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BIRMANIE (suite)
24 au 27 février 2007
Le petit-déjeuner pris sur la terrasse de l'hôtel est bon et copieux avec les fruits frais, le jus de fruit, les toasts, les pancakes, le café. J'aurai personnellement préféré qu'il soit servi un peu plus rapidement, mais, nous le savons pourtant, le service en Asie est, disons, assez lent !
Le soleil est déjà levé depuis un petit moment lorsque nous stationnons nos vélos de location devant la pagode Shwezigon . On dit que c'est l'une des plus belles du pays et sincèrement nous voulons bien le croire. D'autant plus qu'une cérémonie a lieu à l'intérieur : des petites filles, jolies comme des coeurs dans leur tenue de fête, s'apprêtent à devenir nonnes novices. Une fois la bénédiction terminée, les familles et les gamines viennent se faire photographier en notre compagnie, tout sourire.
Nous repartons, de temple en temple, de pagode en pagode, de stûpa en pagodon, toute la journée durant, sous un soleil de plomb. Nous pédalons le plus souvent péniblement, sur les chemins sablonneux à souhait, au milieu des milliers de vestiges encore debout aujourd'hui. La répétition des sites n'est heureusement pas ennuyeuse du tout, chaque édifice ayant sa propre personnalité. Mais pour nous reposer un peu, reprendre des forces et nous désaltérer, nous nous arrêtons dans Old Bagan . Abrités sous l'auvent d'une petite épicerie qui fait aussi office de bar et de poste, nous engloutissons un cola à peu près frais et dévorons en deux bouchées un paquet de chips ! Les deux Espagnoles de Yangon qui passaient dans le coin nous reconnaissent et s'arrêtent discuter avec nous, à l'ombre. Avant de repartir, une tentative de connection internet dans l'arrière boutique avorte rapidement, faute aux trop nombreuses coupures électriques.
Remontés sur nos vélos, une petite montée nous fait plutôt mal aux jambes et nous laisse le souffle court. Ça nous apprendra à rester trop longtemps assis à regarder les mouches, ou plutôt les beaux oiseaux ici, voler ! Demain, promis, on ne s'arrêtera pas !
Pour la fin de journée, j'ai prévu de monter sur une pagodepour dominer ainsi une grande partie du site et assister au spectacle du coucher de soleil qu'on nous a prédit magique. Je retrouve assez facilement celle que j'avais repérée plus tôt dans la journée. Je m'attendais à ce qu'il y ait du monde, mais en fait nous sommes pratiquement les seuls. La vue périphérique depuis la plus haute terrasse est déjà superbe à cette heure, mais lorsque le disque solaire sera près à se poser sur l'horizon, là-bas derrière le fleuve, cela tiendra carrément du sublime.... malgré la foule des touristes qui aura envahi les marches et que nous n'aurons pas vue venir tellement nous étions pris par la magie du moment. Nos deux Espagnoles sont là, elles aussi, perchées comme elles le peuvent, tout en haut, au pied du zedi . Je préfère partir maintenant, d'abord pour échapper à la poussière que ne vont pas manquer de soulever les nombreux cars stationnés tout près (dire que je n'ai rien vu arriver !) et surtout pour aller photographier depuis le sol les temples en ombre chinoise.
Il nous faut maintenant rentrerà Nyaung Oo dans la nuit noire. Il reste plusieurs kilomètres, mais nous avons désormais atteint la route goudronnée et sorti nos lampes de poche pour tenter d'éviter les nids de poule et autres imprévus. Tellement concentré sur le goudron, je ne remarque pas la petite route qui part sur ma gauche. Nous roulons depuis maintenant assez longtemps et Chantal grogne un peu (!?) derrière moi. Bon sang, mais il va bien falloir que je tourne à un moment donné ! Les yeux rivés sur la gauche à chercher une route ou un chemin dans la nuit, je ne peux éviter un énorme trou dans le bitume. Le choc est rude, je manque d'être éjecté et me retrouve à cheval sur la barre métallique de mon vélo.... Pas de description ici, les hommes me comprendront !!! Comme par magie, Chantal s'arrête sur-le-champ de râler pour s'étouffer dans un fou rire qui, moi, ne me fait pas rire du tout à ce moment-là ... Dur, dur de rouler dans la nuit !
Enfin un grand carrefour se présente devant nous. J'oblique enfin sur la gauche et roule encore pendant pas mal de temps, Chantal, à présent remise de ses émotions, pestant juste derrière moi. Enfin, de faibles lueurs apparaissent dans la nuit et, une fois la porte marquant l'entrée du village franchie, les habitations se font plus nombreuses sur le bord de la chaussée. Mais nous ne reconnaissons pas grand chose dans le noir et me trompant d'endroit, je tourne à droite au lieu de continuer tout droit ! Cette fois-ci, nous sommes pratiquement dans le village, mais complètement paumés. Les gens ne comprennent pas un traître mot de ce qu'on leur demande, ne parlant ni l'anglais et encore moins le français. En plus, nous sommes en Birmanie, parler avec des étrangers peut faire peur et s'attirer les foudres des autorités militaires en cas de dénonciation de la police secrète. Heureusement, la dame de l'accueil nous a laissé une carte de la guesthouse avec le nom écrit en birman. Je la montre à un groupe de jeunes filles qui, bravant leur trouille, nous expliquent par le geste le chemin à suivre. Je m'aperçois alors bien vite qu'en arrivant nous sommes passés juste devant, mais me croyant dans le bon sens, je cherchais de l'autre côté de la rue !!!
Chantal ! Promis, demain nous rentrerons de jour....
Mis en appétit par nos efforts de la journée, le repas pris dans le même restaurant qu'hier soir se révèle être encore meilleur et encore plus copieux.
À sept heures trente le lendemain matin, nous sommes déjà sur les vélos à sillonner la campagne. De jeunes moines, drapés dans leur robe rouge orangé, parcourent en file indienne les rues du village en quête de nourriture. Il fait encore bon à cette heure et la lumière est pour quelques instants encore douce et splendide. Nous en profitons vite car, sous ces latitudes, à partir de neuf heures, le soleil est déjà trop haut pour les belles photos et déjà très chaud. Aujourd'hui, nous varions un peu les plaisirs : toujours les balades sur les chemins sablonneux, mais aussi visites à l'intérieur des temples pour s'abriter de la chaleur et, malgré ma promesse, nouvelle pause à Old Bagan et l'épicerie d'hier. Aujourd'hui, c'est Richard que nous croisons, bien à l'abri dans sa carriole à cheval. Mais à le regarder de plus près, je me demande lequel de nous est le plus à plaindre : nous, suant sur notre vélo, ou bien lui, très mal assis et chahuté au fond de sa charrette ?!!
Une carte en main, nous nous repérons assez facilement dans le labyrinthe des pistes qui sillonnent les quarante kilomètres carrés du site. Pour ce soir, j'ai déniché sur le plan un autre endroit pour le coucher de soleil, assez éloigné de celui d'hier, mais apparemment plus proche de notre village. Chantal est un peu rassurée. En chemin, nous croisons dans un épais nuage de poussière un gardien de troupeau. Il mène ses bêtes efflanquées paître le peu d'herbe desséchée dans les champs, coincés au milieu des vestiges. Parfois, malgré son attention, une vache lui échappe et s'en va gambader dans l'enceinte même d'un temple ou d'une pagode !
Arrivés à Minnanthu et perchés sur la terrasse d'un temple, nous restons, seuls cette fois, jusqu'au coucher du soleil tellement la beauté de l'instant nous retient là et nous empêche de remonter sur nos vélos.
Le soleil a maintenant totalement disparu et nos jambes tournent à la vitesse de l'éclair (oui, oui, je vous rassure, Chantal râle derrière !) sur la route désormais goudronnée qui nous ramène vers notre hôtel. Pas d'erreur cette fois, mais la nuit est tombée lorsque nous arrivons à destination. Ouf !
Ce soir, sur TV5, après le repas et malgré une fatigue bien légitime, je parviens à garder les yeux ouverts assez longtemps pour assister à la défaite de Marseille contre Toulouse. Mais heureusement qu'il n'y a pas eu de prolongations !...
Le taxi nous prend tôt le matin devant l'hôtel. Avec Mats, un jeune Suédois, et Lye, sa copine chinoise, rencontrés hier soir à une table de notre restaurant habituel, nous avons loué ensemble un taxi pour la matinée pour nous rendre au mont Popa à une petite soixantaine de kilomètres. En chemin, le chauffeur nous arrête devant une fabrique artisanale pour nous dévoiler les secrets de fabrication du vin et du sucre de palme. En haut des palmiers, de jeunes hommes récoltent déjà la sève qui donnera après une rapide fermentation d'abord le toddy ou vin de palme (qui peut être transformé en alcool très fort et sans goût), puis par cristallisation en sucre d'usage très courant. La langue encore brûlée par la goutte d'eau-de-vie testée, nous repartons vers le mont Popa sur une route agréable et bordée de hauts palmiers à sucre.
Un dernier arrêt dans un village animé où se déroule une fête religieuse et nous voilà devant le mont Popa , le célèbre piton volcanique parsemé de monastères et de sanctuaires. Avec Mats et Lye, nous attaquons plein de courage les sept-cent-dix-sept marches qui mènent au sommet. Malgré une certaine crainte, il faut surtout ne pas faire attention aux singes agressifs et voleurs qui nous accompagnent pendant toute la montée. Une dernière échelle presque dangereuse franchie, la vue qui se déploie devant nos yeux est magnifique. Les singes ont suivi. Je m'apprête à tirer le portrait d'un spécimen perché près de moi quand celui-ci se sentant sans doute agressé (je refuse toujours de payer pour une photo !) saute sur moi. Dans un réflexe miraculeux d'ancien sportif, je parviens à l'éviter et il se retrouve tout penaud, au vu de son expression déconfite, au milieu de nous. Plus un seul ne nous embêtera après cet épisode ! Par contre, tout au long de la descente, les mêmes personnes qui nous l'avaient déjà demandé dans la montée nous réclament de nouveau de l'argent...
Le retour nous semble bien court tellement la conversation va bon train dans la voiture. À Bagan, nos deux acolytes doivent se dépêcher pour attraper l'avion qui les ramènera vers Yangon .
D'une toute petite fabrique artisanale où des jeunes filles espiègles nous initient à la confection d'un cheroot, le cigare birman (celui de Chantal est le mieux réussi et lui sera offert), à un monastère où un moine birman nous convie à discuter et à partager un verre d'eau et quelques galettes de riz, nous profitons de l'après-midi pour nous perdre dans les nombreuses ruelles et placettes de Nyaung Oo. Lassés de notre journée bien remplie et pour nous retaper un peu, nous nous lâchons au restaurant. Pour moins de cinq euros à nous deux, on nous sert une soupe de nouilles, une salade d'avocat, un poulet ananas, un filet de poulet sucré salé, un plat de pommes de terre elles aussi sucrées salées, du riz, deux grands jus de fruits frais et une grande bière... et le tout avec un large sourire en prime !
Après une grasse matinée jusqu'à huit heures (!), nous ressortons d'un tour sur le marché avec l'envie de devenir végétariens ! Je me demande encore ce qui pesait le plus lourd : le morceau de viande ou l'essaim de mouches agglutiné dessus !!! Mais comme toujours le soir devant une assiette appétissante, les images du matin sont bien vite oubliées.....
Mercredi 28 février 2007
Ce matin devant la guesthouse , le minibus s'arrête à quatre heures trente pour charger nos bagages et nous emmener dans un confort rudimentaire vers le lac Inle . Il fait encore nuit et les premières lueurs du jour apparaissent alors que nous roulons à vive allure (à cinquante kilomètres/heure, cela donne franchement l'impression de rouler à tombeau ouvert sur ces routes défoncées !). Heureusement le lever du soleil sur la campagne plantée de palmiers sucre est des plus jolis, mais aucune halte photo n'est prévu. Par contre, une pause déjeuner est prévue dans un boui-boui de village. Avec Marie et Philippe, deux Parisiens dont nous venons de faire la connaissance dans le bus, nous avalons vite fait une bonne soupe aux nouilles épicée à souhait. Elle a le don de nous réchauffer encore un peu plus comme si nous en avions besoin par cette température. C'est pourtant l'un des remèdes connus pour supporter la chaleur ambiante. Sur l'instant, aucun de nous quatre n'est convaincu !
Hormis les sièges trop étroits et trop serrés qui m'obligent à étendre les jambes dans le couloir encombré, le voyage se passe sans histoire notable. Il nous faudra seulement changer de véhicule pour accomplir les douze derniers kilomètres, le bus continuant sa route vers l'est. Juste avant l'entrée du village, nous devons nous acquitter d'un droit d'accès au lac et sa région, sur présentation du passeport bien sûr !
À Nyaungshwe , sur les rives d'un canal qui mène au lac Inle , nous arrivons en milieu d'après-midi. Nous choisissons le même hôtel que nos deux nouveaux amis baroudeurs. La chambre est immense avec ses trois lits, propre et claire, mais lorsque je veux brancher mon chargeur de batteries il n'y a pas d'électricité. À la réception, ils m'en promettent pour... demain, peut-être ! Bon, je ne rouspète pas, la pauvreté du pays étant telle qu'il serait indécent de le faire. Ce n'est pas tellement grave, j'ai une batterie pleine pour la fin de l'après-midi. Remonté dans la chambre, impossible de tirer la chasse des toilettes. Pas d'eau ! Et pourtant la douche branchée sur la même arrivée d'eau fonctionne bien... Aïe, ça ne sent pas bon tout ça, dans tous les sens du terme !
Parti me calmer dans les rues du village avec Chantal, nous tombons sur de jolies pagodes dont une toute en argent et or. Des passerelles en bois, sous lesquels s'engouffrent à bonne vitesse, moteur fumant et pétaradant, les longues pirogues chargées de tomates, permettent de franchir les canaux. Il faut une certaine adresse aux conducteurs des rares véhicules qui veulent emprunter ces ponts pour rouler sur les rails en teck à peine plus larges que leurs roues.
La nuit interrompt notre flânerie et une bière pression en guise d'apéritif nous relaxe de notre longue journée de transport.
Du 1 er au 6 mars 2007
En nous réveillant ce matin un peu frigorifiés sous notre drap (j'ai oublié de fermer la fenêtre cette nuit), l'eau dans les toilettes n'est pas toujours pas revenue et la fée électricité non plus. Si je veux faire de la photo, il m'en faut pourtant impérativement. Voilà le nouveau problème, parfois épineux, du photographe moderne s'aventurant dans les contrées les plus reculées : plus besoin de pellicules, mais la recharge des batteries est quasi obligatoire pour faire fonctionner le reflex. Et pour décharger les cartes mémoire en fin de journée, l'ordinateur doit lui aussi être nourri au courant électrique. De ce fait, après le petit-déjeuner, nous partons à la recherche d'un nouvel endroit où passer les quelques jours prévus ici. Pas la peine de chercher dans la même catégorie de guesthouse qui aura fatalement les mêmes problèmes, seul l'hôtel flambant neuf du village avec son générateur pourra faire l'affaire. Mais toutes les chambres étant malheureusement retenues pour ce soir, nous en réservons une à partir de demain.
Nous partons ensuite à pied pour une longue promenade à travers le village et ses environs proches. Le long du canal nous retrouvons Richard, le fringant routard anglais, en train d'acheter des toiles de peintres locaux. Une pause thé est donc de rigueur pour nous raconter nos dernières aventures et nous donner rendez-vous pour la bière pression de ce soir !
Un peu plus éloignées du centre du village, des maisons sur pilotis bordent des canaux d'irrigation étroits qui servent aussi à l'élevage des canards. Il règne dans ces quartiers une atmosphère paisible seulement troublée par les éclats de rire des enfants occupés à se pousser dans l'eau. De retour à Nyaungshwe , Frank l'Allemand nous surprend en pleine contemplation du chargement d'une pirogue. De lourds fagots de bambous amenés à dos d'homme et à destination des jardins flottants sont empilés méthodiquement au fond de la coque effilée. Rendez-vous est pris avec lui aussi pour l'apéritif de ce soir. On ne s'ennuie pas une seconde et le temps passe vite sur les rives du canal à regarder les gens s'affairer qui à débarquer ses légumes, qui à pousser son troupeau de canards au bercail ou qui à lancer son filet pour une pêche fructueuse.
À la nuit tombante, nous rejoignons tranquillement dans la rue principale le lieu de rendez-vous, une gargote chinoise qui sert de la Myanmar pression. Dans la salle, la clientèle exclusivement masculine commande et ingurgite des bouteilles entières de whisky local. Sur le vieux téléviseur bricolé, une émission apparemment très populaire est suivie et commentée par tout le monde y compris les serveurs et les cuisiniers ! Coincés sur une table ronde, Richard et un autre vieux couple anglais en vadrouille ont déjà une bière devant eux. Un peu plus tard, c'est Frank qui nous rejoint. Nous passerons ainsi la soirée à discourir de tout et de rien, sans se fatiguer l'esprit. La soupe de poulet et de nouilles que j'ai commandée est sublime et servie très copieusement. Chantal quant à elle préfère la salade d'avocat, elle aussi très bien servie, et deux parts de frites du cru en plus ! Avec les trois bières, cette soirée sympathique me reviendra à peine à trois euros pour nous deux !
Et pour bien terminer la journée, l'électricité est revenue dans notre chambre...
Au petit déjeuner, Marie et Philippe nous donnent plein de tuyaux et adresses pour notre futur séjour en Inde du sud. Mais, en attendant de nous y rendre, il nous faut maintenant déménager vers notre nouvel hôtel.
Pour la première fois depuis le début de notre voyage, nous voilà donc, avec nos sacs à dos poussiéreux, à remplir les formulaires d'un hôtel au standing bien supérieur à celui de nos logements habituels. La chambre élégante et ultrapropre possède une salle de bains avec eau chaude, sèche-cheveux et glaces partout : Chantal en est toute chavirée de bonheur ! Les toilettes modernes marchent bien, la télévision satellite propose des tonnes de programmes, le lit est recouvert d'une couette confortable et mesure au moins deux mètres de large, la climatisation silencieuse diffuse un air rafraîchi et non frigorifié comme souvent, le mobilier fonctionnel n'a rien de local mais inspire la solidité, le balcon dispose de bancs en bois avec coussins épais... Bref, je sens que nous serons bien ici, d'autant plus que les petits déjeuners sont servis sur la passerelle privée de l'hôtel enjambant le canal par un personnel des plus charmants. Le prix inaccessible pour un Birman reste cependant très abordable pour la bourse d'un Européen : moins cher qu'un hôtel Formule 1 en France.
Il est pratiquement midi lorsque nous avons terminé notre aménagement et nous préférons profiter de la fraîcheur et d'un peu de confort avant de repartir à la découverte du coin. Je prends une longue douche à bonne température pendant que Chantal fait un shampoing et se sèche les cheveux tout en se regardant dans une glace. C'est fou ce que ce confort, qui est tout à fait normal chez nous, peut nous mettre en joie ici.
C'est donc complètement revigorés que nous prenons le chemin vers le monastère Shweyanpyay distant de trois kilomètres. Un peu à l'abri sous les arbres, nous longeons la route goudronnée et défoncée sur un chemin de terre poussiéreux fréquenté par de rares piétons, cyclistes et carrioles à cheval. Deux enfants moines mène leur troupeau de vaches aussi maigres qu'eux vers des pâturages qui ressemblent plus à des paillassons usés jusqu'à la corde qu'à de vertes prairies bretonnes. Un motoculteur s'arrête à notre hauteur et nous propose de nous déposer devant le monastère. Dans la remorque métallique tressautant dans tous les sens, nos fesses ont bien du mal à supporter le traitement qui leur est infligé durant les deux kilomètres qu'il restait à parcourir. Et c'est avec une joie à peine dissimulée que nous descendons de cet instrument de torture quelques instants plus tard. Malgré nos efforts, nous ne parvenons pas à corrompre le chauffeur qui refuse, dans un grand sourire qui laisse entrevoir ses dents rougies par le bétel, les billets que je voulais lui donner. Seule une cigarette sortie de mon paquet acheté à Sulawesi le fait céder.....
Le monastère en bois que nous visitons est bien connu des photographes : c'est l'un des rares à posséder des ouvertures ovales et les moines, un tantinet cabots, se prêtent gentiment au jeu en prenant des poses incroyablement naturelles.
La nuit dans notre grand lit et dans la relative fraîcheur nous retape incroyablement. Les serveuses sont aux petits soins avec nous pour le petit-déjeuner. Les jus, les oeufs, les toasts, les fruits, tout est servi à volonté.
Nous avons rendez-vous avec Marie et Philippe à sept heures trente à l'embarcadère pour louer une barque et faire le tour du lac Inle . En fait, ils l'ont réservée hier lors d'une balade sur les bords du canal. Lorsque le moteur se met en marche, le soleil est encore bas sur l'horizon et nous supportons la polaire que nous avons pris soin d'amener avec nous. Dès l'entrée dans les eaux peu profondes du lac proprement dit, les fameux pêcheurs s'affairent déjà autour de leurs nasses. Mais c'est surtout la manière avec laquelle ils manoeuvrent seul leur barque qui a fait leur réputation : ils rament debout à l'avant ou à l'arrière du bateau, une jambe enroulée autour de la pagaie, elle-même maintenue par le devant de l'épaule. Et dans un mouvement élégant ils font ainsi avancer leur embarcation. Cette technique apprise dès le plus jeune âge leur permet ainsi de garder les deux mains libres pour pêcher.
Un peu plus loin mais toujours sur le lac, nous allons regarder de près l'autre spécialité des Inthas, rappelant celle de Xachimilco au Mexique : les jardins flottants. Ce sont des bandes de végétaux (algues et jacinthes mêlées sur une hauteur d'environ un mètre) recouvertes de terre et de boue et fixées à des bambous plantés au fond de l'eau pour les empêcher de dériver. La terre est alors ensemencée et produit de beaux légumes comme les tomates d'aujourd'hui. J'ai personnellement fait l'expérience de marcher dessus en compagnie de Philippe.... et le jardin s'est enfoncé sous l'eau ! Heureusement pour nous, notre pilote veillait !
Encore plus loin, le marché de Nan Pan nous attend. Des dizaines, voire une bonne centaine de pirogues tentent de se frayer un chemin jusqu'à la rive. Mais cela se révèle impossible pour nous tant la densité est importante. C'est donc en sautant de pirogue en pirogue que nous atteignons la terre ferme. Même Chantal, devenue sportive par obligation, y parvient !!!
Sur le marché, on a soudainement l'impression que tous les touristes se sont donné rendez-vous ici. Derrière leurs étals, les antiquaires s'en frottent les mains, sûrs de réaliser un bon chiffre d'affaire. Les femmes Pa-O , vêtues de noir et portant une serviette de toilette ou une couverture très colorée en guise de turban, proposent des légumes tout frais cueillis. Un peu en retrait, des boeufs portent sur le dos de longs bambous prêts à être vendus. C'est beau, c'est coloré, mais c'est tout de même trop touristique à notre goût.
La journée se poursuit un peu barbante avec la visite d'un atelier de tissage, d'une forge, de pagodes sans grand intérêt sinon celui de se situer dans des villages lacustres. Mais la chose la plus horripilante du jour sera la visite d'une fabrique de bijoux avec, en sus, la présence d'une femme girafe aux yeux tout tristes et mise là en exposition dans un coin de la pièce !!! C'est tout simplement scandaleux..... Et peut-être encore plus ahurissante est la manière dont certains touristes se font prendre en photo avec elle sans lui adresser le moindre regard !!! Nous sortons tous les quatre de cet infâme endroit complètement abasourdis....
Le piroguier remonte maintenant une rivière assez étroite vers In Dein et la pagode d' Alaungsitthou . Il lui faudra un bon réflexe pour éviter les buffles qui se baignent au détour d'un méandre. La conduite devient subitement plus sportive avec le passage de petites cataractes qui soulèvent le nez du bateau et nous aspergent un peu. Un ponton sommaire nous permet d'accoster pour partir à la découverte de la pagode aux mille stûpas du dix-septième siècle, encore interdite aux étrangers il y a peu de temps. Des travaux de restauration ont commencé par endroits, mais énormément de travail reste à faire pour redonner tout son éclat à l'ensemble. Mais que cette fin de journée est enchanteresse au milieu d'une forêt de clochetons en ruines, noyés dans la végétation et que le soleil généreux arrose d'or.
Un dernier arrêt au célébrissime monastère des chats sauteurs maintes fois vu dans les reportages, et nous voilà dans la nuit à débarquer à notre point de départ de ce matin, épuisés mais heureux. Marie et Philippe quittent la Birmanie demain pour Paris et se proposent de ramener nos DVD de photos en France. Nous tenons à les remercier pour leur gentillesse et pour les moments sympas passés ensemble.
Aujourd'hui, c'est dimanche et le village est mort : pratiquement personne dans les rues, rien sur le marché et les petits commerces sont fermés. En conséquence, après un tour dans quelques pagodes, nous décidons de retourner à l'hôtel nous reposer et, en ce qui me concerne, trier les photos et mettre à jour le site pour un transfert futur. Et bonheur suprême du sportif du dimanche : regarder le match Saint-Étienne-Lyon sur TV5 !!!
Le lundi matin nous louons deux vélos pour nous balader dans la campagne et les villages disséminés sur les bords du lac. Dans les champs de canne à sucre, les coupeurs armés de leur machette sont déjà à pied d'oeuvre. Des femmes viennent faire des fagots avec les feuilles récoltées sur la tige et les portent ensuite sur la tête jusqu'au village. Elles serviront à refaire le toit des maisons, à tresser des balles pour le jeu de chinlon ou bien encore entreront dans la composition des cheroots , les cigares birmans. D'autres rassemblent les cannes et les jettent dans une charrette tirée par un boeuf. À notre passage, les sourires et les petits gestes de la main fusent.
Plus loin, nous tombons sur ce que nous prenons pour un chantier de travail forcé, chose malheureusement très courante en Birmanie. Un groupe de femmes et d'enfants bitument le chemin simplement armés de pioches et de marteaux. Une charrette dépose sur les bas-côtés de la route des pierres de la taille d'un gros ballon. Au marteau et à la force du poignet, elles sont alors concassées sur place jusqu'à atteindre la taille du gravier... Pas de pelles ici pour mettre les gravillons dans les paniers et les étendre sur la route : seulement des mains, une multitude de mains d'enfants surveillés par des chefs qui discutent en mâchouillant leur bétel, assis dans l'herbe à l'ombre d'un arbre et assez éloignés de la poussière pour ne pas être gênés ! Le goudron, chauffé sur un feu de bois, est étendu à l'aide de bassines sur la couche de gravier par les femmes qui, pliées en deux et les pieds dans la matière visqueuse, l'égalisent à l'aide d'une planche en bois rudimentaire. Pas un sourire, pas un geste à notre égard : tout le monde ici a peur des représailles. Et pas de photos non plus pour nous, d'abord parce que nous sommes en voyage et non pas en reportage, et ensuite parce que ce serait une sacrée marque d'indécence envers ces pauvres gens...
Notre présence ne passe pourtant pas inaperçue. Dès l'entrée dans le village suivant, un homme parlant très bien l'anglais, un téléphone portable du dernier cri coincé dans le lounggy (sorte de jupe longue à petits carreaux nouée à la taille que tous les hommes birmans portent) nous attend et nous demande, à peine souriant, ce qu'on fait dans les parages ! En réponse à ma demande de direction vers le village suivant, il m'indique le nord. Nous le remercions vivement de sa gentillesse, et prenons logiquement la route vers le sud !!! Inutile de vous dire que nous sommes attendus de pied ferme à notre arrivée à l'étape suivante ! Trois hommes tentent, en nous faisant croire qu'il n'y a plus de route après, de nous empêcher d'aller plus loin. Mais le sang breton à couler dans nos veines nous fait, une fois encore, prendre la direction opposée à leurs souhaits ! Bon, il va falloir que je me calme un peu si je ne veux pas m'attirer trop d'ennuis, mais les délateurs ont le don de m'énerver. À la solde du régime, ces fonctionnaires surveillent et rapportent tout ce qu'ils voient ou entendent. Plus ils coopèrent, plus ils reçoivent de cadeaux. Parmi ceux-ci, le téléphone portable fait fureur. Pour un Birman de la rue, impossible d'en posséder un : ce n'est pas interdit, mais le prix d'abonnement équivaut à pratiquement une année de salaire moyen !!! Hormis les militaires et leur police secrète, très peu en possèdent....
Nous atteignons enfin le point que je m'étais fixé sur la carte en partant ce matin. C'est un village sur les bords du lac où plusieurs distilleries bouillent le jus de canne à sucre. Dans l'une d'elles, nous faisons la connaissance de deux français en retraite qui logent dans l'hôtel lacustre pas loin d'ici. Ils nous invitent d'ailleurs à prendre un pot sur leur terrasse, intéressés par notre aventure.
Le retour s'effectue sans problème en traversant les mêmes villages qu'à l'aller. Mais cette fois, nous devons aller dans le bon sens puisque personne ne nous arrête ! Puisque nous avons les vélos, nous en profitons pour faire une grande promenade autour de Nyaungshwe . Le village est en fait plus grand qu'on le pensait. Dans un quartier assez éloigné du centre, des enfants au visage recouvert de tanaka viennent faire le pitre devant nous. Dans cette quiétude, une chose choque nos oreilles d'européen, c'est le silence ! Pas de bruit de moteurs ménagers ou automobiles, rien d'autre que le doux son des sonnettes de vélos, des rires d'enfants ou du caquètement des poules et du pépiement de leur progéniture. Malgré les rudes conditions de vie, je resterais bien là une éternité.... Chantal, plus réaliste, me tire de ma rêverie pour que nous allions passer la fin de journée au bord du canal près de l'embarcadère à observer l'activité toujours importante à cette heure.
Pour notre dernier jour ici, nous achetons sur le marché matinal un paquet de gaufrettes à la fraise pour le thé de l'après-midi à l'hôtel et allons réserver les billets de bus pour Yangon .
7 et 8 mars 2007
Nous ne le savons pas encore, mais nous allons vivre le trajet le plus pénible de notre année de voyage. Marie et Philippe, Frank, tout le monde a pris l'avion pour rentrer sur Yangon. Par souci d'économie et parce que nous avons le temps, nous avons choisi le bus. Mauvaise pioche ! Nous arriverons vingt-deux heures plus tard alors que l'avion ne met qu'une petite heure.....
Le départ de l'hôtel est un moment émouvant. Tout le personnel est présent et tient à nous saluer une dernière fois. Garder les yeux secs est difficile.... Un taxi tout neuf (!) réservé par le directeur nous dépose, à une douzaine de kilomètres, au bord de la nationale où le bus doit s'arrêter. Il le fera avec une heure de retard sur l'horaire prévu ! Immanquablement, il est du genre pas très rassurant avec son toit surchargé et l'intérieur archibondé. Des sacs, des cartons et un amoncellement de choses non identifiées sont mal entassés dans le fond et tombent sur les passagers à chaque grosse secousse, c'est-à-dire à tout bout de champ !
Le confort est plus que sommaire serrés que nous sommes sur nos sièges trop étroits. La climatisation ne marchant pas, j'ouvre ma fenêtre pour échapper un peu à la fournaise. Au premier arrêt pour réparer le moteur, qui se retrouve en un rien de temps en pièces détachées sur le sol poussiéreux, nous constatons avec effroi de profondes et larges crevasses sur le flanc d'un des pneus arrière. On distingue même très bien la chambre à air !!! La descente d'un col, avec vue imprenable sur le ravin, sur le chemin de terre défoncé qui tient lieu de route nationale, se fait à dix à l'heure. Après un second arrêt technique (!), nous arrivons entiers dans la plaine.... Ouf !
Le bus roule maintenant à vive allure (trente à l'heure !) sur le goudron retrouvé mais truffé de nids de poule. Je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour le pneu juste sous mes fesses ! On nous débarque à la tombée de la nuit dans un boui-boui où une soupe et un plat de poulet nous coûtent la bagatelle de presque trois euros, ce qui est horriblement cher pour ici. J'en profite pour montrer au chauffeur le pneu déchiré. Il hausse les épaules.... Ce sera notre dernier arrêt !!! À cause de moi, trop curieux, on ne s'arrêtera plus. Tressautant sans cesse sur nos sièges, nous n'arrivons à pas à dormir. La nuit nous paraît interminable. Peut-être est-ce pour cela que les deux acolytes du conducteur se croient obligés de nous infliger des clips et des sketches d'artistes locaux apparemment hilarants vu la réaction des autres passagers. Où sont mes boules Quiès ?!!!
La fatigue étant la plus forte, nous parvenons tout de même à somnoler durant deux petites heures. Lors d'un ravitaillement en essence dans une station fermée par des grilles, nous n'avons même pas le droit de sortir. De toute manière, personne ne bouge dans le car. Ils n'ont pas de vessie ou quoi ? La nôtre, on la sent bien, elle est pleine à ras bord !!!
Le jour va bientôt se lever et sur l'écran des moines vont psalmodier à l'unisson et d'une voix monocorde pendant une heure et demie la même phrase. Je mets quiconque normalement constitué au défi de supporter cette torture !!!
Après vingt-deux longues heures de supplice pour notre dos et notre derrière, nous arrivons malgré tout sans problème majeur à la gare routière de Yangon . Nous commençons à bien la connaître maintenant : c'est la quatrième fois depuis notre arrivée en Birmanie que nous y passons !
Nous retrouvons aussi nos habitudes à l'hôtel où le personnel est tout heureux de nous revoir presque un mois plus tard. Lors d'une ultime balade dans la capitale, nous trouvons le moyen de tomber une dernière fois sur nos deux copines espagnoles prêtes à rejoindre la Thaïlande !
Vendredi 9 mars 2007
Il est quatorze heures et nous attendons patiemment à l'aéroport l'enregistrement de nos bagages pour Calcutta et, après changement d'appareil, vers Kathmandu . Nous dépensons nos derniers kyats dans les boutiques sommaires du hall. À l'inspection de nos passeports, on nous fait remarquer que nous n'avons pas de visa indien. Nous le savons et nous avons bien évidemment l'intention de les faire au Népal avant de descendre dans le sud de l'Inde le mois prochain. Les douaniers refusent malgré tout de nous laisser passer. Quelques instants plus tard, nous voilà embarqués dans le bureau des autorités qui resteront inflexibles : impossibilité totale de quitter le pays ! J'ai beau leur rétorquer que Calcutta est juste une escale, que nos visas birmans eux se terminent dans deux jours, rien n'y fait. Devant notre désarroi, notre interlocuteur, un Indien qui possède, en plus de son travail ici, une agence de voyages en ville, nous convie à nous y rendre après être passés à l'ambassade indienne.
Nous comprenons soudain que nous ne pourrons pas partir avant une semaine si tout se passe pour le mieux ! Nous sommes vendredi après-midi, l'ambassade est fermée jusqu'à lundi, il faut quatre jours pour récupérer les passeports et il n'y a que deux vols par semaine pour Calcutta ! C'est la première fois de notre vie que nous nous faisons refouler à la frontière d'un pays, et je vous assure que nous ne l'apprécions que moyennement ! Que va devenir notre séjour à Kathmandu ? Nous n'avions prévu que deux semaines là-bas et si nous en perdons une, cela ne vaut plus le coup d'y aller. Et puis, que faire à Yangon, que nous connaissons déjà presque par coeur, pendant une semaine supplémentaire ? Nous sommes complètement désabusés.
Heureusement, nous trouvons une petite pension au dernier étage d'un immeuble bien situé dans le centre, bien moins chère que notre hôtel précédent. Tenue par une famille chinoise, elle est très propre et bien climatisée, ce qui est grandement appréciable avec les chaleurs torrides du moment.
La nuit va bientôt tomber lorsque nous partons à la recherche d'un restaurant dans le coin. La chance veut que nous en trouvions un, prêt à fermer, dans une ruelle toute proche. La soupe shan et les nouilles que cette petite gargote populaire nous sert sont un vrai régal et nous remontent un peu le moral. Coup de chance supplémentaire, sur un marché de nuit, un jeune marchand de pancakes nous confectionne avec amour quelques-unes de ses crêpes. Cette fois, le moral n'est pas encore au beau fixe, mais s'en approche tout près !
10 au 15 mars 2007
Notre guesthouse ne servant pas de petits-déjeuners, nous nous rabattons sur une pâtisserie juste en face où les trois gros croissants, les deux pains aux raisins et les deux ou trois gâteaux locaux accompagnant la tasse de café sont avalés en moins de temps qu'il ne faut pour le dire ! La première journée est une journée de repérage dans le quartier. Je vais faire un peu d'internet dans une salle spécialisée. La connexion est très lente mais me permet d'ouvrir notre courrier. À ma demande de venir une autre fois avec mon ordinateur, le jeune tenancier me répond par l'affirmative.
Après une soupe au même endroit qu'hier, nous achetons sur un stand de rue un demi-poulet rôti que nous mangeons sur place assis sur le trottoir. Les serveuses en sont très fières et nous bichonnent en nous dénichant, comble du luxe, des serviettes en papier !
Je retourne le lendemain avec mon ordinateur à la salle internet. Mais il n'est, soi-disant, plus possible de se servir d'une autre machine qu'une des leurs. Le jeune homme, toujours aussi sympa, m'explique qu'en Birmanie, il n'y a que deux serveurs : un premier, surveillé par l'armée qui ne laisse rien passer de ou vers l'étranger, et un second, moins surveillé par le gouvernement. Désolé, il m'avoue que son centre marche pour le moment avec le serveur de l'armée mais, discrètement, me glisse un bout de papier avec, écrite dessus, l'adresse d'un autre endroit où la connection sera moins contrôlée. La salle indiquée, au second étage d'un petit immeuble tout proche de notre chambre, est hypermoderne et climatisée avec une vingtaine d'écrans plats ! Je peux connecter mon Mac et utiliser Skype sans problème. La liaison haut-débit et de très bonne qualité nous permet de voir et de converser avec les enfants grâce à la webcam . Un long coup de fil à nos parents et aux copains, permet à notre moral d'atteindre de nouveau le zénith ! Nous n'en revenons toujours pas : de toute l'Asie, Singapour compris, c'est la meilleure connection que nous ayons eue ! J'en ai même profité pour télécharger, à vitesse éclair, la mise à jour de mon site. Impensable !......
Pour fêter ça, en guise d'apéritif, nous entrons dans un bar populaire repéré plus tôt qui sert de la Myanmar pression très fraîche ! Chantal est la seule femme, nous sommes les seuls étrangers et tout le monde nous regarde ! Nous reviendrons pourtant là tous les soirs nous désaltérer avant d'aller dîner d'un bol de soupe shan , ou plutôt d'une soupière vu la quantité servie, dans notre restaurant favori à quelques centaines de mètres. Nous marchons ensuite un kilomètre environ pour aller déguster un yaourt aux fruits dans un endroit référencé dans le Routard. Et heureusement qu'il l'était, sinon nous n'aurions jamais osé y entrer ! L'endroit et les tables sont plutôt sales, mais les seaux de yaourt maison sont conservés dans un frigo qui marche. C'est rassurant. Un peu sur la défensive, Chantal se contente d'une salade de fruit, tandis que je commande un des fameux yaourts.... Excellentissime.... Il fallait oser, mais ici aussi nous reviendrons quotidiennement. Pour terminer, nous retrouvons notre vendeur de crêpes, pas très loin de la pagode Sule , qui se fait un plaisir de nous servir deux beaux pancakes au miel et au sucre ! Mmmmm.... Je m'en lèche encore les babines.....
Résumons-nous : il nous faut tous les soirs marcher environ trois kilomètres et demi pour aller boire une bière pression, manger une soupe shan , déguster un plat de yaourt frais, savourer des pancakes et revenir le repas déjà presque digéré après toute cette marche à notre chambre du troisième et dernier étage. Ce n'est pas comme ça que nous risquons de grossir, nous qui avons perdu chacun une dizaine de kilos depuis le départ !!!
Après avoir rempli les formulaires et déposé nos passeports à l'ambassade indienne, nous nous allons et venons dans les rues adjacentes au gré de nos envies. Nous prenons pas mal de photos d'enfants ou de famille qui le veulent bien. Sur le trottoir, une jeune cantinière de rue fait mijoter ses légumes et me laisse, malgré sa timidité, la photographier. Plus loin, c'est une jeune maman qui allaite son bébé qui souhaite que je les prenne. Elle déshabille même le bambin pour qu'on voit bien que c'est un garçon ! Encore plus loin, des enfants qui jouent sur un tas d'immondices me demandent de leur tirer le portrait....
Les journées passent tranquillement, en compagnie de gens de la rue. Parfois, un homme parlant anglais (quelqu'un de la police secrète, donc !) demande à voir ce que je photographie. Comme ils détestent les journalistes et me prennent fatalement pour un reporter avec mon gros appareil pas très discret, je leur montre les histogrammes sur l'écran et non les clichés qu'ils aimeraient voir !!! J'en rigole encore à me rappeler leur tête, mais je n'aurai malgré tout aucun problème avec eux.
Dans tous ces quartiers, règne une certaine saleté. Les rues sont envahies par les déchets et les sacs plastiques usagés. Pourtant, au milieu de ce décor, de petits marchés où tout est posé par terre ont lieu. Du poisson, du poulet, des fruits, des légumes, des fleurs sont échangés contre quelques billets. À quelques mètres de là sont exposées pêle-mêle, toujours sur le sol, des lunettes hyperbranchées, des montres et des chemises de contrefaçon. Un attroupement d'enfants regardent avec envie des jouets made in China . Ce qui nous frappe dans cette vie miséreuse, ce sont les rires. Les gens, de tout âge, sont gais et ont envers nous des attentions et des sourires respectueux : grande leçon d'humilité pour nous Français qui nous plaignons tout le temps !
Dans la poste centrale, il faut monter à l'étage pour acheter les timbres pour l'étranger et presque montrer patte blanche. Pour une fois en Asie, le prix n'est pas élevé, mais nous espérons que toutes nos cartes arriveront.
Dans les rues proches pourtant du centre, des hommes font leur toilette dans des barriques d'eau douteuse, tandis que d'autres jouent au volley sur un terrain improvisé au milieu des détritus. Tout près, un magasin Kodak flambant neuf avec ses couleurs jaune et rouge s'apprête à ouvrir. Renseignements pris, je peux amener ma clé USB pour qu'ils puissent faire des tirages de mes photos. C'est que je fais le lendemain et lorsque nous sortons du magasin quelques instants plus tard, nous repartons vers les quartiers défavorisés tenter de retrouver les personnes prises en photo deux ou trois jours auparavant.
C'est un véritable triomphe, nous dénichons tout le monde et ces moments resteront à jamais imprimés dans notre mémoire. Notre émotion est à son comble lorsque nous retrouvons la jeune femme au petit garçon. C'est d'ailleurs elle qui nous aperçoit en premier et qui vient à notre rencontre en nous faisant signe de la main. Son bébé est encore pendu à sa poitrine. Elle ne s'y attendait pas du tout, mais lorsque nous lui tendons le cliché la représentant avec ses trois enfants, je pense sincèrement qu'un lingot d'or ne lui aurait pas fait plus plaisir. Sa joie est immense et sans retenue. Difficile dans ce contexte de ravaler les larmes qui ne manquent pas de nous monter aux yeux... La jeune cantinière de rue, surprise du cadeau, regarde son image, la porte sur son coeur et nous jette un regard tellement heureux qu'il nous paie mille fois de la joie qu'on vient de lui donner. Les enfants sont plus difficiles à retrouver, mais, avec l'aide de certains d'entre eux, nous y arrivons. Tous repartent en courant comme des dératés, dans de grands éclats de rire, la photo serrée entre leurs doigts crasseux, la montrer à leurs parents. Désormais, tout le quartier est au courant, et ce n'est, partout, que salutations et remerciements. Seuls, les hommes parlant anglais nous regardent d'un drôle d'air. Mais quel plaisir de faire plaisir ! Parfois le hasard fait bien les choses : sans avoir été refoulés à l'aéroport, nous n'aurions pas connu le moment le plus émouvant de notre périple...
Côté féminin, Chantal gardera, en plus, un bon souvenir de sa visite chez le coiffeur. Ayant besoin de se faire couper les cheveux, elle jette son dévolu sur un salon recommandé par la réceptionniste chinoise de notre pension. Il ne faut surtout pas faire cas de l'état de la rue, mais simplement se fier aux recommandations. La déco plutôt branchée et la propreté avenante tranche avec l'environnement. En plus, le salon pourtant petit est tenu par deux jeunes filles et trois jeunes hommes souriants et dynamiques. La coupe choisie sur un catalogue et validée par le coiffeur, la miss se fait d'abord raccourcir les cheveux à grands coups de ciseaux avant qu'une fille ne lui fasse un shampooing-massage de crâne d'une bonne demi-heure. . Pendant ce temps, les coiffeurs discutent avec moi. Ils m'expliquent avoir ouvert ce salon il y a un an et qu'auparavant ils travaillaient, pour se faire de l'argent, .....comme bûcherons en Thaïlande !!! Pour ce qui est de couper, il n'y a donc aucun souci pour eux !!! Je jette un oeil vers Chantal qui n'a heureusement rien entendu de la conversation puisqu'elle maintenant complètement endormie sous les mains expertes de la masseuse de tête ! J'en profite pour les prendre en photo chacun leur tour. Je reviendrai le lendemain leur donner les tirages qu'ils afficheront dans leur salon, tout fiers. Le brushing terminé et l'addition de un euro soixante (!) payée, Chantal en ressort soulagée et belle comme un coeur.... Ce n'est que plus tard que je lui parlerai des forestiers thaïlandais... !
Durant notre séjour forcé, mais ô combien intéressant, nous nous sommes rendus deux fois à l'agence de voyage pour le changement de nos billets et pour la confirmation de vol. Nous avons choisi l'option de rester une semaine de moins en Inde et de garder les deux prévues à Kathmandu . La jeune femme, très gentille, ne nous a pas compté de frais pour les changements. Le jeudi après-midi, l'ambassade d'Inde nous délivre enfin nos papiers en espérant que, cette fois-ci, tout soit en règle....
Vendredi 16 mars 2007
Tout ne se passe pourtant pas pour le mieux avec un dernier problème à résoudre à la douane de l'aéroport. Ils voudraient nous faire repayer une taxe dont nous nous sommes déjà acquittés pour rien la semaine passée ! Re-bureau des autorités et re-discussions sans fin.... Finalement, entrant dans la pièce, l'Indien de l'autre jour nous reconnaît et fait vite avancer les choses. Nous n'en avons pas fini pour autant avec les autorités puisqu'il nous faut maintenant passer dans le bureau plus que rudimentaire des douaniers régler les jours supplémentaires depuis la péremption de notre visa birman. Pour cela, il nous faut donner deux photos et neuf dollars chacun, puis remplir un long formulaire avec l'aide d'un fonctionnaire pas du tout souriant.... parlant l'anglais !!!
Malgré ces petits ennuis, la Birmanie, que je refuse pour ma part d'appeler Myanmar, occupera une place à part dans nos coeurs. Malgré la terreur qu'entretiennent les militaires, les gens sont d'une humeur et d'une gentillesse sans égales. Plusieurs fois durant notre parcours, nous avons été submergés par l'émotion, et les francs éclats de rire résonneront à jamais dans nos oreilles...
Thwa bi, kyai zu tin ba de, hsoun gya thai da paw.... Au revoir, merci beaucoup et à bientôt...