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Causerie vétérinaire

Congestion cérébrale des chevaux.

On donne le nom de congestion cérébrale, de vertige, de coup de chaleur, à des états asphyxiques qui surviennent chez des chevaux mis au travail — ou même au repos — dans une atmosphère trop chaude où l’oxygène raréfié ne suffit plus à l’hématose ou oxygénation du sang qui se trouve intoxiqué par l’accumulation ou la rétention des produits de déchets dans l’organisme.

Ces différents états, qui peuvent aller de la simple congestion du cerveau jusqu’à l’hémorragie cérébrale et l’asphyxie, qui entraîne rapidement la mort, reconnaissent tous pour causes les insolations, l’excès de travail en mode de vitesse ou d’intensité, l’entassement des animaux dans l’écurie, les transports en bateau ou en wagons surchauffés par le soleil, le manque d’abreuvement, etc.

Dans la pratique, le propriétaire se trouvera en présence d’un animal présentant tout à coup les signes d’un état grave : nonchalance, ralentissement de l’allure, tremblements, sueurs abondantes, respiration accélérée, battements du cœur précipités. Il n’aura d’ailleurs guère le temps de s’occuper de savoir s’il s’agit de congestion cérébrale, d’insolation, de coup de chaleur, etc., car les symptômes iront rapidement en empirant. L’aspect des naseaux dilatés, la difficulté respiratoire, le pouls filiforme, la coloration violacée des muqueuses apparentes, la menace d’asphyxie ou de mort foudroyante, etc., ne lui permettront pas d’établir aucune distinction entre ces diverses maladies. Il devra au plus tôt faire appeler le vétérinaire et, en l’attendant, procéder immédiatement à quelques mesures urgentes

Mesures préventives.

— Pendant les heures chaudes des journées caniculaires, il est recommandé de couper les longues heures de travail en plein soleil, notamment pendant les soins culturaux donnés à la vigne dans le Midi, par des repos fréquents, de quelques minutes, sous les arbres. Éviter les travaux pénibles ou rapides ; ne se mettre à l’ouvrage qu’un certain temps après le repas, multiplier les abreuvements ; éviter les refroidissements brusques pendant le repos, si le vent souffle violemment, en couvrant l’animal ; mesurer l’effort à l’âge, à l’entraînement des chevaux, éviter les agglomérations, les entassements dans des locaux où l’air se renouvelle mal.

Traitement curatif.

— Aux premiers signes de lassitude, de difficulté respiratoire, arrêter le travail, mettre l’animal à l’ombre dans un endroit bien aéré, lui offrir à boire, pratiquer des affusions froides sur la tête et sur tout le corps, ou même appliquer des serviettes mouillées sur le crâne, des sachets contenant de la glace pilée. Au besoin, faire une saignée abondante (5 à 7 litres) et employer les lavements et les dérivatifs.

Donner des lavements à l’eau froide, abondamment, de 8 à 10 litres, que l’on fait suivre d’une friction de moutarde faite avec un bouchon de paille sur l’encolure, le thorax, le ventre et les membres. Après cette application, on promène le malade quelques instants ; puis, le calme revenu, on le place dans une écurie vaste et éloignée de tout bruit, où il restera entièrement libre.

Certains malades sont très irritables, sensibles au moindre attouchement, au bruit, à la lumière, reculent ou tournent en cercle. Pour ces derniers, si le temps le permet, on se trouvera bien d’employer le procédé suivant, spécialement recommandé par nos confrères Darraspens et Labatut, qu’on peut appeler le procédé du tourniquet. Sur un terrain plat, on réunira les troncs de deux arbres voisins de 7 à 10 mètres, par une chaîne ; sur cette chaîne, on fera coulisser un anneau réuni au licol que porte le cheval par une corde assez tendue. Ainsi, le cheval peut tourner en cercle sans risquer de se blesser ; il restera fixé à ce moyen d’attache, nuit et jour, jusqu’à disparition des symptômes. Durant ce temps, on continuera de donner des lavements froids ainsi que des affusions de la tête au moyen de la seringue. Dès que le calme sera revenu, on rentrera le malade à l’écurie.

Le régime alimentaire doit être réduit au minimum, si l’on veut éviter une rechute. Comme boisson, on donnera des barbotages très clairs, contenant 100 grammes de sulfate de soude et 40 grammes de bicarbonate de soude, cette dose quotidienne étant continuée pendant douze à quinze jours. On ne reviendra à la ration habituelle que petit à petit et après disparition complète des symptômes.

Ajoutons enfin qu’à son arrivée, le vétérinaire pourra recourir à telle médication qui lui paraîtra nécessaire selon l’état du malade et la gravité de l’affection : aux calmants (éther, chloroforme), aux excitants des sécrétions intestinales (pilocarpine, arécoline), aux toniques du cœur (injections sous-cutanées d’huile camphrée, de caféine), etc.

La congestion cérébrale active a le plus souvent une évolution rapide ; elle se termine par la disparition progressive des symptômes et la guérison définitive, ou par des complications graves (apoplexie, hémorragie cérébrale) entraînant la mort. Parfois aussi, elle a une marche plus lente entrecoupée d’accès se répétant à des intervalles de quelques jours. Ces congestions réitérées peuvent produire des désordres tels dans le cerveau et ses enveloppes qu’il en résulte à la fin une affection très grave : l’immobilité.

Immobilité.

— L’immobilité est une maladie particulièrement observée chez les solipèdes, caractérisée par un état permanent d’assoupissement et par la difficulté ou l’impossibilité d’exécuter certains mouvements, surtout celui de reculer.

D’après la loi du 2 août 1884, modifiée par la loi du 31 juillet 1895, relative aux vices rédhibitoires, l’immobilité est réputée vice rédhibitoire chez le cheval, l’âne et le mulet, avec une durée de garantie de neuf jours francs, non compris le jour fixé pour la livraison.

Les symptômes du début peuvent être très marqués lorsque la maladie succède à une affection aiguë du cerveau, comme celles que nous avons décrites ci-dessus ; mais, le plus souvent, ils s’établissent plus lentement et deviennent d’autant plus apparents que la maladie est plus ancienne. Chez certains chevaux, les symptômes peuvent passer presque inaperçus, alors que chez d’autres ils sont tellement accusés que le cheval immobile mérite véritablement cette désignation par la fixité de ses attitudes et son indifférence aux excitations extérieures.

Ce qui frappe chez le cheval immobile, c’est une sorte de sommeil des sens. Le faciès est sans expression, les yeux sont fixes, les paupières demi-closes, les oreilles sans mouvements, pendantes ; l’animal est comme hébété, ne fait pas attention à ce qui se passe autour de lui. De temps à autre, il se réveille, mais pour peu de temps ; il est insensible aux mouches, comme au fouet ou à la voix de son maître. On peut même lui introduire un doigt dans la conque de l’oreille, toucher l’œil, sans qu’il cherche à se soustraire à ces attouchements sensibles.

Au travail, l’animal est paresseux, maladroit, butte souvent, pousse en avant ou de côté, parfois se cabre et se renverse. Le tourner est toujours difficile ; le reculer est impossible ou péniblement obtenu. À l’écurie, il mange lentement, ou parfois s’arrête et garde les aliments dans la bouche sans les mâcher ; si quelque brin de fourrage sort de la bouche, près de la commissure des lèvres, on dit que l’animal fume la pipe.

La maladie a une marche généralement très lente ; au début, les animaux peuvent être encore utilisés à un service lent, mais ils deviennent bientôt impropres à tout travail. La mort peut survenir pendant un accès de vertige, ou bien à la suite de paralysie du cerveau.

L’immobilité étant incurable lorsqu’elle est ancienne, l’animal, s’il est vieux, surtout, sera sacrifié pour la boucherie, S’il est jeune et si l’affection ne fait que débuter, on peut tenter un traitement qui n’a de chance de réussir que si la maladie est consécutive à une affection aiguë du cerveau. La saignée, les purgatifs répétés, les compresses froides appliquées sur le crâne, les douches, etc., peuvent donner des résultats satisfaisants mais provisoires, car on constate une récidive si le cheval, paraissant guéri, est nourri plus abondamment et remis au travail.

MOREL,

Médecin vétérinaire.

Le Chasseur Français N°595 Janvier 1940 Page 45