Les efforts du monde chasseur ne se sont pas encore
suffisamment portés sur la multiplication des perdrix grises.
C’est cependant le gibier dont il serait possible de tirer
le meilleur parti ; nous entendons par là qu’avec une organisation
rationnelle, on pourrait en avoir, sur chasses, des quantités considérables.
La perdrix est prolifique et élève admirablement ses jeunes.
Dès l’éclosion, le mâle s’en occupe autant que la femelle pour les conduire,
les alimenter et les protéger. Évidemment beaucoup d’ennemis conjurent sa
perte, mais elle est rusée et se défend très bien.
Si l’homme voulait tant soit peu la protéger dans la période
où il n’est pas encore son ennemi, c’est-à-dire au moment où elle a à lutter
contre les éléments et les animaux nuisibles afin de passer l’hiver, puis au
printemps pour faire et mener à bien une couvée, nul doute qu’elle le
récompenserait par une reproduction importante.
Il y a, dans l’existence de la perdrix que l’on veut faire
se reproduire en parquets, un certain nombre de périodes différentes qui
reviennent chaque année aux mêmes dates, et c’est cela que nous appelons :
le cycle de la reproduction des perdrix.
On peut le diviser en quatre périodes :
La première s’étend depuis la capture ou l’achat des perdrix
jusqu’à leur mise en parquets de reproduction ; la deuxième période
comprend la mise en parquets de reproduction jusqu’à la ponte ; la
troisième période comprend la ponte, l’incubation, l’éclosion et la mise aux
champs des compagnies de perdrix ; la quatrième est celle de la liberté et
s’étend depuis le moment de la mise aux champs des perdrix, jusqu’à la nouvelle
capture qui recommence un nouveau cycle.
Première période.
— Dès le mois d’août, les perdrix peuvent être
capturées pour être mises, après qu’elles ont été entravées, dans des parquets
où elles passeront l’hiver et qu’on appelle : parquets de conservation.
Bien entendu, pour procéder à ces captures, il faut y être
autorisé par le Préfet du département, comme nous l’indiquons dans l’article :
« Capture du gibier de repeuplement ».
Si, pour certaines raisons, on n’a pu reprendre ces perdrix
de bonne heure, rien n’empêche, si l’on en a reçu l’autorisation, de procéder à
leur capture jusqu’à la fin de l’année.
Au fur et à mesure des reprises, l’on divise les perdrix en
trois lots, si l’on a suffisamment de parquets.
Le premier lot, composé des meilleurs sujets, sera destiné à
la reproduction en parquets.
Le second, qui comprendra tous les bons sujets, sera destiné
au repeuplement de la chasse ; ces perdrix seront remises en liberté
aussitôt la fermeture.
Enfin, le troisième lot comportera tout ce qui est moins
bien et qu’on pourra relâcher au fur et à mesure des chasses. Si l’on ne peut
faire de captures et qu’il faut avoir recours au gibier acheté, il conviendra
de prendre les plus grandes précautions, tant au point de vue de la qualité qu’aux
dates de livraison.
Il faut demander les prix dès le mois d’octobre, et l’on
aura intérêt à recevoir les perdrix en novembre ou décembre, dès que commencent
les premiers froids, temps pendant lequel elles voyagent dans les meilleures
conditions.
C’est du reste l’époque où le gibier est le moins cher ;
par la suite, son prix va en augmentant chaque quinzaine jusqu’à la fin de la
saison d’importation.
Les perdrix, qu’elles soient capturées ou achetées, doivent
être de suite séparées par sexes et placées par bandes ne dépassant pas
vingt-cinq sujets dans des parquets où elles passeront une partie de l’hiver.
Deuxième période.
— Vers le 15 février, les perdrix sont mises par
couples dans les parquets de reproduction. Elles sont nourries de façon
spéciale, jusqu’au moment de la ponte qui commence généralement dans les
premiers jours de mai.
Troisième période.
— Elle comprend le temps pendant lequel les perdrix
pondent, couvent leurs œufs et les font éclore. Après quarante-huit heures, on
reprend dans les parquets les parents et leurs jeunes et, après avoir
désentravé les adultes, on lâche les compagnies sur la chasse.
Quatrième période.
— Pendant cette période, il n’y a plus de distinction
entre les perdrix nées aux champs et celles qui sont nées en parquets.
Toutes sont en compagnies sur la chasse où les terres à
cette époque, étant riches d’insectes et de grains de toutes sortes, peuvent
nourrir un très grand nombre d’oiseaux.
Le cycle est alors terminé et recommence avec la capture des
perdrix sur la chasse.
On voit tout l’avantage de cette méthode de multiplication
du gibier.
Tout d’abord, si l’on a capturé suffisamment de perdrix
avant les chasses, tant pour la reproduction en parquets que pour le
repeuplement naturel, l’on peut tuer jusqu’à la dernière perdrix sans
compromettre l’avenir.
À la fermeture de la chasse, une partie des perdrix est
lâchée pour la reproduction naturelle, l’autre partie reste en parquets. Il ne
faut pas oublier qu’en hiver, la quantité de perdrix qu’une terre peut nourrir
est infiniment plus faible qu’en été.
Il y a une densité que l’on ne peut dépasser sous peine de
voir une partie des reproducteurs aller repeupler les chasses voisines.
Cependant, malgré cette limitation du nombre de reproducteurs sur la chasse, on
peut, par le moyen des compagnies nées en parquets, tripler ce nombre en été et
obtenir ainsi des chasses très vives en perdrix.
Quand cette façon de procéder sera comprise et appliquée
partout en France, il y aura de nouveau de beaux jours pour les chasseurs.
René DANNIN,
Expert en agriculture (chasse, gibier) près les Tribunaux.
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