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NÉPAL

16 et 17 mars 2007

Lorsque l'avion atterrit à Calcutta, une grève des taxis paralyse l'aéroport. Une retiring room, dans l'enceinte même de l'aérogare, propose quelques chambres monacales beaucoup trop chères pour le confort proposé. Nous préférons passer la nuit sur les sièges du hall des départs. Nous avons un mal fou à y entrer, notre vol n'étant programmé que demain en début d'après-midi. À l'entrée, un militaire armé d'une mitraillette ne veut rien entendre et refuse de nous laisser entrer. Son chef, arrivé à la rescousse, épluche nos billets et nous autorise, au bout d'interminables palabres, à entrer !

La nuit, assis sur des chaises plus inconfortables les unes que les autres, est longue. La climatisation marche trop bien (un comble en Inde !) et nous devons ressortir les polaires de nos sacs. Quelques jeux sur l'ordinateur nous distraient un peu et nous empêchent surtout de sombrer dans un sommeil qui laisseraient les bagages sans surveillance. Les distributeurs se trouvent dans le hall des arrivées, inaccessibles maintenant que nous sommes coincés ici. Pour acheter nos sandwiches et nos boissons, je dois donc changer de l'argent à l'un des guichets encore ouverts. Comme moi, les touristes présents râlent devant la commission horriblement surévaluée. mais, n'ayant pas d'autre solution, nous cédons tous à ces profiteurs.

Je prends conscience à cet instant que notre futur parcours en Inde du sud sera peut-être plus difficile que prévu.

Le jour se lève enfin et l'animation reprend dans le hall. Nous en profitons pour observer les femmes indiennes grasses et ventripotentes dans leurs saris colorés papoter et surveiller une kyrielle d'enfants turbulents, et, toujours à l'écart, les hommes moustache et cheveux noirs, la raie bien dessinée, déambuler en se tenant par la main et dodeliner la tête.

Après une heure de vol avec vue splendide sur la chaîne himalayenne et l'Everest, nous atterrissons sans histoire à Kathmandu au Népal, seul pays au monde à posséder un drapeau national ni rectangulaire, ni carré, mais triangulaire. L'obtention de nos deux visas népalais s'effectue en un temps record à la douane.

Indiens trop « paperassiers », prenez-en de la graine !!!

Lorsque nous avons décollé de Birmanie, il faisait trente-six degrés. En cette fin d'après-midi, à mille trois cent cinquante mètres d'altitude, il ne fait que douze et, malgré un beau ciel bleu, le froid nous saisit, accentué par le manque de sommeil. Dans la chambre d'un petit hôtel du centre ville tenu par une famille tibétaine, les grosses couvertures posées sur le lit seront les bienvenues. Après un rapide repas dans une rue toute proche et malgré la raideur de notre lit, nous nous endormons tous les deux instantanément.

 

 

18 au 20 mars 2007

Après une toilette de chat à l'eau froide, nous partons à la découverte de cette ville mythique, haut lieu des années hippies. Les ruelles de Thamel , le quartier où nous logeons comme la majorité des voyageurs, ne sont pas des plus typiques et sont bordées de nombreuses boutiques de bijoux en argent, de fripes, de pulls et bonnets en laine de yak, de librairies et de restaurants. De beaucoup de magasins s'échappe une douce musique tibétaine qui bercera tout notre séjour ici : Om mani Padme Hum, du nom du célébrissime mantra tibétain. Nous ne quitterons pas le Népal sans avoir le cd dans le sac et à chaque fois que nous voudrons nous replonger dans l'ambiance de la ville depuis la France, il suffira de le mettre sur la platine pour que la téléportation ait lieu instantanément !

La ville, malgré un développement anarchique a su garder son caractère authentique. La place et les monuments de Durbar Square ont énormément de charme. Mais la première petite place dont nous tombons immédiatement amoureux est celle de Katheshimbu plantée de nombreux stûpas. Des drapeaux de prière de toutes les couleurs, accrochés en étoile au sommet du plus haut, donnent tout son cachet au lieu. Des enfants jouent au ballon au milieu des fidèles venus faire tourner les moulins à prières : imaginez la même chose pendant la messe dans une église de chez nous !

De retour dans les ruelles où porteurs et conducteurs de rickshaw se fraient comme ils le peuvent un chemin dans la foule, nous traversons le quartier des dentistes, et leurs étalages de dentiers ou de dents parfois d'occasion, qui vous fait vite oublier vos problèmes dentaires ! Plus loin, c'est le festival d'odeurs et de couleurs d'un marché qui nous retient. On se croirait revenu au Moyen Âge. J'aime tellement cette ambiance que j'y reviendrai tous les jours en fin de journée au moment le plus animé.

Dans l'après-midi, nous montons au Swayambunath, le plus ancien stûpa de la vallée, perché en haut d'une colline. Avant d'accéder aux escaliers qui y montent, nous traversons durant presque une heure de marche à pied des quartiers populaires. D'innombrables petits commerces proposent de la viande d'animaux tués sur place ou des légumes poussés sur le lopin de terre derrière la maison. D'autres sont spécialisés dans la préparation de dal bath, le plat national qui consiste en un mélange de riz, de lentilles et de curry de légumes. Certaines familles se lancent dans la buanderie de grande envergure en lavant le linge de la communauté et des hôtels dans la rivière au milieu des détritus, et en le faisant sécher par catégorie sur des fils tendus entre de petits immeubles encore en construction.

L'escalier qui monte jusqu'au sanctuaire est raide mais la vue est tellement jolie que nous oublions d'avoir mal. Quoique... vu le visage écarlate de Chantal !!!

Kathmandu est à nos pieds et nous semble d'un coup beaucoup plus grande que nous le pensions. Ici encore, les drapeaux de prière flottent au vent au dessus de nos têtes. Les moines et les pèlerins font leurs offrandes de fleurs et de nourriture aux divinités au milieu des singes qui ne se gênent pas pour en chiper un peu.

De retour à l'hôtel, l'eau de la douche est enfin chaude et, pour la première fois depuis notre départ de Yangon , nous nous adonnons aux joies d'une longue toilette bienfaitrice !!!

Pour le petit-déjeuner, nous n'avons pas encore trouvé l'endroit idéal. Ce matin, pas plus qu'hier, nous ne sommes satisfaits des lieux trop bien léchés dans lesquels nous rentrons. Finalement, nous fondons littéralement devant de succulents croissants dans une boulangerie de la rue principale, mais pour demain matin, il faut vraiment qu'on se dégote quelque chose de sympa !

Toutes les routes mènent à Rome dit-on, ici, toutes les rues mènent à Durbar Square ... Comme hier, sans le faire exprès, nous ne payons pas l'entrée du site, arrivant par une ruelle non surveillée ! Ce n'est pas bien, mais, comme des gamins, cela nous amuse beaucoup !!! La lumière matinale est sublime, dorant encore plus les murs déjà orangés des édifices. Des milliers de pigeons squattent les toits à étages des temples et se réchauffent les ailes aux rayons du soleil tandis que des vaches sacrées avalent quelques cartons chiffonnés ou déchirés en guise de petit-déjeuner. L'ambiance est encore calme et paisible et des marchandes de fleurs façonnent les colliers et couronnes qui serviront aux offrandes. Mais rapidement, des queues se forment devant certains sanctuaires et la fumée des bâtons d'encens envahit l'entrée des plus vénérés. Nous restons dans les parages toute la matinée sans nous ennuyer un seul instant. Les Népalais sont extrêmement gentils et les photographier dans leur vie quotidienne est un vrai plaisir.

En début d'après-midi, nous allons confirmer nos vols vers l'Inde et réserver nos places vers Oman, car désormais tous nos vols restants sont open. Cela nous montre une autre partie de la ville, plus « moderne »...

Pour faire plaisir à Chantal, je lui offre une bague en argent (qu'elle porte toujours depuis) à deux euros cinquante. Ça va, j'ai une femme qui ne me coûte pas trop cher !

En nous baladant dans les rues autour de notre hôtel, nous trouvons un restaurant tout simple mais propre qui nous plait bien. Pour ce soir, Chantal craque pour des momos (raviolis locaux fourrés à la viande ou aux légumes) et un plat de légumes, tandis qu'un chicken tikka makhmali très bien servi des nans et du riz me comblent d'aise. Les bières sont servies bien fraîches et pour ne pas dénoter, les patrons et serveurs sont adorables. Comme la plupart du temps lorsque nous sommes satisfaits la première fois, nous reviendrons tous les soirs.

Tôt le matin, nous partons pour Swayambunath que je souhaite revoir, mais cette fois en début de journée. La lumière est belle, mais nous sommes surpris par l'animation qui y règne déjà. Des familles entières sont là à faire leurs offrandes et à tourner les moulins à prières.

Il est onze heures et nous n'avons encore rien mangé, pressés que nous étions de monter le plus tôt possible au temple. Mais maintenant les estomacs crient famine. Hier, dans notre quête de nourriture, nous avons découvert, au fond d'une ruelle sans issue, un boui-boui spécialisé dans les petits-déjeuners. C'est là que nous nous retrouvons en cette fin de matinée devant un thé au lait, deux oeufs au plat sur toast, un énorme croissant, une part de gâteau local et un grand verre d'orange pressée chacun. Ici encore, le patron et le jeune serveur sont extrêmement gentils, et la note très douce (deux euros pour nous deux) finit de nous séduire. Ils nous reverront tous les matins !

Pendant que Chantal fait les magasins du quartier, je passe une partie de l'après-midi sur internet à mettre mon site à jour. Quand il n'y a pas de coupures d'électricité, cela marche bien. Mais elles sont vraiment fréquentes et pour remédier à ce problème récurent, des générateurs bruyants se mettent en route plusieurs fois dans la journée.

 

 

21 au 24 mars 2007

Aujourd'hui, nous allons à Patan, une des anciennes capitales et villes royales du Népal. Sitôt le conséquent petit-déjeuner avalé, nous tentons de négocier le prix d'un taxi. Mais devant l'impossibilité de faire descendre les prix, nous prenons un rickshaw pour nous y emmener. Un peu tassés au fond du siège, nous pouvons contempler à loisir les quartiers s'éveiller et défiler devant nous. Nous comprenons aussi pourquoi le chauffeur de taxi n'a pas voulu discuter des prix tout à l'heure. La majorité des véhicules de Kathmandu fait la queue devant les pompes à essence. Il y a pénurie et certains sont là depuis plusieurs jours ! Juste un chiffre pour une fois : on dit qu'à Kathmandu il y aurait plus de soixante douze mille taxis à sillonner la ville. Nous n'avons pas vérifié mais il est certain qu'il y en a énormément ! Dans une longue montée, ayant pitié de notre conducteur qui peine de plus en plus à nous tirer tous les deux, je descends pour le soulager un peu et pousse l'engin le reste de côte !

Autrefois appelée Lalitpur, Patan a gardé son atmosphère d'antan.Sur le Durbar Square, encombré d'une dizaine de temples aux toits typiques à étages, de colonnes et de sculptures monumentales d'animaux, l'animation grandit entre les étals d'un petit marché. Le soleil est radieux et la température encore idéale à cette heure.

Dans un des temples, un vieil homme habillé dans son costume traditionnel et coiffé de son topi, sorte de calot local que tout les hommes portent, est d'une beauté éblouissante. Dans les ruelles, les femmes sont très flattées que nous les prenions en photo. En se regardant sur l'écran de nos appareils, les éclats de rire fusent. La journée passe ainsi à flâner entre les temples majestueux, dans les rues un peu à l'écart mais toujours au contact des Népalais ou près d'une fontaine qui sert aussi de lavoir. Malgré la pauvreté, les gens ne semblent pas malheureux. Ils sont au contraire, à notre égard, accueillants et très heureux de nous le prouver. Partout, ce ne sont que sourires et salutations. Voilà encore un endroit dont on gardera un excellent souvenir...

Le retour en taxi collectif se passe sans problème et la surprise est grande de retrouver les rues de Kathmandu envahies par des policiers casqués qui surveillent, comme chez nous, le défilé des gens en colère.

Un peu de flemmardise au lit le matin suivant puis le petit-déjeuner dans notre boui-boui nous font un bien fou. Il faut dire que les nombreux kilomètres et escaliers journaliers nous façonnent peut-être des mollets de rêve, il n'en est pas moins vrai qu'ils les font tout de même souffrir ! La journée se passe à sillonner les rues au gré de nos envies. Je ne peux pas résister à l'achat d'une bouteille de trente-cinq centilitres de whisky que j'ai l'intention de faire durer jusqu'à mon anniversaire dans trois semaines ! Raisonnable, non ?

Après avoir pris l'apéritif sur le toit de notre guesthouse, nous retournons déguster du poulet tikka pour Chantal, un poulet (entier !) tandoori pour moi, des patates en sauce et des nans dans notre restaurant favori. Le patron nous reçoit tout désolé, car une coupure électrique dans tout le quartier va nous obliger à dîner aux chandelles. Oh, zut alors... !!!

Le matin à l'aube, nous prenons la direction de Bhaktapur réputée être la plus belle ville de la vallée de Kathmandu. Vu le contexte, le marchandage du prix du taxi a été âpre, mais tout le monde est satisfait et nous filons maintenant à travers les collines jusque cette ancienne capitale royale qui a servi de décor au film de Bertolucci, Little Buddha. L'entrée au site est payante et chère pour le pays (quinze euros pour nous deux), mais c'est amplement mérité.

La lumière est magnifique, et le Durbar Square est encore désert à cette heure. Seuls, quelques balayeuses s'acharnent à nettoyer les fientes dont les milliers de pigeons tapissent le sol. Une légère brume de chaleur flotte encore sur la place filtrant de façon irréelle les premiers rayons du soleil. Les premières prières et les premières offrandes ont lieu dans divers sanctuaires disséminés dans les ruelles attenantes.

Quelques rues plus loin, nous débouchons sur une place très impressionnante. Le temple de Nyatapola avec son escalier bordé de sculptures d'animaux est surmonté de cinq toits superposés majestueux et domine de sa hauteur tous les autres bâtiments. À leur pied, un petit marché commence à s'animer. C'est là que Moti, un jeune Népalais d'une dizaine d'années, nous repère et vient échanger quelques mots en anglais avec nous. C'est un enfant charmant, réservé, un peu timide même et aux yeux malicieux. Jamais il ne s'imposera, c'est au contraire nous qui lui demandons s'il veut bien nous faire visiter sa ville. Il n'y a pas école aujourd'hui et, à voir son regard, c'est une immense fierté pour lui de nous balader dans le dédale des ruelles. Un paquet de chips, un thé, des gâteaux locaux, un immense cornet de glace seront sa paie de la journée. Il nous présentera à sa grand-mère qui vit dans le quartier des intouchables , puis en fin de journée à sa maman, et son bébé de frère, qui vend des légumes sur le petit marché. Grâce te soit rendue ici, Moti, pour la superbe journée que tu nous as fait passer à sillonner ta ville..... Un impérissable souvenir.....

Au cours de notre promenade, il nous emmène assister à une cérémonie funéraire près de la rivière. Le corps, enroulé dans des draps blancs, est porté à bout de bras par six hommes le long du ghât jusqu'au lieu de crémation. Allongé, recouvert d'un linceul et de paille de riz au préalable mouillée, le corps est ensuite brûlé devant la famille regroupée autour du bûcher. Contrairement à Bali où les flammes viennent de dessous, le feu est mis ici sur le dessus du corps. Le tirage est peut-être meilleur ! Chantal et moi sommes étonnés de notre capacité à regarder ces rites sans sourciller et à pouvoir en plaisanter.... Il faut dire que, depuis l'Indonésie, nous avons eu l'occasion de faire beaucoup de progrès !!!

Nous quittons le pauvre Moti un peu précipitamment, ayant rapidement trouvé un taxi pour nous ramener à Kathmandu.

Nous passons la matinée du lendemain à flâner en ville avant de remonter en fin d'après-midi pour la troisième fois au Swayambunath , Notre assiduité est cette fois récompensée avec la vue extraordinaire sur l'Everest enneigé en arrière-plan. Les deux premières fois, la brume de chaleur ou le voile de pollution au-dessus de la ville nous avaient empêché de l'apercevoir. Mais aujourd'hui les conditions sont meilleures et la vision sur la haute chaîne montagneuse est impressionnante.

Les coups sourds d'un monstrueux tambour nous tirent de notre rêverie. Dans une salle du monastère commence la prière que les lamas entonnent d'une voix monocorde. Retiré dans un coin de la pièce, j'observe les plus dissipés, et pas forcément les plus jeunes, qui se chipent les grains de raisins tout juste distribués par un moinillon rigolard. Au risque de me répéter, cette religion m'impressionne et fait vraiment plaisir à voir....

 

 

25 au 29 mars 2007

Le petit-déjeuner à peine avalé, je me retrouve devant mon écran sur internet à chercher des renseignements sur Oman, notre destination après l'Inde du sud. Dans les librairies, nous trouvons simplement de mauvaises copies sans cartes (!) des guides australiens Lonely Planet. Ne pouvant pas nous fier à ces mauvaises contrefaçons, nous préférons chercher dans les forums du net les renseignements dont nous avons besoin. Nous demandons aussi à Alexis notre fils de nous expédier, à la poste restante de Muscat à Oman, le Guide du routard sur l'Égypte que nous n'avions pas trouvé avant de partir. C'est la première fois que nous utilisons cette méthode qui marche, paraît-il, très bien...

En début d'après-midi, nous prenons un taxi collectif pour nous rendre à Bodhnath, un des sanctuaires du bouddhisme les plus vénérés. Ce village est peuplé de Tibétains ayant fui l'invasion chinoise de leur pays et reste l'un des rares endroits où la culture tibétaine peut s'exprimer sans entrave. Le stûpa, pour lequel nous sommes venus ici, est le plus imposant du Népal et l'un des plus grands au monde avec ses cent mètres de circonférence. Tout autour de la place où il se trouve, de nombreuses boutiques proposent une foule d'objets tibétains : soies, pendentifs, moulins à prières, clochettes, calendriers, vêtements en laine de yak...

La foule des pèlerins tourne autour de sa base, dans le sens des aiguilles d'une montre comme le veut la tradition, un moulin à prières dans les mains, allant même, pour certains, jusqu'à s'allonger face contre terre plusieurs fois de suite. Tandis que nous restons interdits devant tant de dévotion, deux jeunes Français en vadrouille à travers le monde nous abordent. Ils sont de Rennes eux aussi (décidemment, les voyageurs bretons sont légion !) et nous racontent leur périple. Avant de nous laisser notre visite, eux qui en arrivent nous souhaitent, compatissants, bonne chance en Inde du sud ! Sur l'instant, la phrase ne nous frappe pas outre mesure malgré l'intonation qu'ils lui ont donnée. Ce n'est qu'une fois là-bas que nous nous en rappellerons !

Le soleil de fin de journée éclaire maintenant d'une façon magnifique le stûpa et ses innombrables drapeaux de prière. La foule est devenue encore plus dense. Trois moines en tenue pourpre me sollicitent pour que je les prenne en photo devant le dôme et les grands yeux bleus de Bouddha qui voit tout. Sur les terrasses, des gamins s'amusent à pourchasser les pigeons qui s'envolent par centaines. La foule n'en finit pas de grossir. Des fidèles se prosternent inlassablement devant le monument tandis que d'autres se contentent simplement de faire tourner les nombreux moulins à prières. C'est le crépuscule qui met un terme à notre présence dans le lieu saint. Il nous faut en effet trouver un taxi collectif avant la nuit pour plus de sécurité. Nous n'avons aucune envie de rouler dans la nuit noire.

Des policiers en poste devant le temple nous aident dans notre recherche. Sans hésiter, ils en arrêtent un, pourtant bondé, et obligent le chauffeur à nous prendre ! Lors d'un freinage intempestif pour éviter une femme qui traverse, je reçois soudainement le poids de cinq personnes sur le râble qui me coincent contre le siège du chauffeur. Les côtes n'y résisteront pas ! La douleur est intense. Et je pense qu'il est inutile de vous préciser que je n'ai aucune envie de tester les hôpitaux locaux. Je prendrai donc exemple sur Chantal qui a su ravaler sa douleur pendant de longues semaines suite à sa chute sur le trottoir de Phnom Penh. Pas le droit de me plaindre donc, mais bon sang que j'ai mal !!!

L'épisode ne nous a pourtant pas coupé l'appétit, et tandis que Chantal dévore ses momos,c'est goulûment que j'avale une nouvelle fois ce soir un poulet tandoori entier !!!

La nuit sur le matelas un peu (!) ferme est un vrai supplice. Je ne supporte aucune position allongée, mais à bout de fatigue, je m'endors tout de même un couple d'heures.

Une nouvelle fois nous partons à l'aube, cette fois-ci vers le village de Kirtipur. Lorsque je suis debout, le traumatisme me fait moins mal et c'est presque guilleret que j'entame la montée vers le vieux village. Le taxi nous a laissé à une bonne distance du centre en prétextant ne pas pouvoir aller plus loin. Je pencherai plutôt pour une économie d'essence, bien légitime en ces jours difficiles.....

La vie dans le vieux village bâti sur les flancs d'une colline n'a pas dû changer beaucoup depuis le Moyen-Âge. De vieilles maisons aux fenêtres en bois ciselé bordent les ruelles et sont encore magnifiques malgré l'état de délabrement de certaines. Près du bassin central, autour duquel un marché aux légumes de seulement quelques étals se tient, se découpent les toits à étages d'un temple vénéré autant par les hindous que par les bouddhistes. Dans son enceinte, et malgré l'heure encore matinale, une fête a lieu. Hommes, femmes et enfants sont en tenue de cérémonie, dansent ou jouent de la musique. Nous restons un petit moment parmi eux et beaucoup viennent nous saluer, un peu timides.

 

Tout en haut de la colline, un autre temple domine le bourg de toute la hauteur de sestoits superposés. Une femme en sari multicolore en descend le raide escalier encadré de sculptures monumentales d'animaux après y avoir fait ses offrandes. Elle déposera un peu plus tard de la poudre rouge sur une étoile gravée sur le pavé d'une venelle toute proche.

Dans les rues étroites de la vieille ville, nous évoluons vraiment plusieurs siècles en arrière. De jolies jeunes filles drapées dans leur sari aux couleurs éclatantes vont chercher de l'eau à la fontaine en riant, des anciens, assis sur les talons, chassent la volaille venue picorer le riz étalé à même le sol tout en surveillant les enfants qui jouent au badminton avec des raquettes plus que rafistolées et un volant tout déplumé, un groupe de jeunes femmes donnent le sein à leur bébé en nous adressant un franc et large sourire.... Bref, une vie certainement difficile, mais paisible, sociale et sans artifice superflu. C'est en observant ces gens simples que nous devenons nous-mêmes plus sages et que nous arrivons à avoir honte de nos revendications de nantis. Voilà à quoi servent, entre autres, les voyages : à nous ouvrir les yeux et à nous faire réfléchir sur notre propre condition...

De retour à l'hôtel, la douche est glacée et je reporte à plus tard le dépoussiérage ! Je ne veux surtout pas me contracter les muscles, les côtes me faisant assez mal comme cela.

Au lever du lit à six heures le lendemain matin, l'eau chaude n'est toujours pas revenue. Toilette de chat pour nous deux encore une fois donc ! À six heures trente, nous sommes dans la ville à parcourir les rues désertes. Le soleil vient de se lever et baigne les vieux quartiers d'une lumière dorée des plus photogéniques. Nous croisons seulement quelques femmes en train de balayer les rues en terre et les semblants de trottoirs.

Notre énième arrivée sur le Durbar Square nous déçoit un peu. Il est vrai que nous connaissons désormais la majorité de ceux de la vallée et que celui-ci nous semble maintenant moins impressionnant qu'un bon nombre d'entre eux. Malgré tout, l'observer s'animer reste tout de même un moment de grand plaisir. Ce matin encore, nous ne payons pas l'entrée puisqu'il est bien trop tôt pour que les guichets soient ouverts. Durant notre séjour, nous y serons venus un grand nombre de fois sans jamais nous acquitter du droit d'entrée ! Ici, à Kathmandu , c'est même devenu un jeu pour nous !....

Les temples commencent à être envahis par un nombre grandissant de fidèles qui, avant de commencer leur journée de travail, viennent rendre grâce et s'attirer les faveurs des divinités. Des femmes s'activent à l'élaboration de colliers de fleurs fraîches, d'autres allument des rangées entières de bougies que les fidèles pressés viennent leur acheter pour offrir à leur dieu idolâtré. La fumée âcre des bâtons d'encens se consumant commence à voiler les sculptures des dieux toutes barbouillées de poudres de couleur.

Sur une des places ouvertes au trafic, les conducteurs de rickshaws, haut perchés sur leur selle, toute sonnette tintante, essaient de se frayer un chemin dans la foule qui arrive, tandis que le klaxon des véhicules n'a pas l'influence souhaitée auprès des queues de fidèles occupés à l'achat de leurs offrandes. Très peu perturbés par ce brouhaha et assis sur les marches d'un temple, deux sâdhus finissent de se peindre le front à la couleur de leur dieu. Une vache sacrée traverse nonchalamment une petite place au milieu de la circulation sans que, miracle, un seul coup de klaxon ou de sonnette ne soit donné !

Nous passons la matinée entière dans ce quartier à savourer l'animation un peu désordonnée qui y règne. Nous en profitons aussi pour griffonner quelques cartes postales que nous allons déposer à la poste toute proche. De tout notre voyage, c'est la plus petite, la plus sombre, la plus minable dans laquelle nous soyons entrés ! Et lorsque le préposé estampille les timbres de son cachet usé et regroupe les cartes dans un vulgaire carton à chaussures posé sur la seule table de la pièce, Chantal et moi pensons sincèrement que nous venons de jeter quelques centaines de roupies par la fenêtre. Impensable, trois jours plus tard, tous nos destinataires auront reçu leur missive, ce qui constitue le record de rapidité de notre tour du monde. Comme quoi, il ne faut jamais se fier aux apparences !!!

Pour notre dernière virée dans la vallée, nous choisissons Sankhu, un ancien relais-étape de porteurs vers le Tibet. Nous parvenons à trouver le bus qui va nous y emmener avec l'aide gracieuse de plusieurs personnes, flattées d'aider des étrangers. Après une heure et demie d'embouteillages et de mauvaise route, nous parvenons enfin dans ce petit village perdu dans la campagne. Ici, tout semble encore plus ancien que dans les autres villages de la vallée. Certaines maisons, les plus atteintes, sont en rénovation et la rue principale ressemble à un champ de bataille après bombardement : on ne compte plus les trous tant ils sont nombreux. Pourtant, les anciennes demeures en briques sont encore très belles avec leurs fenêtres en bois sculpté.

La route qui monte au temple de Vajra Yogini est rude mais enchanteresse dans ce décor de montagne. Dans les fossés, des femmes en sari ramassent à la main des herbes qu'elles amassent dans un panier d'osier porté sur le dos et simplement retenu par une sangle autour du front. Des fontaines aménagées au cours des siècles nous rafraîchissent au cours de la montée. L'une d'entre elles sert même de douche à des moinillons très surpris de nous voir arriver ! Il nous faudra une bonne heure d'efforts pour atteindre le temple. Comme souvent à proximité des temples, les singes sont agressifs dès qu'ils voient ou qu'ils sentent de la nourriture. Une jeune Népalaise près de nous en fera les frais. Le sac plastique qui contenait ses offrandes et qu'elle portait à la main lui est littéralement arraché par un gros macaque peu effarouché. Mais c'est surtout le cri lancé par la jeune fille qui nous a surpris : on aurait cru Tarzan !

 

Dans le temple, une cérémonie a lieu. Des femmes font le tour du sanctuaire en file indienne, un plateau d'offrande tenu à bout de bras au-dessus de la tête. Nous restons là, à l'ombre des arbres, d'abord à savourer ce moment de recueillement et ensuite à récupérer de notre montée ! J'en profite pour prendre quelques photos d'un gamin venu s'amuser avec nous et des nombreux singes venus se restaurer des dons des fidèles.

Le retour vers le village est bien plus facile et rapide que la montée, même si une descente fait toujours mal aux mollets.

Sur une petite place coincée entre de vieilles maisons, une femme étend son linge à sécher à même le sol poussiéreux. Les normes d'hygiène ne sont décidément pas les mêmes partout dans le monde !!!

La dernière journée dans les rues de la capitale népalaise passe à une vitesse folle. Nous en profitons pour acheter trois bonnets en laine de yak (pour nos enfants et pour moi) à des prix dérisoires. Dans Thamel, les vendeurs de hachisch font consciencieusement leur travail en abordant systématiquement tous les étrangers qui passent, les vendeurs de jus de fruits frais pressent les agrumes sur leur carriole ambulante, les innombrables porteurs d'armoires, de chaises, de sacs de riz, de cartons énormes, de paille, de bois, de bidons vides ou pleins, transportent leurs énormes et lourdes charges à la force du cou savamment installées sur le dos et simplement soutenues par une sangle autour du front !..... En les observant, je comprends désormais pourquoi bon nombre d'alpinistes étrangers venus s'essayer sur les pentes de l' Everest ou de l' Annapurna utilisent ces hommes courageux et volontaires pour transporter le matériel durant leurs expéditions.

En ce qui nous concerne, nous n'avons plus que nos sacs à dos à boucler avant de partir demain vers Chennai et l'Inde du Sud.... Et nous les porterons tout seuls !!!

Longtemps, très longtemps, nous nous souviendrons de ce trop court séjour dans la vallée de Kathmandu, de ses nombreux marchés animés et colorés, de l'odeur si caractéristique des épices, des fruits et légumes posés à même le sol, quelquefois tout près d'un tas de détritus que les vaches sacrées s'empressent de piétiner et de dévorer, des ferrailleurs ou des bouchers qui proposent à grand renfort de voix leur marchandise, des places cernées de vénérables maisons en briques, des fenêtres et balcons en bois sculpté, des temples à toits à étages, des rues et des routes défoncées, de la poussière, de mes côtes cassées....Mais ce dont on se souviendra le mieux, c'est l'accueil chaleureux que la population nous a réservé en toutes circonstances.

Cela aurait vraiment été une erreur de ne pas passer par ici....

Namaste Kathmandhu ....   Au revoir Kathmandu

 

carte de notre parcours au Népal