Au-delà
du promontoire, une activité sur les rochers battus par les
vagues m'intrigue : ce sont les pêcheurs du village
qui ramassent les moules à coups de bêche dans les bancs
noirs serrés
tandis que l'un d'entre eux a investi dans une canne à pêche
et lance sa ligne dans les remous violents malgré la marée
basse. Une fois les sacs remplis, il faut ramasser le bois mort et
allumer des feux où
sont grillés les mollusques qui leur serviront de
repas ou seront vendus. Aucun des villageois n'a de tenue adaptée.
Les femmes sont en robes, les hommes en pantalons ou djellabas, complètement
trempés,
frigorifiés
par les embruns poussés par un vent violent. Ils doivent rester
deux
à trois heures à piocher les rochers, un oeil sur les
vagues pour ne pas se laisser surprendre et balayer par le flot sur
les aspérités
aiguës et coupantes. Les
rochers sont jonchés de coquilles, vestiges de décennies
et peut-être
même de siècles d'activité immuable et traditionnelle.
Le
poisson se fait rare, semble-t-il, mais les moules semblent inépuisables,
bien que cette technique de ramassage ne permette pas de faire le
choix entre les petites et les grandes. Ce que je m'explique moins,
ce sont les surfaces entières
blanchies de débris
de coquilles qui couvrent terre et roche à l'intérieur
des terres au-dessus des falaises, dans des lieux très éloignés
de ceux de leur cueillette et de toute habitation. Hassan explique
que les sacs étaient
remontés par les
pêcheurs et apportés aux familles qui s'occupaient de
casser les coquilles et
cuire les
mollusques.
Les
coquilles d'escargots qui vivent innombrables, immobiles sur les
plantes ou
parmi les cailloux,
probablement
actifs
la nuit lorsque la rosée vient adoucir les surfaces rêches,
se mêlent à
celles de coquillages méconnaissables tant ils sont brisés
en mille morceaux.
Peut-être
s'y trouvent des vestiges de murex, ce coquillage qui était notamment
ramassé sur les îles de Mogador (l'ancien nom
d'Essaouira) pour en extraire une teinture rouge prisée depuis
l'Antiquité.
On
a découvert des fragments de poterie et de céramique remontant
au VIIème siècle avant J.-C. qui attestent que les Phéniciens s'y rendaient
déjà, suivis par les Romains, fascinés par la couleur pourpre.
Le
roi de Mauritanie Juba II, à la fin du 1er siècle avant J.-C. développa
sur ce site une industrie de teinture à leur attention.
Nous
marchons sur des plages immenses, dégustons sur le pouce le
corail d'oursins collectés et coupés en deux par Hassan.
Je me penche sur les anfractuosités de rochers où pullulent
les anémones
de mer recroquevillées
en
une masse gluante ou tentacules souplement étalés dans
l'eau qui les recouvre à peine.
Par contre, nous n'apercevons pas un seul crabe, même tout petit,
c'est curieux. Puis nous remontons à flanc de falaise, cheminons
de nouveau vers les hauteurs, dominant la mer et d'autres pêcheuses
qui nous saluent d'en bas, pour redescendre encore nous
baigner dans les vagues limoneuses en prélude au pique-nique.
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Pierre, Rose, Jean-Louis B., Michèle, Richard, Jean-Louis C., Cathy | Maroc pluvieux |
29 octobre au 4 novembre 2008 |
Dans ce récit, une dizaine de photos sont l'oeuvre de Pierre, que je remercie de sa contribution. |