Deux situations différentes.
— « Il me faudrait tous les ans une dizaine de
dindes grasses et dodues pour les fêtes de fin d’année, écrit un abonné de
Seine-Inférieure, mais je ne puis mettre à leur disposition qu’un petit
enclos assez vaste. » Un correspondant de la Nièvre, mieux partagé
sous le rapport du terrain, voit beaucoup plus grand : « Je
voudrais élever des dindonneaux en grand, disposant de vastes parcours non
dommageables, bois et friches ... » L’un et l’autre demandent les
directives à suivre pour éviter la mortalité du jeune âge et la manière de
nourrir pour réaliser des bénéfices.
La conduite d’une dindonnerie, qu’elle soit petite ou
grande, ne diffère pas pendant la période de l’élevage proprement dit, c’est-à-dire
de l’éclosion à la prise du rouge, les précautions à prendre étant
absolument les mêmes. Dans tous les cas, il est instamment recommandé de
retenir les dindonneaux captifs, avec leur meneuse, car, si on les
laissait vagabonder à la pluie, à la rosée et dans les endroits dangereux, il y
aurait toujours un pourcentage élevé de mortalité.
Ce n’est que plus tard, lorsque les jeunes sont moins
vulnérables, qu’on les envoie dans les parcours où ils trouvent des insectes,
des vers, des reptiles, des graines, des fruits et des verdures, qui
constituent une partie de leur nourriture. On comprend dès lors que les
dindons, limités par la place, coûteront plus cher à nourrir que ceux pouvant
se contenter des ressources des champs, des bois et des prairies. Néanmoins,
dans toutes les situations, on peut toujours produire du dindon à bon compte,
quand on sait s’y prendre.
Un élevage modeste.
— En adoptant une race prolifique et rustique, par
exemple le dindon commun, dit noir ou de Sologne, ou
encore le dindon blanc et le dindon gris à l’exclusion des gros
mastodontes bronzés d’Amérique, on peut obtenir des sujets pesant entre
5 et 7 kilogrammes, à six ou sept mois, lorsqu’on leur a fait acquérir un
embonpoint suffisant pour qu’ils servent de garniture à un plat de marrons.
En principe, un seul mâle suffit pour six à huit femelles.
Les dindes de bonne venue, convenablement nourries, commencent à pondre de
bonne heure au printemps ; aussi peut-on entreprendre les premières
incubations au sortir de l’hiver, d’autant plus que ces femelles sont des
couveuses incomparables et qu’il est possible de leur faire tenir le nid en les
forçant à rester accroupies sur de faux œufs, pendant une couple de jours, dans
un endroit frais et un peu obscur. On peut alors leur confier leurs propres
œufs, ainsi que ceux de poule, de pintade, de cane, etc., et même leur faire
effectuer deux ou trois incubations successives.
Il n’est donc pas difficile, sans recourir aux couveuses
artificielles, dans un élevage modeste, de 7 à 8 dindes, de faire incuber les
200 œufs que l’on peut recueillir en bonne saison. En comptant 80 p. 100
de réussite à l’éclosion et en déduisant 25 p. 100 pour la mortalité du
jeune âge, on doit produire aisément 120 dindonneaux qui, vendus aux alentours
de la Noël, rapporteront la respectable somme de 15.000 francs en brut. Il va
sans dire que le bénéfice net d’une dindonnerie est surtout influencé par le
coût de la nourriture, une bonne partie de celle-ci pouvant être fournie par
les parcours riches en proies vivantes et en substances végétales.
Logement des dindons.
— Les dindons sont des gallinacés très rustiques,
craignant peu le froid. Mais ils exigent un air pur, préférant coucher dehors
que de cohabiter avec les autres volailles dans des poulaillers insalubres. L’idéal
pour les dindons est de mettre à leur disposition une remise ou un abri
rustique, exposé à l’Est et largement ventilé, comprenant un dortoir R,
pourvu de perchoirs horizontaux, pouvant recevoir les reproducteurs et leur
progéniture pendant la saison de l’élevage.
Attenant à la dindonnerie proprement dite, on aménage
en appentis un local peu éclairé S, pourvu de cases pour les couveuses. De l’autre
côté, en T, on installe des cases un peu plus spacieuses, avec parcs grillagés
pour les meneuses. C’est là que les dindonneaux viennent prendre la nourriture
qui leur est réservée, en dehors des atteintes des mères, que l’on alimente
dans les éleveuses en pâtée commune. Quand le temps le permet, on ouvre la
trappe qui communique avec les parquets extérieurs V, la mère restant
constamment à la disposition des petits pour les réchauffer.
Incubation.
— Les dindes sont cachotières de leur naturel et
cherchent à dissimuler leurs œufs. On devra donc inspecter attentivement les
pondoirs et prélever ponctuellement leurs œufs, pour les mettre en dépôt dans
un local sain, sur un lit de grain, où on les retournera tous les jours, en
attendant de les répartir sous les couveuses préparées pour l’incubation. On
confie alors, à chacune d’elles, 18 à 20 de leurs œufs.
Pendant toute la durée de l’incubation, qui dure environ
trente jours, on lèvera les couveuses à la même heure, pendant quinze à vingt
minutes, afin qu’elles se restaurent, puis on les remettra sur leur nid, qui
doit être placé sur la terre même, de manière que leurs œufs bénéficient d’une
moiteur favorable à l’évolution des embryons.
Le bêchage commencé, on ne lève plus les dindes, mais on les
soulève précautionneusement, deux fois par jour, et on en profite pour retirer
les coquilles vides, ainsi que les dindonneaux ressuyés, qui seront placés en
un local chauffé, dans une corbeille ouatée. On remet les petits à leur mère
lorsque l’éclosion est terminée, ou bien on les répartit sous une seule dinde,
pendant que la deuxième continue à couver, si on entreprend deux incubations
simultanées. La couveuse libre peut recevoir un deuxième chargement d’œufs.
Alimentation du premier âge.
— On attend vingt-quatre heures au moins avant de
donner à manger. Au lieu de distribuer des œufs durs, ainsi que l’on a l’habitude
de le faire, il vaut mieux recourir de suite à la pâtée normale composée d’un
mélange de farine d’orge (trois parties) et de verdures hachées (trois
parties), avec une partie de poudre de lait écrémé, le tout légèrement humecté
avec de l’eau. Si on a du lait écrémé frais, on le fera cailler et, après un
égouttage partiel, on le mélangera à la farine et aux verdures, aux lieu et
place de la poudre. On jette en outre quelques grains de sorgho et de
petit-blé, puis, de temps à autre, on distribue un peu de mie de pain imbibée
de vin qui joue le rôle de tonique.
Jusqu’à l’âge de deux mois et demi, tant que la crise du
rouge ne sera pas passée, on conservera le même régime, de manière à éviter
la mortalité du jeune âge qui fait le désespoir des éleveurs. Cependant, comme
la poudre de lait est assez coûteuse, on réduira le prix de revient de la
ration en mélangeant, aux sept parties de la provende précitée, deux parties de
petit son ou de remoulage et une partie de tourteau ou de farine de fèverole.
Mesures prophylactiques.
— Après la crise du rouge, les dindonneaux supportent
bien les intempéries, et ils ont besoin de prendre le large. Mais, jusque-là,
il faut éviter la pluie, le froid, la rosée, les courants d’air. On observera
en outre les mesures prophylactiques les plus rigoureuses, c’est-à-dire que l’on
nettoiera souvent les éleveuses ainsi que leurs parcs, et l’on aura soin de ne
jamais leur donner de pâtée fermentée. Celle qui aura été piétinée servira à la
mère. Enfin, de temps à autre, pour éviter les affections parasitaires,
notamment le ver fourchu, on acidulera leur eau de boisson avec 2
grammes d’acide sulfurique par litre.
Ration d’élevage.
— Lorsque les dindonneaux sont âgés de 75 jours, on
leur distribue une pâtée commune, aussi économique que possible, à base de
pommes de terre cuites, de son et de lait écrémé, en y incorporant beaucoup de
verdures hachées. Ils trouvent sur les grands parcours le complément de leur
nourriture.
À défaut de laitage et de pommes de terre, on combine une
pâtée dans le genre de la suivante :
Son et remoulage |
400 |
grammes |
ou |
4 |
kilogrammes. |
Verdures (chou, ortie, salade) |
400 |
— |
|
4 |
— |
Farine d’orge ou de maïs |
100 |
— |
|
1 |
— |
Tourteau ou fèverole |
100 |
— |
|
1 |
— |
|
———— |
|
|
———— |
|
Totaux |
1 |
kilogramme |
ou |
10 |
kilogrammes. |
Ajouter 25 grammes ou 250 grammes de minéraux,
composés surtout d’éléments phosphocalciques, pour activer la formation
du squelette. Faire deux ou trois distributions par jour, suivant les
ressources du pacage en proies vivantes et en herbe.
Ration d’engraissement.
— Aux approches du cinquième mois, lorsque les
dindonneaux ont déjà pris de la chair et que l’ossature est déjà bien
développée, on modifie progressivement la composition de la pâtée, pour
commencer leur engraissement, tout en les laissant vaguer sur leur parcours
habituel, mais en ayant soin d’éloigner les reproducteurs, pour éviter qu’ils
ne prennent de l’embonpoint.
Les dindonneaux reçoivent alors, une provende de plus en
plus riche en hydrates de carbone, ce que l’on obtient en portant la
dose de farine d’orge et de maïs à 2, puis à 3 et à 4 kilogrammes, sans
modifier la proportion des autres denrées, son, verdures et tourteau. Le
meilleur tourteau pour la prise du gras est celui de coprah, qui contient 11
p. 100 de matière grasse.
C. ARNOULD.
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