Le vent a chassé les nuages. Sur les plages désertes, il fait voler le sable sec au ras du sol en formes mouvantes évanescentes terminées par une queue de têtard, qui me font immanquablement penser au djinn d'Aladin qui jaillissait de la lampe merveilleuse en silhouette humaine anormalement allongée et boursouflée vers le haut, alors qu'elle restait inachevée en bas. Le choc incessant de ces millions de grains sculpte chaque aspérité et durcit les surfaces en une croûte salée qui craque sous le pied comme la neige givrée après une nuit trop froide. Les photographes en herbe tentent, vainement, de capter l'insaisissable. Des dunes se forment contre les collines et nous jouons à Lawrence d'Arabie, peinant dans le sable meuble pour monter, et dévalant en courant les pentes raides où nous trébuchons sous les rires moqueurs des autres.
Hassan nous a préparé une petite surprise. Il nous avait simplement dit que, si la marée était basse, nous contournerions le promontoire, mais si l'eau battait les rochers, nous serions obligés de faire un détour. Ce qu'il n'a pas avoué, c'est que l'accès à la plage et au village de pêcheurs où se situe notre second gîte se fait par une falaise... Tout de suite, Richard dit qu'il ne passera pas. Hassan lui enjoint d'attendre son tour et de ne pas bouger. En montagnard aguerri, il nous fait descendre un à un avec l'aide du cuisinier Mohamed qui bondit d'une roche à l'autre. Sans me poser de question, j'entame la descente, guidée par Mohamed qui m'indique où mettre mes pieds et trouver des prises pour mes mains. Arrivée sans encombre en bas, malgré la roche argileuse humide et glissante, je photographie les autres un à un, qui tremblent plus ou moins, jusqu'à Pierre qui passe l'obstacle bon dernier en descendant de face, comme une formalité ne présentant aucune difficulté, et double Michèle qui mascagne encore, malgré les encouragements de Hassan. Lorsque nous sommes à mi-chemin du hameau, vague entassement de cubes blancs surmontant les barques bleues, je me retourne vers les falaises au loin, sans reconnaître le passage que nous avons emprunté.
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Pierre, Rose, Jean-Louis B., Michèle, Richard, Jean-Louis C., Cathy | Maroc pluvieux |
29 octobre au 4 novembre 2008 |
Dans ce récit, une dizaine de photos sont l'oeuvre de Pierre, que je remercie de sa contribution. |