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Au jardin d’agrément

Aménagement général d’une propriété

Rendre plus agréable sa demeure a toujours été un besoin chez les peuples civilisés. Aussi, voyons-nous chacun d’eux porter ses efforts, d’abord, vers l’amélioration des conditions d’habitation, puis ensuite, vers l’organisation du prolongement de la maison : le jardin.

C’est incontestablement le jardin paysager qui répond le mieux aux exigences de la vie moderne. En dehors de quelques familles, qui gardent jalousement leurs traditions, la fortune est aujourd’hui dans les mains de ceux qui ont travaillé ou travaillent encore pour l’acquérir ou pour l’augmenter. Aussi, les grandes propriétés, à part de très rares exceptions, appartiennent-elles surtout, soit au gentilhomme qui, vivant au milieu de sa terre, la fait valoir lui-même ou sous ses yeux, soit au commerçant ou à l’industriel que ses occupations retiennent loin de Paris et qui, à la vie monotone que lui imposerait une présence continuelle près de son exploitation, préfère une vie plus agréable et surtout plus variée.

Ces façons diverses de vivre appellent, pour la propriété, des programmes d’aménagement notablement différents.

Ainsi, celui qui réside à la campagne, parce qu’il y est retenu par des nécessités industrielles, voudra trouver, dans sa demeure, tout le confort de la ville : à son parc, il demandera d’être gai et salubre en toute saison. En contrepartie, il le fera entretenir avec beaucoup de soin, comptant sur la mine inépuisable de distractions qu’il peut offrir pour rendre plus agréable l’hospitalité, parfois de longue durée, offerte à ses intimes.

Dans une telle propriété, les communs se trouveront à portée de la villa, afin que le service soit facilité. Potager, verger et jardin fruitier seront de grande étendue et traités avec un certain, luxe, de manière à offrir, en même temps que leurs produits, des champs d’observation intéressants et variés. Les écuries, l’étable, le chenil, le poulailler, le colombier seront d’accès facile, de silhouette gaie, et exigeront des conditions exceptionnelles de propreté, l’agréable devant ici être joint à l’utile.

Les plantations seront étudiées de façon à procurer de la verdure et des fleurs toute l’année. Des serres, un jardin d’hiver pourront être organisés avec avantage.

On ménagera des salles de verdure pour les jeux. Des kiosques et des abris seront habilement placés aux points de vue les plus intéressants. Les pièces d’eau, assez éloignées de l’habitation pour ne pas nuire à l’hygiène, seront empoissonnées et assez profondes, si possible, pour permettre des promenades en bateau. Un endroit écarté et bien abrité sera réservé pour le bain. Les parties boisées seront aménagées pour la chasse, aussi parfaitement que faire se pourra ...

Dans la propriété d’agrément qui ne doit être habitée que durant quelques mois, les données se simplifient, sans toutefois perdre de leur importance.

Cette propriété étant surtout faite pour le plaisir des yeux, on en étudiera tout spécialement le tracé, ainsi que les mouvements de terrain, de même que la décoration et les perspectives.

Le parc devra être relié à l’ensemble du paysage, et participer du caractère de la région au milieu de laquelle il se trouve.

Le choix du site est particulièrement important : un terrain accidenté, se rattachant aux mouvements généraux du sol du pays environnant, à la rencontre de deux vallées, est, sans contredit, la situation la plus intéressante.

L’emplacement de l’habitation sera déterminé avec le plus grand soin. On construira celle-ci sur un terre-plein, bien abrité des grands vents et dominant cependant les fonds, d’abord facile et plutôt rapproché de la route d’accès. La façade principale, tournée de préférence vers le Nord-est, sera perpendiculaire à la vue principale.

Les allées se développeront en courbes larges et continues. Elles seront de largeur proportionnée à leur importance, et leur direction générale ne devra pas laisser le promeneur hésitant sur le chemin à prendre pour se rendre à un endroit déterminé.

Les pelouses constitueront un ensemble, un mouvement général du sol, et non une série de vallonnements sans liaison aucune, comme cela arrive trop souvent, ce qui est simplement ridicule.

Les rocailles artificielles n’auront de raison d’être que dans les terrains accidentés qui en justifient l’emploi.

Les pièces d’eau seront aussi de forme en rapport avec le pays où l’on opère. En terrain accidenté, leur contour sera fort déchiqueté, tandis qu’en terrain plat, elles seront délimitées par des courbes molles et allongées.

Les carrefours d’allées seront enveloppés de verdure, afin de les dérober à la vue ; les corbeilles de fleurs, les végétaux rares et très ornementaux seront placés, soit autour de l’habitation, soit aux environs des lignes de vue.

Il ne s’agit d’ailleurs ici, ni d’imiter, ni de refaire la nature, mais seulement d’en tirer un parti judicieux, et il importe avant tout d’éviter, avec le plus grand soin, tout ce qui pourrait être en contradiction avec elle.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°595 Janvier 1940 Page 36