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Défense passive

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Étaiement des caves.

— Pour pouvoir être utilisé comme abri, un sous-sol ou une cave doit répondre aux conditions suivantes :

    Pouvoir résister à l’écroulement de l’immeuble ;

    Offrir des issues suffisantes ;

    Répondre à des conditions particulières de sécurité ;

    Présenter une étanchéité suffisante contre l’entrée massive des gaz ;

    Offrir certaines conditions d’habitabilité relatives au cube d’air nécessaire.

Résistance à l’écroulement de l’immeuble.

— Pour résister à la chute des matériaux provenant de l’écroulement de l’immeuble, les voûtes et les planchers hauts des sous-sols ou des caves devront pouvoir supporter une charge statique uniformément répartie de trois à cinq tonnes par mètre carré suivant que l’immeuble comporte moins ou plus de trois étages.

Si cette condition n’est pas remplie, on pourra sans grands frais augmenter la résistance des voûtes ou planchers hauts, à l’aide d’étaiements, réalisés dans les conditions indiquées par les figures accompagnant ces différents articles.

Les étaiements.

Emploi du bois.

— Les étaiements en bois sont d’un prix peu élevé, mais présentent un encombrement assez grand. Pour leur réalisation, il est conseillé d’utiliser des poutres de soutènement constituées par des madriers de 8 x 22 ou de 10 x 30, placées à un mètre d’intervalle.

Cas des plafonds à travures.

— Ces poutres seront appliquées sous le plafond à renforcer de façon à constituer, dans le cas de plafonds à travures, des supports intermédiaires pour les solives existantes.

Une rangée de rondins jointifs de 0m,12 de diamètre sera interposée entre le plafond et les poutres, en vue :

    1° D’assurer la continuité du renforcement ;

    2° De constituer une sorte de matelas élastique destinée à amortir les chocs résultant de la chute des matériaux.

Les rondins pourront être remplacés par une tôle continue — ondulée ou non — d’une épaisseur choisie à la demande.

Pour assurer un meilleur contact entre le plancher et le dispositif de renforcement, les vides existant entre les deux seront comblés par du sable ou par un matériau plastique formant bourrage.

Cas des voûtes.

— Le renforcement des voûtes est particulièrement délicat à réaliser et exige la connaissance de leurs caractéristiques spéciales — nature des matériaux, dimensions, mode d’assemblage.

D’autre part, la pose de seuls étais serait insuffisante et même dangereuse dans la plupart des cas. Il convient que la voûte soit soutenue aussi uniformément que possible sur toute sa surface.

À cet effet, la couche destinée à assurer la continuité du renforcement devra présenter une résistance propre suffisante ; en outre, le bourrage prévu plus haut devra être particulièrement soigné, de façon à reporter effectivement sur cette couche la charge de la voûte.

Dans les deux cas.

— Les poutres de soutènement seront supportées par des poteaux susceptibles de résister à la charge statique définie plus haut ; en général, on sera conduit à l’emploi de rondins de 15 à 20 de diamètre ou de pièces de bois équarris de 16 x 22 ; on peut placer l’un contre l’autre deux madriers de 8 x 22.

Il y aura lieu d’assurer un contreventement aussi soigné que possible des poteaux, en vue d’éviter leur renversement éventuel. Ces poteaux reposeront sur des semelles ; de préférence en béton, pour être isolés de l’humidité du sol. Pour éviter les risques d’incendie, les bois seront protégés contre le feu par des revêtements de maçonnerie, de plâtre, de ciment ou de matériaux isolants.

Emploi du fer.

— L’emploi du fer ou de l’acier présente des avantages incontestables, sous réserve que le métal soit protégé contre la corrosion. Il permet, en particulier, de diminuer l’encombrement du dispositif de renforcement, mais il entraîne, en général, une dépense plus élevée.

Le renforcement des caves peut être réalisé très simplement par des travures en fers profilés supportées, soit par des poteaux également en profilés, ancrés dans des semelles en béton, soit éventuellement par des piliers en maçonnerie, si les dispositions locales s’y prêtent.

Les taux de travail à admettre pour les matériaux en fer ou en acier pourront dépasser sensiblement les taux pratiqués en construction courante, tout en restant cependant inférieurs à la limite élastique ; on pourra admettre 15 à 20 kilogrammes par millimètre carré. L’emploi des aciers à forte résistance et à grand allongement de rupture est particulièrement recommandé.

En ce qui concerne la protection contre la chute de matériaux se détachant du plafond, il y aura lieu d’adopter les mêmes dispositions que dans le cas des étaiements en bois, lit de rondins ou tôle.

Choix de l’emplacement à renforcer.

— L’abri devra, autant que possible, être protégé contre les effets d’une bombe explosant après avoir pénétré dans le sol à faible distance des murs de façade.

L’explosion étant considérablement renforcée par les effets du bourrage, il est à craindre, en effet, que ces murs ne soient alors renversés. On est ainsi conduit à s’éloigner des façades et à choisir un emplacement protégé par les murs de refend.

D’autre part, il est nécessaire que ces derniers puissent résister aux mêmes charges statiques que les étaiements de l’abri ; il en résulte que ces murs devront présenter les épaisseurs minima suivantes : maçonnerie 0m,40, ou béton 0m,25 à 0m,30.

Issues.

— L’étaiement des locaux situés en sous-sol serait insuffisant, s’il n’était complété par l’aménagement d’issues.

Le plus souvent, l’accès des caves est constitué par une seule entrée, escalier ou rampe. Cette entrée devra être protégée contre les effets indirects des bombes, dans les mêmes conditions que l’abri lui-même, à l’aide de châssis, d’étais, de tôles, auvents, murs en sacs à terre, etc.

Une seconde issue devra être créée ou aménagée, dans les mêmes conditions, pour le cas où la première serait détruite. Cette issue peut être réalisée, soit par l’établissement d’une intercommunication avec le sous-sol de l’immeuble voisin, soit par une sortie en terre libre. En outre, le parcours à suivre dans le sous-sol pour se rendre de l’abri aux issues devra être soigneusement jalonné et renforcé, s’il y a lieu, pour présenter les mêmes conditions de résistance à l’écroulement de l’immeuble que l’abri.

Conditions particulières de sécurité.

Compartiments.

— Pour tenir compte de ce que la protection assurée n’est pas absolue et dans le but de délimiter les risques, les caves et sous-sol de grande capacité devront être partagés en alvéoles de contenance maximum de 30 ou 50 places suivant le nombre d’étages et le mode de la construction de l’immeuble, une alvéole sur deux restant inoccupée.

Les alvéoles seront séparées les unes des autres à l’aide de traverses de 0m,70 d’épaisseur, établies en sacs à terre, en caisses ou en tonneaux remplis de terre ou même en maçonnerie.

Canalisations.

— Il arrive souvent que de nombreuses canalisations d’eau, de gaz, d’électricité, de tout-à-l’égout, de chauffage, air comprimé, etc., traversent les sous-sols. Leur présence offrant un danger grave en cas de rupture, il faudra, autant que faire se pourra, aménager l’abri le plus loin possible de ces canalisations. En cas d’impossibilité, elles devront être entourées par des murettes en maçonnerie.

Étanchéité.

— Les abris aménagés dans les conditions indiquées ci-dessus devront, en outre, être protégées contre l’entrée massive des gaz. En conséquence, lors de leur utilisation, il ne devra exister dans le sous-sol, en dehors des issues normales prévues, aucune autre ouverture.

Les soupiraux, etc., devront pouvoir être rapidement obturés à l’aide de volets en fer ou en bois et protégés extérieurement par des murettes en sacs à terre de 1 mètre d’épaisseur, solidement maintenues en place.

Le matériel nécessaire sera ou établi à demeure ou entreposé dans l’immeuble en vue de sa mise en place rapide, le moment venu. Les fissures des murs seront aveuglées, ciment, mortier.

Les portes de l’abri seront renforcées, s’il y a lieu, et munies de verrous supplémentaires destinés à diminuer les joints après fermeture ; leur étanchéité sera utilement améliorée par la pose de rideaux, joints élastiques, ou de couvertures, etc.

Il sera établi chaque fois que possible des sas — ou antichambre — aux issues de l’abri. L’aménagement de ces sas, véritables écluses, peut être obtenu à l’aide de deux rideaux — ou de couvertures — espacés de 2 à 3 mètres et appliqués contre le chambranle.

Ces rideaux seront constamment humectés avec des solutions neutralisantes alcalines, carbonate de soude à saturation. L’un des rideaux sera appliqué contre la porte et l’autre dans le couloir ou l’escalier conduisant à l’abri. L’ouverture de ces deux rideaux ne devra jamais être simultanée.

De même, il sera utile de prévoir dans cette antichambre un pulvérisateur, type Vermorel, destiné à neutraliser, au moyen d’une solution alcaline, l’atmosphère et les parois durant l’attaque, en prévision d’une infection possible.

À défaut du temps matériel pour l’aménagement d’un sas de fortune, on devra procéder à un calfeutrage de la porte, aussi poussé que possible ; à cet effet, on utilisera les mêmes moyens que pour l’obturation des soupiraux.

Habitabilité.

— Pour une durée de séjour limitée et pour un personnel inactif abrité dans un local clos, sans renouvellement d’air appréciable, la quantité d’air nécessaire doit être évaluée à un demi-mètre cube par personne et par heure. Pratiquement, pour une durée pouvant atteindre deux ou trois heures, il est indispensable d’avoir 3 mètres cubes d’air par occupant.

Matériel de secours.

— Pour parer à toute éventualité, les caves-abris devront être pourvues d’un matériel rudimentaire. Tout d’abord des pelles, des pioches et des haches qui serviront, en cas de besoin, à ouvrir une issue en dehors ou dégager des éboulements. Une corde assez forte pour supporter le poids d’un homme et ayant une dizaine de mètres de longueur. Des arrosoirs ou des pulvérisateurs destinés à humecter les rideaux placés contre les ouvertures, une réserve de carbonate de soude qui sera mélangée à l’eau à saturation.

Une boîte de pansement avec serviettes, ouate, teinture d’iode, épingles de sûreté, buvard, chlorure de chaux en boîte étanche, perles d’éther, solution de bicarbonate de soude à 22 grammes par litre, eau de Javel, etc.

Une réserve d’eau potable — 2 litres par personne — et d’aliments placés dans des récipients à l’abri de toute contamination (boîtes métalliques étanches, bouteille type bière).

Quant à l’éclairage, il sera assuré à l’aide de lampes électriques portatives, à l’exclusion de toute source lumineuse à combustion.

Dans le cas d’étaiement en bois, prévoir des extincteurs d’incendie, un tonneau d’eau de 200 litres, une caisse de sable.

Dès l’alerte, fermer les branchements d’eau, de gaz et d’électricité.

M. DELAFOSSE,

Architecte.

(1) Voir no 594.

Le Chasseur Français N°595 Janvier 1940 Page 47