L'identification des taches solaires (IVe siècle av. J.-C.)
Les Chinois furent les premiers à observer les taches solaires : elles sont mentionnées des dizaines de fois dans les annales historiques officielles de la dynastie Han.
En Occident, les cieux étaient jadis censés être d'une telle perfection que la notion même de tache solaire était impensable. La plupart de celles que l'on observa en Occident avant le XVIIe siècle furent simplement considérées comme les traces des planètes Vénus et Mercure passant devant le Soleil. La théorie de " la perfection des Cieux" interdisait même d'admettre la moindre imperfection à la surface du Soleil. Il était donc parfaitement entendu que ces "défauts" n'étaient en fait que des planètes ou de petits satellites à peine visibles.
Les Chinois, eux, n'avaient pas entretenu un tel mythe de la perfection. Depuis que les taches solaires - certaines assez grandes pour être visibles à l'il nu - existent, les Chinois les ont tout simplement prises pour telles. Le plus ancien rapport d'observation qui nous soit parvenu est constitué des quelques remarques dues à l'un des trois premiers astronomes connus, Gan De. Celui-ci, qui vivait au IVe siècle avant J.-C., dressa avec l'aide de deux de ses contemporains, Shi Shen et Wu Xian, le premier grand catalogue d'étoiles. Ce travail était pleinement comparable à celui du Grec Hipparque, mais il le précédait de deux cents ans. Gan De semble faire référence aux taches solaires lorsqu'il parle d'éclipses qui commencent au centre du Soleil pour s'étendre vers l'extérieur. Bien qu'encore approximative, cette remarque s'inscrit déjà dans la logique du phénomène observé. Elle démontre que Gan De reconnaissait les taches solaires comme des phénomènes propres au dit Soleil, phénomènes qui en assombrissent partiellement la surface.
La mention suivante d'une observation des taches solaires a lieu l'an 165 avant J.-C. On nous dit en effet, dans un recueil assez tardif, L'Océan de Jade, que cette année-là apparut à la surface du Soleil le caractère chinois wang (roi). Il s'agissait d'une tache solaire qui apparaissait non pas ronde mais en forme de croix avec une barre coiffant le sommet et une autre soulignant la base. L'astronome D. J. Schove considère cette relation comme la plus ancienne mention d'une tache solaire datée avec précision. La compilation des observations de ces taches dans les volumineuses et officielles chroniques impériales chinoises commence au 10 mai de l'an 28 avant notre ère, mais les observations elles-mêmes commencèrent probablement dès le IVe siècle avant J.-C. Seule la perte d'une grande partie des textes de cette époque nous prive d'une information plus détaillée.
On a de bonnes raisons de croire que le vénérable philosophe de la nature Zou Yan (305 à 240 avant J.-C.) incluait les taches solaires dans le programme de son enseignement. On déplore unanimement la perte des écrits de ce philosophe. Si les travaux de Zou Yan pouvaient un jour être exhumés d'une tombe de l'époque Han, comme ce fut le cas pour des travaux sur la médecine et sur d'autres sujets, ils combleraient une importante lacune dans notre connaissance de la science la plus ancienne.
Aujourd'hui
encore, beaucoup de gens croient que Galilée inventa le télescope
au moyen duquel il fit les premières observations de taches solaires.
Ceci est doublement faux. Ce n'est pas Galilée qui inventa le télescope,
quoiqu'il fut celui qui le premier s'en servit pour étudier les corps
célestes objectivement - ce qui ne manquait pas de courage en son temps.
Quant aux taches solaires, on les mentionne clairement pour la première
fois dans la très ancienne Vie de Charlemagne d'Eginhard, autour de
807 de notre ère, soit huit siècles avant la première
observation qu'en fit Galilée en 1610.
Plus tard, d'autres observations de ces mêmes taches furent faites par
l'Arabe Abû al-Fadl Ja'Far ibn al-Muqtafi en 840 après J.-C.,
par lbn Rushd autour de 1196 et enfin par des observateurs italiens autour
de 1457. Au XVIIe siècle, le jésuite Christopher Scheiner en
Hollande, Fabricius en Allemagne, et Thomas Hariot en Angleterre disputèrent
à Galilée la priorité de sa découverte. Tous semblent
avoir observé des taches solaires avant lui.
Needham a comptabilisé les observations
de taches solaires reprises dans les chroniques officielles chinoises entre
28 avant J.-C. et 1638 après J.-C. Il en a relevé 112. Des centaines
de notes sur les taches solaires apparaissent dans les autres livres chinois
au travers des siècles, mais personne, jusqu'à présent,
n'a trouvé le temps ni le courage de les réunir toutes en un
même recueil. Ces recensements chinois constituent la série la
plus ancienne, la plus longue et la plus continue de toutes les observations
de ces phénomènes faites de par le monde. Beaucoup d'observations
spécifiques s'annoncent du plus grand intérêt. Diverses
encyclopédies chinoises anciennes reprennent ces listes qui sont déjà
impressionnantes, quoique incomplètes.
Les astronomes des temps modernes ont essayé d'analyser ces séries
d'observations pour déterminer les cycles d'apparition des taches solaires.
On comprend dès lors toute l'importance qu'elles revêtent. Nous
savions déjà que les taches solaires suivent un cycle de onze
ans au cours duquel elles croissent, puis décroissent pour croître
à nouveau. Ces cycles affectent l'ionosphère terrestre, donc
le climat. Dans l'atmosphère, les tempêtes magnétiques
suivent la périodicité des taches solaires. Il est donc utile
d'accroître nos connaissances dans ces domaines. Un astronome japonais,
Shigeru Kanda, a étudié la plus complète de ces listes.
Sur la base du matériel chinois disponible, il a cru pouvoir détecter
un cycle de 975 ans affectant les taches solaires. Que le Soleil obéisse
à cette périodicité de 975 ans et les grands cycles météorologiques
en seront affectés. Le temps qu'il fera sur notre planète en
dépend et ceci nous concerne tous.
La découverte du vent solaire (VIe siècle ap. J.-C.)
Les queues des comètes indiquent toujours
la direction opposée au Soleil. Le "vent solaire" les souffle
dans cette direction. La presque totalité des observations de comètes
avant l'an 1500 sont chinoises. Elles portent sur quarante comètes.
Leurs trajectoires sont décrites avec une précision telle qu'on
pourrait les reporter sur une carte du ciel à la simple lecture d'un
texte chinois. Par exemple, un rapport de 1472 décrit un des mouvements
de comète. Pour donner une idée de ce rapport, en voici un court
extrait :
"Elle s'avança soudain vers le Nord, atteignit l'étoile
du Bouvier et balaya l'ensemble des étoiles de la Vierge, de la Chevelure
de Bérénice, du Lion, frôlant nu de la Chevelure
de Bérénice, 2629 de la Chevelure de Bérénice,
epsilon du Lion et 2567 du Lion. A ce moment sa queue indiquait
l'Ouest. Elle balaya encore a à k de la Chevelure de
Bérénice. En un jour jiamao, sa queue avait beaucoup grandi.
Elle s'étendait d'Est en Ouest à travers le ciel. La comète
poursuivit sa course vers le Nord, couvrant à peu près 28°,
elle frôla iota, thêta et khi du Bouvier,
balaya la Grande Ourse et passa près de trois petites étoiles
au nord des Chiens de Chasse et de khi de la Grande Ourse. "
Notons avec quelle précision furent relevées et la position
et la direction de la queue de chaque comète. (On a bien sûr
remplacé les dénominations des étoiles et des constellations
par leurs noms français).
C'est
bien probablement depuis le VIe, et certainement depuis le VIIe siècle
après J.-C, que les observateurs chinois se trouvent en droit d'établir
que la queue des comètes indique toujours le sens opposé au
Soleil. Ce principe est clairement exprimé dans des annales officielles
concernant la dynastie Jin, en 635 après J.-C. :
"En général, quand les comètes apparaissent le matin,
leurs queues pointent vers l'Ouest et quand elles apparaissent le soir, ces
mêmes queues pointent vers l'Est. Ceci est une règle constante.
Si la comète est au Nord ou au Sud du Soleil, sa chevelure suit toujours
la même direction que les rayons du Soleil. "
Les astronomes de ce temps comprenaient déjà que les comètes reflétaient la lumière du Soleil, comme la Lune. Nous savons aujourd'hui que la chevelure des comètes est faite de particules si légères que la puissance du "vent solaire" les pousse dans la direction opposée au Soleil. Les Chinois du VIe siècle après J.-C. étaient-ils en mesure de formuler la notion de "vent solaire"? Ce n'est pas évident. Ils se sont contentés de définir le principe avec la précision que nous savons. Ils considéraient peut-être que ce que nous appelons " vent solaire " allait de soi. La littérature chinoise fait maintes fois référence au qi du rayonnement solaire. Le concept de qi (souvent traduit par " âme " ou " souffle vital ", et que l'on peut rapprocher du grec " pneuma ") peut se référer dans le contexte qui nous occupe à une " force " émanant du Soleil. Il devait être évident pour un ancien Chinois que le qi du Soleil était assez puissant pour chasser la queue des comètes devant lui. Et que les Chinois concevaient l'espace comme empli de " forces " puissantes, on en trouve encore l'indice dans le vol de cerfs-volants pilotés par des êtres humains.
4/5
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