Accueil  > Années 1940 et 1941  > N°595 Janvier 1940  > Page 29 Tous droits réservés

Théorie du yacht

Quand un bateau est mis à l’eau, il prend une position d’équilibre invariable, si aucune cause extérieure n’intervient. Le niveau de l’eau sur le pourtour de la coque détermine ce qu’on appelle la ligne de flottaison. Dans cette position, le bateau est soumis à l’action de deux forces verticales et opposées : la pesanteur, égale au poids du corps, et la poussée hydrostatique, égale au poids du liquide déplacé. Cette poussée peut être considérée comme appliquée au centre de gravité de la partie immergée. Donc, quand un bateau flotte, la poussée, c’est-à-dire le poids du volume d’eau déplacé, est égale au poids total du bateau. On appelle déplacement le poids du volume d’eau déplacé, donc, par conséquent, le poids total du bateau. Le déplacement se mesure en tonnes ou tonneaux de 1.000 kilos, unités à ne pas confondre avec les tonneaux de jauge, qui expriment un volume en mètres cubes. La hauteur du pont au-dessus de la flottaison est le franc-bord. Dans les caractéristiques des yachts, on donne généralement deux mesures du franc-bord, l’une prise à l’avant, l’autre à l’arrière. On appelle réserve de flottabilité le volume du yacht au-dessus de la flottaison.

Nous avons vu que la force qui représente la poussée est appliquée au centre de gravité du volume immergé. La force représentant le poids a son point d’application au centre de gravité de l’ensemble du bateau. Pour que ces deux forces puissent agir suivant une même verticale, il faut donc que les deux centres de gravité se trouvent eux-mêmes sur cette verticale. Si ces conditions n’étaient pas réalisées, le yacht ne serait pas dans ses lignes. La ligne de flottaison dessinée sur les plans par l’architecte ne correspondrait pas à la flottaison réelle, et les qualités du bateau en seraient compromises. C’est ce qui se produit quand un bateau a été mal calculé (fig. 1). Dans ce cas, on ne peut déplacer le centre C qui dépend des formes de carène, mais on peut déplacer le centre de gravité total G, en augmentant l’importance du lest vers l’avant ou vers l’arrière. Mais on augmente d’autant le poids total, ce qui peut nuire aux qualités de marche et de tenue à la mer. Ce que nous venons de voir pour le plan longitudinal peut également se produire dans le plan transversal.

Ainsi, le yacht à flot tend naturellement vers l’équilibre. Celui-ci est atteint lorsque le centre de poussée se trouve sur la verticale du centre de gravité général. Cette tendance que possède un bateau de se redresser lorsqu’il s’est incliné sous l’influence d’une force quelconque est ce qu’on appelle la stabilité.

Le couple formé par les deux forces est appelé couple de redressement quand sa valeur est positive, c’est-à-dire lorsque ces deux forces sont combinées pour amener le redressement du bateau. Le couple de redressement est dit négatif, quand la pesanteur et la poussée s’unissent pour faire incliner le yacht davantage et produire son renversement.

La résistance au mouvement d’oscillation longitudinal, au coup de tangage, est la stabilité longitudinale par opposition à la résistance au coup de roulis qui est la stabilité transversale.

Supposons un bateau, dans lequel le centre de gravité G est placé très haut par suite d’un poids excessif du gréement.

Quand le centre de gravité G, se trouve sur la verticale du centre de poussée C (fig. 2), il y a équilibre. Si le navire gite, c’est-à-dire s’incline sur un bord, le centre G reste toujours immobile, mais, le volume immergé ayant varié, le centre de poussée se trouve déplacé du côté de la gite en C’ (fig. 3). Le poids et la poussée forment un couple de redressement. Mais, si la gite augmente, il arrive un moment où les deux centres se trouvent sur la même verticale : les deux forces se font équilibre ; le yacht reste incliné dans une position critique (fig. 4). Si l’inclinaison augmente, le couple de redressement va devenir un couple de chavirement. L’on voit de suite le danger d’un centre de gravité trop élevé au-dessus de la flottaison (fig. 5). Le point M, de rencontre entre la verticale CP’, élevée au centre de poussée et l’axe de symétrie du navire, s’appelle le métacentre. Il y a autant de métacentres que d’inclinaisons, puisque le point C se déplace avec la gite. Donc, pour que la stabilité soit positive, c’est-à-dire pour que le bateau se redresse, il faut que le métacentre soit toujours placé au-dessus du centre de gravité. On y parvient, soit en augmentant la largeur du bateau, ce qui déporte davantage le centre de poussée sur le côté pendant la gite et élève le métacentre, soit en lestant le fond du bateau, ce qui abaisse le centre de gravité G. Dans le premier cas, on a une stabilité de forme ; dans l’autre, une stabilité de poids. Cette distinction nous amènera, dans une prochaine causerie, à la comparaison de deux bateaux extrêmes, l’un plat et large, l’autre étroit et profond.

A. PIERRE.

Le Chasseur Français N°595 Janvier 1940 Page 29