De la civilisation grecque à la civilisation arabe
Alors
que les Grecs ont perdu la prépondérance dans le Bassin méditerranéen
et toutes leurs colonies, se faisant supplanter sur le plan politique et militaire
par les Romains, les savants se rassemblent à Alexandrie, poursuivant
leur oeuvre de chercheur dans de nombreux domaines. Il y a durant cette longue
période, inaugurée par Aristote, de nombreux savants comme Archimède,
Euclide, Appolonius, Aristarque et Hipparque. On sait très peu de chose
sur Ptolémée lui-même. D'après ses propres uvres
et les études réalisées par les chercheurs, Ptolémée,
astronome et mathématicien grec, a vécu entre 100 et 165 de
notre ère. Il est surtout l'auteur d'un célèbre ouvrage,
Syntaxe mathématique, qui résume toutes les connaissances acquises
et ses propres études en matière d'astronomie mathématique.
Entre le IVe et le Ve siècle, de nombreux savants continuent à
annoter l'uvre de Ptolémée. Cependant, à partir
de l'époque de Ptolémée, en raison de l'annexion des
régions orientales de la Méditerranée par l'Empire romain,
l'esprit scientifique commence à décliner et à perdre
de sa créativité dans la Grèce antique. Au début
du VIe siècle, l'Empereur Justinien ordonne de fermer l'Académie
d'Athènes créée par Platon, signe de la fin de la civilisation
occidentale antique. Puis, au milieu du VIIe siècle, des musulmans
fanatiques détruisent la plupart des livres anciens en brûlant
la Grande Bibliothèque d'Alexandrie. Ainsi se perdent en Occident les
traces de l'astronomie et de la Syntaxe mathématique.
La période allant du VIe au XIe siècle
est tenue en Occident pour une époque d'obscurité et de désordre,
où la civilisation grecque, notamment sa tradition scientifique, semble
avoir disparu. Toutefois, il existe à l'époque une civilisation
orientale, présente jusqu'en Europe de l'Est et du Sud, initialement
hostile à la tradition scientifique de la Grèce antique. Grâce
à l'Empire byzantin et le Califat, dont les centres se trouvent respectivement
à Constantinople et à Bagdad, les scientifiques peuvent poursuivre
leur oeuvre.
Si
Byzance a su conserver un grand nombre de manuscrits grecs, c'est que l'Empire,
profondément influencé par la culture grecque, attachait une
importance primordiale à la science et à l'éducation.
Il faut dire que Justinien 1er ne visait pas la civilisation grecque elle-même,
mais la fameuse Académie d'Athènes, symbole de la science des
païens.
Les musulmans ont su conserver, voire promouvoir, la tradition philosophique
et scientifique de la Grèce antique. On peut y voir une conséquence
de l'hellénisation des régions du Moyen-Orient (y compris la
Syrie, la Perse, et les régions comprises entre le Tigre et l'Euphrate),
résultant des deux événements historiques suivants :
conquête de l'Asie (334-323 av. J.-C.) par Alexandre le Grand et exode
massif des Nestoriens vers l'Est (au milieu du Ve siècle av. J.-C.),
à la suite d'un échec dans les querelles doctrinales religieuses.
Après la fermeture de l'Académie d'Athènes par Justinien
1er, de nombreux savants grecs, invités par Khorso 1er, roi assanide
de Perse, sont allés s'installer en Perse. Ils emportaient avec eux
beaucoup de livres et de documents. Plus tard, Jundishapur, ville située
non loin de Bagdad, se transforme en un centre de la civilisation grecque,
autre exemple, donc, de l'hellénisation de la région. À
partir du VIIe siècle, la religion islamique prend son essor et conquiert,
en l'espace d'un siècle, tout le Moyen-Orient, la plupart des régions
de l'Afrique du Nord, de la Sicile et de l'Espagne. À partir du VIIIe
siècle, les imams musulmans, épris de la civilisation grecque
déjà très présente au Moyen-Orient, se mettent
à traduire en langue arabe les livres écrits en grec ou en syrien.
La première version arabe de la Syntaxe mathématique grecque
de Ptolémée a été traduite de la langue syriaque,
semble-t-il, par al-Hajjaj Ibn Yusuf de Bagdad en 829-830. Ce traité
d'astronomie a pris alors le titre de Kitab al-mijisti, appelé aussi
l'Almageste. Il y a eu, du IXe au Xe siècles, plusieurs versions arabes
de cette uvre, ce qui a permis de stimuler le développement de
la science astronomique dans le monde islamique. Ainsi, la civilisation
grecque - notamment la philosophie, la mathématique, l'astronomie et
la médecine -, absorbée par les imams musulmans, et faisant
désormais partie intégrante de la culture islamique,est-elle
transmise en Afrique, en Sicile et en Espagne.
L'expansion
de l'islam
Lère
musulmane appelée lhégire commence
en 622, quand le prophète Mahomet (570-632) quitte La Mecque pour Médine
où il lance un appel à la conquête islamique. En un siècle,
les Arabes vont bâtir un immense empire, de lEspagne jusquen
Inde.
En pleine expansion, lEmpire islamique transfère sa capitale
de Damas à Bagdad au VIIIe siècle et assimile les cultures quil
rencontre, aussi différentes que celles de la Perse et de Byzance.
Encouragé et organisé officiellement par les califes abbassides,
un important mouvement de traduction en arabe se développe alors. Médecine,
logique et philosophie grecques, littérature persane, astronomie indienne
Synthétisées à travers lislam, elles font émerger
une nouvelle culture philosophique et scientifique arabe : cest ladab.
La science et la religion islamique
s'accordent harmonieusement, le mot science lui-même apparaissant dans
160 versets du Coran. Plus encore, le Coran incite à la connaissance.
Le Prophète Muhammad prône : « lencre du savant est
plus sacrée que le sang du martyr », « la science est plus
méritoire que la prière » et même « peu de
savoir vaut mieux que beaucoup de culte».
Ladab entraîne
un nouvel essor des savoirs en général, et de la science en
particulier. Les IXe et Xe siècles sont la période faste de
la culture "encyclopédique" arabe qui se répand dans
tout le monde musulman, et jusquen Occident. Ishâq ibn Hunayn
(809-873), lun des traducteurs les plus remarquables, transcrit ainsi
tout le corpus médical de Galien (131-201) et dHippocrate (460-377
av. J.-C.), préparant le Canon de médecine dAvicenne (980-1037),
une encyclopédie médicale qui sera traduite en latin et fera
autorité durant cinq cents ans. À la fois médecin, astronome,
mathématicien, physicien, géographe et historien, al-Bîrûnî
(973-1048) décrit lhistoire de lUnivers dans la tradition
grecque. Au Xe siècle, al-Fârâbî (872-950) donne
une interprétation dAristote (384-322 av. J.-C.) et de Platon
(428-348 av. J.-C.) qui harmonise les deux philosophies.
La
classification des Arabes repose sur celle dAristote qui ordonne la
totalité du savoir de lAntiquité. Les savants arabes imitent
et complètent les traités du philosophe grec. Sous son influence,
ils sattachent à comprendre lUnivers, classer les connaissances,
et tenter une synthèse entre le savoir sacré et les savoirs
profanes. Averroès (1126-1198), le grand commentateur arabe d'Aristote,
démontre au XIIe siècle les liens entre Révélation
et philosophie.
Il y a cependant des résistances
à lintégration dans la pensée musulmane de la philosophie
et des sciences grecques. La thèse fondamentale dAristote sur
léternité du monde soulève de fortes oppositions.
Des théologiens comme al-Ghazâlî (1058-1111) taxent dinfidélité
tous ces philosophes qui interprètent les Lois révélées.
Cette problématique est partagée par les savants juifs : le
grand code législatif civil et religieux de Maimonide (1135-1204) soppose
à la philosophie religieuse rigoriste de Ben Gikatilla (1248-1325).
Tout au long de cette période de confrontation, les savants des deux
écoles créent une uvre riche et variée, restée
fondamentale pour lhistoire des civilisations. Malgré le pouvoir
dassimilation de lislam, la lutte se termine au XVe siècle
par la victoire des conceptions plus purement islamistes, à lorigine
dune société ordonnée par la sharia, la "Loi
sainte" élaborée par les juristes fondamentalistes à
partir du Coran... Au moment même où lOccident renonce
à une interprétation strictement chrétienne du monde.
2/4
|