L'historien
japonais de l'astronomie Kiyoshi Yabuuchi remarque que, bien que les astronomes
prémodernes chinois aient rassemblé des trésors d'informations,
ils n'ont pas su en tirer parti pour développer des théories
scientifiques fondamentales. Au lieu de cela, écrit-il, ils sont restés
fidèles à la croyance populaire d'une interdépendance
entre le cours des événements célestes et les destinées
humaines. Voilà pourquoi les scientifiques modernes pensent en général
que l'astronomie chinoise n'est jamais parvenue au stade d'une vraie science.
Le
déclin de l'astronomie chinoise s'explique également, dit le
chercheur chinois Xi Zezong, par le fait que la géométrie chinoise
était bien inférieure à celle de la Grèce antique.
Bien qu'ils aient suffisamment maîtrisé l'algèbre pour
se livrer à des calculs très précis des positions des
planètes et qu'ils aient conçu un calendrier extrêmement
fiable, la géométrie plane ne permettait pas aux anciens Chinois
de s'attaquer au problème des angles. Concernant les angles droits
par exemple, les mathématiciens chinois ne se préoccupaient
que des relations entre les longueurs des différents côtés
du triangle, sans essayer dn mesurer les angles. Les Grecs en revanche faisaient
des maquettes en trois dimensions, les modifiaient pour expliquer leurs observations
empiriques et ensuite utilisaient ces modèles pour calculer les positions
futures des objets célestes. Au fur et à mesure de leurs observations,
ils modifiaient leurs modèles pour corriger leurs erreurs, répétant
encore et encore cette démarche afin d'atteindre la perfection. «
Ces modèles géométriques, dit M. Xi, ont permis aux Grecs
de s'intéresser à la structure physique de l'univers, et aux
principes régissant les mouvements des corps célestes. En utilisant
uniquement l'algèbre chinoise traditionnelle, il aurait été
très difficile de parvenir au modèle copernicien de système
solaire centré sur le Soleil, ou de comprendre les lois de Kepler concernant
les mouvements des planètes. »
Le
système décimal est utilisé dès le
Royaume Shang (-1520, -1030), sans doute facilité par l'emploi des
idéogrammes dans l'écriture. Pour compter, les Chinois plaçaient
des bâtonnets dans des cases (une case pour les unités, une pour
les dizaines, une pour les centaines, etc.). Par prolongement, l'emploi des
fractions décimales est clairement montré au IIIe siècle
ap. J.C.
Le
zéro existe en Chine depuis au moins le IVe siècle
av. J.C. (Epoque des Royaumes Combattants, -480, -221), alors qu'on situe
généralement la naissance du zéro en Inde. Il n'était
pas représenté par un symbole, mais par un espace vide ; ainsi,
un bâtonnet dans la case des dizaines et rien dans celle des unités
signifie 10. Il sera introduit en Europe au IXe siècle, de même
que le système décimal. Au IIIe siècle av. J.C., lors
de la Première Unification (-221, 220), à l'époque des
dynasties Qin puis Han, Liu Hui inscrit dans un cercle un polygone de 192
côtés et calcule ainsi une valeur de pi de 3,14159. Au
Ve siècle ap. J.C., Zu Chongzhi et son fils Zu Gengzhi déterminent
une valeur encore plus précise jusqu'à la dixième décimale.
En Europe, la valeur de pi comporte 7 décimales en 1600. Les nombres
négatifs (IIe siècle av. J.C.) sont distingués des
nombres positifs par des bâtonnets de couleurs ou de formes différentes.
A défaut, c'est l'orientation de ces bâtonnets (droite ou oblique)
qui indique le signe.
Pour
Liu Chun-tsan, qui s'intéresse tout particulièrement à
l'histoire de la science chinoise, c'est le télescope qui fut le facteur
décisif des progrès de l'astronomie occidentale. Comme les lunettes
astronomiques chinoises ne disposaient pas de lentilles courbes, elles n'absorbaient
pas la lumière et ne permettaient pas à l'utilisateur de voir
très loin. Remarquons que les matières premières utilisées
pour la fabrication du verre se trouvent en grande abondance dans les déserts.
Ce n'est donc pas un hasard si les Arabes furent des pionniers de la verrerie,
une technologie transmise par la suite à l'Europe, où le télescope
fut inventé au début du XVIIe siècle. Soudain, de vastes
étendues jusque là insoupçonnées apparurent devant
les yeux des astronomes occidentaux, et l'idée de forces surnaturelles
contrôlant les destinées fut rapidement abandonnée. C'est
à partir de ce moment-là que l'astronomie occidentale prit un
tour véritablement scientifique.
(D'après "Quand la Chine nous précédait" - Robert K.G. Temple - "Star Walk of the Orient Chinese Astronomy", de Chang Chin-ju, in Sinorama septembre 2001 et diverses autres sources)
Sphères armillaires
équatoriale (gauche) et écliptique (droite) à l'Observatoire
Impérial de Pékin faites par le missionnaire jésuite
Ferdinand Verbiest, 1670
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