protégeant de l'extérieur, ce qui est d'ailleurs l'une des fonctions essentielles d'un bâtiment, une autre de ses intentions, qui s'est ajoutée en +1 à la précédente, visait à briser cet enveloppement en ouvrant très largement le bâtiment vers le lointain.
Ces deux intentions contradictoires d'enveloppement et de fracture de cet enveloppement sont donc présentes dès la première étape, mais il importe de noter qu'elles sont encore mal séparées l'une de l'autre : c'est le même toit ou la même paroi haute qui procure l'effet d'enveloppement et qui, en s'interrompant brutalement, permet l'ouverture panoramique vers le lointain contrariant cet enveloppement. Bien qu'étant distinctes, les dispositions qui procurent l'enveloppement et celles qui procurent la brisure de cet enveloppement sont donc quelque peu mélangées puisqu'elles sont portées par les mêmes parties du bâtiment. Comme on le verra, c'est cette séparation encore manquante à la première étape qui sera obtenue à la dernière.
Deuxième exemple pour la première étape de la 1re filière. On retrouve l'architecte japonais Hiroshi Nakamura, d'abord avec une petite construction qu'il a dénommée « un cockpit dans les plantes sauvages », correspondant à une pièce à usage de bureau dans une habitation qu'il a livrée en 2014, à Nagano au Japon. Son soubassement s'enfonce dans le terrain en pente, et la partie qui en émerge est complètement entourée de vitrages permettant de se ressentir en complète continuité avec la végétation alentour.
Enfoncé dans le sol et protégé au-dessus par un toit continu, on ressent nécessairement à l'intérieur de ce cockpit une forte impression d'enveloppement puisqu'on y est enveloppé par en bas, enveloppé sur les côtés et enveloppé par le dessus. Dans le même temps, les vitrages panoramiques nous donnent l'impression d'être en continuité avec la végétation alentour, d'autant que notre tête est au raz même de cette végétation. On retrouve donc ici les deux intentions architecturales contradictoires s'ajoutant en 1+1 du bâtiment de Saitama du même architecte, mais il n'est plus si facile de séparer l'effet d'enveloppement clos de l'effet d'ouverture vers le lointain, car ces effets sont tous les deux produits par l'enfoncement de la cabine dans le terrain naturel : l'enfoncement dans le sol est la cause principale de l'effet d'enveloppement puisqu'il implique que l'on se trouve au creux du terrain, enveloppé par lui, mais il est aussi à l'origine de l'effet de continuité avec l'environnement puisqu'il nous met au niveau même des plantes qui recouvrent la pente, un peu comme si l'on était soi-même une plante parmi les plantes.
Au-delà de cette petite construction d'un cockpit enfoncé dans la terre, on peut relater deux exemples de constructions plus conséquentes envisagées par Hiroshi Nakamura mais non réalisées, une maison de week-end et un hôtel, chaque fois combinant un enfoncement du bâtiment dans le sol, un soulèvement du sol qui vient alors servir de toit, et une large ouverture panoramique entre les deux niveaux. Un autre architecte japonais, Tomohiro Hata (né en 1978), a lui aussi conçu un système d'habitation semi-enterrée qu'il a appelé « maisons D », formé d'une série de plusieurs maisons semi-enterrées adjacentes.
On passe maintenant à la cinquième et dernière étape de la 1re filière, d'abord avec le projet de 2014 de la « Villa Aquidotto » conçue par les architectes russes Maksim Nizov (né en 1985) et Maria Surkova (née en 1988) qui exercent en commun dans le cadre de la société Milodamalo. Il ne s'agit que d'un projet, pas d'un bâtiment réellement réalisé, mais tout au long de cette période, parce qu'elle correspond aux tendances les plus actuelles de l'architecture, il faudra souvent nous contenter de projets car les architectes concernés sont très jeunes et n'ont pas encore eu l'occasion d'avoir beaucoup de leurs projets construits.
Cette villa propose deux types de lieux très différents et bien séparés : d'une part, une partie « bien construite » avec des murs aux arcades pleines ou vitrées en bon état, d'autre part, aux deux extrémités mais surtout du côté de la piscine que l'on voit en premier plan, une partie à l'aspect ruiné, complètement disloqué, dont les arcades s'arrêtent dans le vide, dont les poteaux massifs sont dégradés et ne montent qu'à faible hauteur, et dont la toiture ne subsiste que par lambeaux.
Malgré leurs aspects très différents, on comprend bien qu'il s'agit de deux parties différentes d'un bâtiment unique, ici en bon état, là complètement dégradé, ce qui relève donc du type 1/x. Par contre, l'intention d'enveloppement réussi dans la partie bien construite et l'intention inverse de destruction de l'enveloppement dans la partie « explosée » relèvent du type 1+1 puisque de telles intentions complètement contradictoires ne peuvent rien faire ensemble. Par différence avec les exemples de la première étape, les deux intentions correspondent ici à des lieux bien séparés, et c'est cette séparation physique qui leur permet de bien affirmer leurs différences, puisqu'il n'y a rien de plus différent d'un bâtiment en bon état qu'un bâtiment complètement ruiné.
Autre exemple pour la cinquième et dernière étape de la 1re filière, avec un projet d'immeuble pour Tel Aviv conçu par Frei et Chris Precht (Frei est chinoise, Chris est autrichien, né en 1983) qui ont fondé l'Architecture studio Precht. Les terrasses des logements sont portées par des arches formant un motif en croix dont les points porteurs et les plateaux portés se décalent de façon systématique en générant une trame régulière horizontale, verticale et diagonale, qui relève très clairement du type 1/x.
La continuité de cette trame de surfaces formant écran devant les logements correspond à l'intention de les envelopper par une paroi continue, mais les ouvertures laissées entre ces voiles correspondent à l'intention inverse de laisser cette paroi constamment trouée et non continue. Étant contradictoires, ces deux intentions s'ajoutent évidemment en 1+1.
À la première étape, l'enfoncement dans le sol procurait simultanément l'effet d'enveloppement clos et l'effet de continuité avec le lointain, et il était difficile de séparer ces deux effets. À cette dernière étape le contraste est bien évident entre la continuité de l'enveloppement procuré par les voiles en forme d'arches et les trous qu'ils laissent entre eux, et donc à côté d'eux, pour nier la continuité de cet enveloppement, d'autant qu'à ces trous s'ajoutent les avancées des terrasses devant les points d'appui des arches. La clarté de cette opposition entre des dispositions qui font un effet d'enveloppement et d'autres qui le défont est le résultat de la maturité acquise au fil des étapes depuis le caractère encore ambigu qu'avait cette opposition à la première étape.
L'évolution dans la 2e filière, dans laquelle PF est du type 1/x alors qu'i est du type 1+1 et que la tension entre les deux notions est de forte intensité :
(thème de la filière : mise en question par l'une des intentions architecturales de la compacité du bâtiment PF)
Comme premiers exemples de la première étape de la 2e filière, deux architectes japonais déjà évoqués. D'abord Hiroshi Nakamura et sa résidence construite en 2008 à Tokyo qu'il a appelée « Dancing trees, Singing birds » (Arbres dansants, Oiseaux chantants) pour évoquer la façon dont il s'est adapté à la présence des arbres existants sur le site, y encastrant, pour ainsi dire, le bâtiment. La vue de la maquette rend bien compte de sa démarche : la masse du bâtiment est compacte, mais l'épaisseur de sa façade est creusée verticalement, horizontalement et même obliquement pour laisser passer les troncs et les branches des arbres. La combinaison entre la compacité préservée de la masse du bâtiment et la multiplication de ses excroissances se faufilant entre les troncs et les branches procure au bâti un caractère 1/x.
Chaque adaptation du bâtiment à la présence et à la forme de l'un des arbres correspond à une intention d'adaptation particulière. Comme tous ces arbres ne font rien ensemble mais qu'ils s'ajoutent en file 1+1 les uns à côté des autres, les différentes intentions d'adaptation particulières héritent de ce caractère et s'ajoutent donc également en 1+1.
À la première étape de la 1re filière, nous avions affaire à un compromis ambigu entre l'effet d'enveloppement par le bâtiment et la négation de cet enveloppement. À la première étape de la 2e filière, nous observons maintenant que la compacité de la masse du bâtiment, bien que présente, ne s'affirme que de façon ambiguë du fait du morcellement de son volume dans toute l'épaisseur de sa façade, un morcellement qui tend évidemment à nier la compacité du bâti. Puisque dans chaque filière la première étape pose de façon ambiguë la nature du conflit qui s'approfondira au fil des étapes, pour la 2e filière ce conflit sera donc entre la compacité du bâtiment et sa négation.
Avec sa « maison de la terre » terminée en 2018 près d'Osaka, Tomohiro Hata propose un autre exemple de bâtiment dont les avancées et les creux irréguliers de la façade mettent en question la compacité de son bâti, renforcés pour cela par la présence de poteaux métalliques parfois très penchés qui questionnent la stabilité de sa structure. Ici, les encoches qui creusent le volume ne sont pas toujours justifiées par la présence de végétations, mais parfois par la présence de trémies d'escaliers, à moins qu'elles ne correspondent tout simplement à l'intention de l'architecte de générer des creusements irréguliers dans le volume du bâtiment.
Autre exemple très différent pour la première étape de la 2e filière avec l'architecte japonais Hiroshi Nakamura. Sa « Chapelle Ruban » terminée en 2014 à Hiroshima est, en fait, une chapelle de mariage. Son enveloppe extérieure est obtenue par l'enchevêtrement de deux spirales qui tournent en sens inverse et qui se contrebutent mutuellement, parfait exemple d'un bâti à la fois un et deux, et donc du type 1/x. L'intention de faire tourner une spirale dans un sens s'ajoute évidemment en 1+1 à l'intention de faire tourner l'autre spirale dans l'autre sens. Lors de la cérémonie les deux mariés empruntent chacun une spirale, ils se rejoignent dans le haut puis redescendent ensemble.
Comme l'intérieur de la chapelle n'est qu'un creux vitré, toute la compacité du bâtiment est concentrée dans ces deux escaliers en spirale qui vont en sens inverse. Le contrebutement d'une spirale sur l'autre donne sa solidité à l'édifice et il donne l'impression que le volume du bâtiment est bien enfermé, bien ligoté. Toutefois, cette impression de compacité est relative car le fait que les deux spirales vont dans des sens contraires empêche de lire une forme continue et contribue ainsi à défaire la lecture de sa compacité. Comme il convient pour la première étape, l'intention de compacité est visiblement présente en même temps que sa négation, et le conflit entre ces deux intentions est encore ambigu, non net.
Dernier exemple pour la première étape de la 2e filière, toujours au Japon, une maison individuelle de 2019 conçue par Keisude Maeda (UID Architects, né en 1974) qu'il a dénommée « maison papillon ». Le bâti forme une unité à la fois compacte et divisée sous de multiples toitures indépendantes, il est donc du type 1/x, tandis que les multiples intentions d'orienter chacune de ces toitures dans des directions très autonomes les unes des autres ne génèrent aucune forme globale et s'ajoutent en 1+1. Par un aspect, ces intentions visent à buter les toitures les unes contre les autres, ce qui contribue à valoriser la compacité du bâtiment, et par un autre aspect la dispersion incohérente des toitures dans toutes les directions donne l'impression que le bâtiment est complètement fracturé, on est bien ici dans le thème de la mise en cause de la compacité du bâti qui est propre à cette filière.
Cet exemple a été spécialement choisi pour sa similitude avec le dernier exemple que l'on donnera pour la dernière étape, leur comparaison montrant bien l'acquis accumulé au cours de cette filière.
On passe à la cinquième et dernière étape de la 2e filière avec un exemple dû à Mahdi Kamboozia, architecte iranien (né en ?) qui exerce dans le cadre de sa société CAAT Studio et a livré en 2015 une résidence à Kahrizak (Iran) qui oppose de façon bien nette les deux termes du conflit compacité/anéantissement de la compacité. D'une part, son bâtiment propose une trame orthogonale épaisse relevant du type 1/x qui affirme la stable et solide continuité du bâtiment, d'autre part, intercalés à l'intérieur de cette trame, des voiles en brique ondulent dans tous les sens et se dérobent de façon très irrégulière, comme s'il s'agissait de simples rideaux poussés par le vent. Autant la trame orthogonale en béton correspond à l'intention de procurer un effet de stabilité pour le bâti et de continuité pour sa façade, autant ces voiles en briques irrégulièrement tordus correspondent à une intention contradictoire qui s'ajoute en +1 à la précédente, car elle contredit tout effet de stabilité et de continuité et donne au contraire l'impression que la façade est défoncée en de multiples endroits et de multiples façons.
À la première étape, les deux intentions de compacité et de négation de compacité étaient déjà présentes, mais à cette dernière étape leur contraste est beaucoup plus clairement affirmé puisque chacune concerne maintenant une partie bien distincte du bâti.
Avec le bâtiment de bureaux et d'exposition qu'il a édifié en 2014 à Moscou pour une entreprise spécialisée dans la commercialisation d'éléments en bois aggloméré, Milodamalo propose une autre solution de contraste bien tranché entre une surface bien régulière, bien continue, donc bien compacte, et une autre surface qui se déhanche de façon irrégulière et dont la compacité semble complètement compromise à force de se creuser ainsi en tous sens comme s'il s'agissait d'une motte de beurre. Là encore, la surface régulière compacte et la surface irrégulière qui se creuse et se déhanche sont bien séparées comme il convient pour un bâtiment qui relève de la dernière étape, mais cette fois elles sont complètement l'une à côté de l'autre et non pas incrustées l'une dans l'autre comme il en allait pour le bâtiment iranien.
Dernier exemple pour la cinquième et dernière étape de la 2e filière. Nous retrouvons l'architecte Mahdi Kamboozia de CAAT Studio avec un projet non réalisé qu'il a conçu en 2010 pour un centre des médias à Téhéran.
Par différence avec la « maison papillon » de la première étape dont les différents corps de bâtiment se dispersent sans coordination entre eux en neutralisant mutuellement leur dynamisme, à la dernière étape le contraste est maintenant très clair entre la compacité apportée par l'imbrication des différents corps de bâtiments tassés les uns contre les autres, et d'autre part l'effet centrifuge provoqué par la dispersion de leurs formes dans toutes les directions en niant la compacité de leur tassement. Ces deux intentions, puisqu'elles sont contradictoires, s'ajoutent l'une à l'autre en 1+1, tandis que le bâti, clairement compact, et donc « un », mais aussi multiple, relève du type 1/x.
Dans les exemples précédents de la dernière étape, les endroits faisant des effets de compacité et les endroits faisant des effets niant la compacité étaient clairement séparés, ce qui correspondait à des expressions analytiques permettant de considérer séparément les deux types d'effets, ici ils sont confondus sur les mêmes formes, ce qui correspond cette fois à une expression synthétique dont le principe est que les deux effets contradictoires ne peuvent pas être considérés séparément l'un de l'autre. Ces exemples rendaient spécialement facile l'explication de la différence entre expression analytique et expression synthétique, mais comme on l'a déjà indiqué, même si cette différence n'est pas explicitement justifiée, tous les premiers exemples de chaque étape relèvent d'une expression analytique tandis que tous les suivants d'une expression synthétique.
L'évolution dans la 3e filière, dans laquelle PF est du type 1+1 alors qu'i est du type 1/x et que la tension entre les deux notions est de faible intensité :
(thème de la filière : capacité de l'intention architecturale à relier des bâtiments PF écartés les uns des autres et s'ajoutant en 1+1) :
Comme premier exemple de la première étape de la 3e filière, le salon de coiffure Lotus livré en 2006 à Kuwana, au Japon, par l'architecte Hiroshi Nakamura. Comme le montre la coupe du bâtiment, son intérieur est constitué d'une plate-forme horizontale dans laquelle sont creusées une multitude d'alvéoles indépendantes les unes des autres, tout du moins si l'on excepte les cheminements qui permettent de passer de l'une à l'autre. L'ensemble du sol est en pente, de telle sorte que certaines alvéoles sont très creusées alors que d'autres sont peu profondes et permettent de s'asseoir sur la plate-forme horizontale commune.
Ces alvéoles forment des creux qui s'ajoutent en 1+1 les uns aux autres puisqu'ils ne forment pas ensemble un plus grand creux dont chacun ne serait qu'une partie. Passant de l'une à l'autre, on peut constater que l'intention architecturale est toujours la même, creuser une alvéole sous une plate-forme horizontale, et puisque cette intention est à la fois une et multiple, elle est du type 1/x.
À sa première étape, le thème de chaque filière est toujours posé de façon confuse. Celui de cette 3e filière correspondra donc à l'intention du type 1/x de relier entre eux des lieux séparés et indépendants s'ajoutant les uns aux autres en 1+1. Ici ce thème est encore posé de façon peu nette, car la plate-forme qui sert à relier les alvéoles indépendantes est en même temps l'élément architectural à l'intérieur duquel ces alvéoles sont creusées. Lorsqu'on examinera l'expression équivalente à la dernière étape, on verra que l'élément qui sert à faire la liaison et les éléments qui sont reliés auront alors acquis une complète indépendance et qu'ils pourront se lire séparément.
On donne deux autres exemples d'architectures intérieures dans lesquelles une surface continue relie diverses alvéoles séparées les unes des autres. D'abord, des bureaux conçus par l'architecte belge Karla Menten (née en 1966), en 2011 à Hasselt en Belgique, et qu'elle elle-même baptisés « On the floor ». L'indépendance des alvéoles circulaires est ici radicale puisque c'est seulement la surface horizontale dans laquelle elles se creusent qui permet d'y accéder, cette surface servant donc à la fois de bureau et de cheminement.
Ensuite, un salon Lily Nails à Beijing, en Chine, dans lequel des alvéoles sont creusées dans un plan cette fois oblique et légèrement ondulant pour y soigner les ongles. Ce salon a été réalisé en 2017 par l'architecte chinois Han Wenqiang (né probablement vers 1980) et sa société Archstudio. Les développements faits pour le salon de coiffure conçu par Hiroshi Nakamura valent pour ces deux exemples.
Pour commencer une seconde série d'exemples correspondant à la première étape de la 3e filière, nous faisons à nouveau appel à Hiroshi Nakamura, cette fois pour une habitation construite en 2013 à Nasu, au Japon, une habitation qu'il a dénommée « Tepee ». Elle se présente, en effet, comme un groupe de toitures pyramidales quelque peu encastrées les unes dans les autres qui ne sont pas sans évoquer les tentes des Indiens d'Amérique. Côte à côte ces différentes pyramides ne génèrent pas une grande forme d'ensemble dont chacune ne serait qu'une partie, elles s'additionnent en 1+1. Puisque l'intention architecturale de donner une forme pyramidale à chaque partie du bâtiment se répète plusieurs fois de façon semblable, elle relève du type 1/x.
Par différence avec les premiers exemples donnés, il n'existe pas ici un élément dont le rôle spécifique est de relier les différentes pyramides, c'est seulement leur encastrement partiel qui les réunit, ce qui permet d'ailleurs au volume intérieur d'être continu puisqu'il passe ainsi d'une pyramide à l'autre. On est bien ici à la première étape car, comme dans les exemples précédents, il y a une certaine confusion quant à la question de savoir si ces différents Tepees sont isolés les uns des autres ou s'ils sont reliés entre eux. Ces deux aspects sont vrais, mais difficilement distinguables.
Dernier exemple de la première étape, utilisant aussi des formes triangulaires mais cette fois posées sur leur pointe, l'école maternelle de Thal, en Suisse, livrée en 2013 et que l'on doit à Angela Deuber. Elle se présente comme une accumulation, sur ses quatre faces, de formes triangulaires pointes en bas, et cela sur deux niveaux de profondeur puisque cette forme se retrouve sur les gardes corps des galeries et sur les façades principales. À l'endroit des gardes corps ces triangles sont très allongés et touchent le plancher par leurs pointes, ils sont plus aigus sur les façades principales et leurs pointes y restent à quelque distance du plancher.
Ces triangles ne génèrent pas une grande forme commune, tout au contraire ils se gênent mutuellement, ils se cachent mutuellement et s'ajoutent donc en 1+1 triangles pointe en bas. Quant à l'intention architecturale de répéter de multiples fois le même thème du triangle pointe en bas, il relève du type 1/x. Ces triangles sont-ils isolés les uns des autres ou sont-ils reliés entre eux : ici aussi les deux aspects sont vrais et il est difficile de les départager.
On passe maintenant au premier exemple la dernière étape de la 3e filière. On retrouve Mahdi Kamboozia de CAAT Studio avec le projet de complexe commercial qu'il a conçu en 2017 sous un pont près du parc Chitgar de Téhéran.
Les diverses unités commerciales sont des bâtiments bien distincts et séparés les uns des autres, et comme le rassemblement de ces bâtiments ne génère aucune forme globale repérable, ils s'ajoutent en 1+1 les uns à côté des autres. Quant à lui, le pont forme une bande de circulation qui relève de l'intention de relier visuellement ces différents bâtiments, et par différence à la première étape cet élément qui sert à relier est bien distinct des éléments qu'il relie. En reliant les diverses unités commerciales le pont affirme leur rassemblement, il affirme le groupe qu'elles forment malgré l'autonomie de chacune, il permet qu'on les lise comme un groupe de x unités reliées de la même façon, et donc un groupe du type 1/x alors qu'elles ne sont qu'une suite de bâtiments s'ajoutant en 1+1 les uns à côté des autres. La maturité de la dernière étape se matérialise donc ici par le fait que les bâtiments qui s'ajoutent en 1+1 peuvent aussi se lire en 1/x grâce à une franche séparation entre les bâtiments reliés et l'élément construit qui les relie.
Dernier exemple de la dernière étape de la 3e filière. Nous retrouvons l'Architecture studio Precht, avec un projet d'immeuble « The Farmhouse » dans lequel les façades des habitations alternent avec des serres essentiellement consacrées à la culture alimentaire. Les façades des logements y ont une forme triangulaire pointe en haut, les serres intercalées y ont également une forme triangulaire, mais pointe en bas. L'intention de donner une même forme triangulaire à chacun des modules de la façade se répète à de multiples reprises, elle est donc du type 1/x.
L'assemblage de ces formes triangulaires génère un contour extérieur zigzaguant qui ne donne pas à la tour une forme aisément lisible, et l'addition des triangles de logements et des triangles cultivés correspond à une addition de modules dissemblables, tant dans leurs fonctions que dans leurs aspects : sens inverses de leurs formes et complément par des menuiseries orthogonales dans le cas des logements et par des redivisions en triangles dans le cas des serres agricoles. Pour toutes ces raisons, ces triangles s'ajoutent en files de 1+1 triangles les uns à côté des autres et les uns au-dessus des autres. Toutefois, l'accolement des triangles par inversion de leurs sens donne à la façade l'aspect d'un tapis uniforme divisé en multiples triangles, ce qui procure donc au bâti un type 1/x simultané à son type 1+1.
On reconnaît donc le caractère simultanément 1+1 et 1/x du bâti auquel on devait s'attendre pour une dernière étape, ces deux types de lecture étant ici spécialement difficiles à séparer. On peut utilement comparer cette disposition à celle de l'école de Thal d'Angela Deuber de l'étape précédente : ses deux séries de formes en triangles décalées dans la profondeur se gênent mutuellement, et non seulement elles ne s'y combinent pas dans une trame commune du type 1/x, mais elles s'y combattent obstinément en 1+1 séries de triangles autonomes l'une de l'autre.
L'évolution dans la 4e filière, dans laquelle PF est du type 1+1 alors qu'i est du type 1/x et que la tension entre les deux notions est de forte intensité :
(thème de la filière : capacité de l'intention architecturale à grouper des bâtiments PF autonomes s'ajoutant en 1+1) :
Qui dit nouvelle filière dit nouvel enjeu. Cette fois, l'intention architecturale est de faire groupe avec des bâtiments qui s'affirment autonomes les uns des autres. Il ne s'agit pas seulement, comme dans la précédente, de relier ces bâtiments, mais qu'ils forment véritablement un groupe, avec une affirmation propre de groupe, et cela tout en faisant en sorte qu'ils restent malgré tout indépendants les uns des autres. C'est une tâche un peu plus ardue que celle de la 3e filière, raison pour laquelle la 4e correspond à une tension de plus forte intensité que la précédente, et il en allait de même de la différence entre les deux premières filières, car il faut plus d'énergie pour défaire la compacité d'un bâtiment que pour seulement défaire la qualité de son enveloppement.
Comme premier exemple de la première étape de la 4e filière, l'organisation intérieure du projet de Chapelle Funéraire à Steinhausen, en Suisse, conçu en 2012 par l'architecte suisse Raphael Zuber (né en 1973). Le volume intérieur de ce bâtiment est divisé en deux par un très haut mur en maçonnerie suspendu au plafond. Le jour passe entre ce mur et les parois latérales du bâtiment, il s'arrête dans sa descente pour permettre le passage en dessous de lui, et aussi pour permettre, depuis chacune des deux moitiés de l'espace, d'imaginer le volume global de la pièce malgré la présence de cet écran. Comme toujours, la première étape d'une filière expose le conflit qui sera celui de toutes ses étapes. Dans la 4e filière, on l'a dit, il s'agit de parties de bâtiment autonomes qui parviennent cependant à faire groupe, et c'est bien de cela qu'il s'agit ici : les deux moitiés de l'espace intérieur du bâtiment sont autonomes puisqu'un très haut mur en maçonnerie les sépare en descendant très inhabituellement depuis le plafond, mais, puisque ce mur se décolle des parois latérales et qu'il laisse en dessous de lui un large passage, la perception de l'autonomie de chacune des deux parties du volume n'empêche pas de percevoir qu'elles font partie d'un plus grand volume qui les regroupe.
Comme ce haut mur qui descend du plafond est un obstacle suffisant pour masquer la plus grande partie du volume voisin, chacune des deux moitiés reste clairement indépendante et s'ajoute à l'autre en 1+1. L'aspect ambigu du conflit propre à cette filière lorsqu'on est encore à sa première étape correspond au fait que l'on ne peut pas dire de façon catégorique que les deux volumes font quelque chose ensemble puisqu'on ne peut pas véritablement voir le volume global qui les rassemble : il n'a pas de forme propre perceptible, on peut seulement le deviner et le reconstituer par imagination. Quant à elle l'intention architecturale est clairement de type 1/x puisqu'elle consiste à diviser en deux un grand volume dont on perçoit simultanément l'existence et celle de ses deux divisions.
Le même principe d'organisation interne du lieu vaut pour le magasin Eyecare aménagé en 2010 à Maastricht, aux Pays-Bas, par l'architecte belge Karla Menten (née en 1966).
Cette fois il n'y a pas une partition globale du volume en deux volumes séparés, mais l'aménagement de plusieurs alvéoles utilisées comme présentoirs de lunettes formant autant de retraits autonomes à l'intérieur d'un grand volume auquel elles participent pourtant. À la différence du projet de Raphael Zuber, la pénétration dans ces alvéoles ne se fait pas en passant sous les cloisons, mais en passant à côté, et le vide latéral qui permet cette pénétration rend d'autant plus étonnante leur absence d'appui au sol puisque rien n'empêchait de les descendre jusqu'au sol.
La maison Casaneiro à Nara, au Japon, livrée en 2016 par l'architecte japonais Keisude Maeda (né en 1974), est complètement divisée en tranches verticales de différentes couleurs, et plusieurs tranches partagent partiellement un même volume qu'elles croisent et traversent en se prolongeant horizontalement bien au-delà de leur volume commun.
Ces tranches apparaissent clairement en façade sur rue, ainsi que leur caractère de 1+1 tranches construites puisqu'elles n'y font rien d'autre que de se suivre les unes à côté des autres, chacune de couleur différente et chacune de largeur différente. C'est à l'intérieur que se manifeste l'intention de créer un volume perpendiculaire à leur suite pour les réunir en une enfilade croisant de multiples tranches, et donc selon le type 1/x. Ainsi, dans la photographie de droite, au premier plan on croise d'abord deux tranches blanches successives, la première correspondant au jardin et la seconde à une partie du séjour, plus loin une tranche rose vif correspondant à la banquette du séjour, plus loin une nouvelle tranche blanche toujours dans le séjour, et plus loin encore une tranche orangée correspondant à la cuisine. Il y a bien ici un effet de groupe impliqué par ce long volume qui croise l'ensemble des autres pour les réunir, mais il n'y a toutefois aucun groupe franchement lisible puisque ce long volume se contente de traverser les autres sans les englober, ce qui correspond au manque de netteté attendu pour une première étape.
Pour un dernier exemple correspondant à la première étape de la 4e filière, une maison livrée en 2017 par l'architecte Tomohiro Hata dans le quartier de Tarumi à Kobé, au Japon. Comme le montre bien sa maquette, cette maison est une enfilade complexe d'arcades, parfois les unes derrière les autres, parfois décalées horizontalement, parfois décalées sur des niveaux différents, et presque toujours de tailles et de hauteurs différentes. En somme, cette maison a la forme d'un groupe d'arcades ouvertes dans des pignons maçonnés bien autonomes les unes des autres. On retrouve donc la combinaison entre effet de groupe et effet d'autonomie, mais il n'y a toutefois aucun groupe franchement lisible en tant que tel, et l'autonomie des différentes arcades est aussi très relative puisqu'elles sont attachées les unes aux autres par la continuité du bâti, ce qui correspond au manque de netteté attendu pour une première étape.
Puisque aucune forme d'ensemble n'est lisible, seulement une succession d'arcades s'ajoutant les unes derrière les autres, les unes à côté des autres ou les unes au-dessus des autres, elles s'ajoutent en 1+1. Quant à elle, l'intention architecturale consiste à répéter de multiples fois une même forme en arcade, elle est du type 1/x.
On passe maintenant à la cinquième et dernière étape de la 4e filière pour un premier exemple, le projet de centre commercial Hamedanian à Ispahan, conçu en 2014 par Caat Studio, nous servira d'exemple caractéristique. Ce projet comporte deux parties bien distinctes. D'une part et sur la périphérie, un ensemble d'immeubles parallélépipédiques régulièrement écartés les uns des autres, et d'autre part une grande forme qui se déhanche à l'intérieur de l'îlot formé par les immeubles précédents. Cette grande forme tordue, sans véritablement raccorder les bâtiments parallélépipédiques qui restent autonomes, n'en sert pas moins de forme dominante affirmant l'unité du groupe que construisent toutes ces formes, de telle sorte que la présence de cette grande forme supprime l'ambiguïté qui existait à la première étape : l'effet d'autonomie est désormais clairement affirmé puisqu'elle est très autonome des formes parallélépipédiques et que celles-ci sont elles-mêmes bien détachées les unes des autres, et de son côté l'effet de groupe est spécifiquement affirmé par cette forme qui domine les autres bâtiments, serpente entre eux et forme un signe visible de réunion, de mise en groupe.
Cette grande forme courbe réunit en groupe les divers bâtiments du site, mais à proprement parler il n'existe pas de forme regroupant tous les bâtiments, c'est-à-dire une forme globale dont chaque bâtiment individuel ne serait qu'une partie. On est donc toujours avec des bâtiments qui s'échelonnent en 1+1 les uns à côté des autres, mais cette grande forme qui les domine permet de lire qu'il n'y a pas seulement là de multiples bâtiments mais aussi un groupe, et donc de lire aussi leur ensemble en 1/x. Cette double lecture en 1+1 et 1/x correspond à l'évolution finale de la 11e période, une maturation évidemment liée à l'intention architecturale qui était de faire en 1/x un groupe réunissant de multiples bâtiments.
Pour un dernier exemple de la cinquième et dernière étape de la 4e filière, on retrouve l'Architecture studio Precht avec un projet de groupement de maisons individuelles qu'il a dénommé « Boulder Houses » (Maisons Rochers). Ces maisons sont groupées par quatre sur un même îlot, et ces îlots se répètent de place en place, toujours orientés différemment et toujours séparés les uns des autres par une dense végétation. Le tassement les unes contre les autres des quatre maisons d'un même îlot affirme clairement le groupe qu'elles forment, et tout aussi clairement l'écart bien net qui reste à les séparer affirme simultanément l'autonomie de chacune. On échappe ici à l'ambiguïté qui était celle de la première étape, et il en va de même à l'échelle globale : la répétition d'un même type d'îlot affirme le groupe que forme le rassemblement de tous ces îlots, tandis que leurs orientations différentes, et surtout la forte densité de la haute végétation qui les sépare, assure une autonomie bien visible pour chacun des îlots.
Même si le groupe de quatre maisons que forme chaque îlot est bien repérable, celui-ci n'a pas de forme lisible qui lui soit propre. Par ailleurs, les différentes maisons qui en font partie ne suivent aucune régularité dans leur disposition, que ce soit pour ce qui concerne la présence ou non de fenêtre en toiture, le sens de la pente de leur toiture, leur orientation ou leur position par rapport aux limites du groupe, si bien que ces quatre maisons s'ajoutent en 1+1 à l'intérieur de leur îlot, et la même chose vaut pour la façon dont les multiples îlots s'ajoutent en 1+1 les uns à côté des autres sans faire ensemble une grande forme lisible.
Pour assembler quatre maisons dans un même îlot, se répète à quatre reprises la même intention de donner à chacune un plan carré sur deux niveaux, tout comme l'intention de lui procurer une toiture à une seule pente, de grandes baies vitrées et une couleur blanche, et de la même façon la même intention de former de tels îlots se répète à de multiples reprises pour donner forme à l'ensemble du groupement d'habitations. Répétée de façon identique à de multiples reprises, l'intention architecturale est donc ici du type 1/x, et comme il convient pour une dernière étape ce type 1/x de l'intention déteint sur le type 1+1 des bâtiments qui peuvent finalement se lire aussi bien comme plusieurs bâtiments analogues se groupant dans un même îlot, et se lire à grande échelle comme les multiples groupes de bâtiments analogues d'un même aménagement d'ensemble.
(dernière version de ce texte : 2 février 2023) - Suite : 12e période