Nous avons dit dans notre précédent article que l’huile d’olive
vierge avait été déclarée le meilleur des corps gras, à la suite d’une enquête
poursuivie par la Ligue de Médecine préventive. Mais le beurre frais est
recommandé aussi par un grand nombre de médecins.
Le beurre est un aliment supérieur qui contient beaucoup de
vitamines, surtout les vitamines liposolubles de croissance A et antirachitique
D ; il permet d’ajouter instantanément à toutes les préparations, sous
forme de crème, la dose de corps gras qui doit figurer dans notre régime
quotidien. Enfin, le beurre est un des corps gras les plus faciles à digérer,
après l’huile d’olive vierge : « Étant une graisse peu consistante »,
dit le docteur de Pomiane, « il ne produit pas sur les aliments un revêtement
qui les empêche d’être attaqués par les sucs digestifs ; c’est donc de
toutes les graisses la plus digestive, non pas par elle-même, mais parce qu’elle
est celle qui empêche le moins, par sa présence, la digestion des aliments qu’elle
accompagne. »
Mais tous les beurres ne sont pas de qualité identique, et
la ménagère doit savoir le choisir. Tout d’abord, si l’on achète du beurre en
petits pains tout préparés, il faut être sûr de sa fraîcheur et pour cela aller
dans les magasins à grand débit, recevant leurs provisions quotidiennement. Les
petits pains étant enveloppés de papier sulfurisé, rien à l’extérieur ne permet
de découvrir si ce beurre est de quelques jours — ou de quelques mois !
— et ce n’est qu’en entamant le pain que l’on découvre son goût de rance.
Voilà pourquoi il est souvent préférable d’acheter le beurre au détail, pris
dans une grosse motte que les magasins de grande vente débitent dans la
journée. Ne pas se préoccuper de la coloration du beurre qui est souvent
artificielle : les substances autorisées pour lui donner la teinte
réclamée par le goût public sont toutes d’origine végétale et n’ont aucune
action sur la santé. L’essentiel, c’est que la coloration soit uniforme dans
toute la masse ; s’il y a des différences de teintes, il vaut mieux ne pas
acheter, car la motte peut être « fourrée », c’est-à-dire formée d’une
partie centrale de beurre médiocre et enveloppée d’un beurre de qualité
convenable. Bien examiner la section de la motte de beurre : elle doit
être pleine, unie, parfaitement homogène, et ne pas laisser « suinter »
des gouttelettes d’eau à la surface. Cet excès d’humidité peut provenir d’un
beurre mouillé, c’est-à-dire d’un beurre dans lequel on a incorporé, par
un savant malaxage, une dose d’eau anormale, ce qui fait payer de l’eau au prix
du beurre. Cet excès d’humidité peut aussi n’avoir rien de frauduleux, mais
peut provenir d’un beurre mal fabriqué, dont le petit-lait n’a pas été
suffisamment enlevé, ce qui nuit à sa conservation et le fait rancir plus
facilement.
Il est bon aussi de déguster le beurre : il doit avoir
une saveur fraîche, sans arrière-goût rance ou moisi, mais parfumé, rappelant
légèrement celui de la noisette bien mûre. Pour déguster le beurre, en prendre
une boulette grosse comme un pois et la placer sur la langue : elle doit
se fondre intégralement et assez vite à la température des muqueuses de la
bouche. Si elle laisse, après fusion, des particules solides adhérentes et ne
fondant qu’avec lenteur ou sous l’action de quelques mouvements de la langue,
ce beurre risque de contenir de la margarine. La dégustation permet aussi de
dépister rapidement le goût de rance.
Le beurre étant acheté, il est bon de savoir le conserver
aussi frais que possible. À cet effet, on trouve dans le commerce des beurriers
rafraîchisseurs se composant d’un récipient au fond duquel on met de la
glace pilée, et du beurrier proprement dit qui s’y enchâsse. D’autres, plus
simples, comprennent une coupe en verre que l’on coiffe d’un couvercle en terre
poreuse à double paroi ; entre les deux parois, on met de l’eau qui, en s’évaporant,
maintient le beurre dans une atmosphère fraîche. Malheureusement, si on ne
possède que de l’eau calcaire, les pores se bouchent bientôt et le beurrier
devient inopérant, l’évaporation n’étant pas assez rapide : on remédie à
cet inconvénient en nettoyant le couvercle avec de l’eau acidulée, soit par
quelques gouttes d’acide chlorhydrique, soit simplement de vinaigre : on
voit une effervescence due à la décomposition du calcaire qui bouchait les
pores ; lorsque l’effervescence est finie, on rince bien, avec de l’eau de
pluie ou décalcarisée de préférence, on remplit d’eau et on recommence chaque
fois qu’on s’aperçoit que la terre poreuse cesse de « suinter ».
Plus simplement, on peut très bien conserver le beurre
pendant plusieurs jours de la façon suivante : on le tasse, avec le
couteau, dans un récipient un peu plus grand que le morceau de beurre à
conserver (un bol, par exemple). On le recouvre ensuite d’une couche d’eau. Au
moment de prendre du beurre, on jette l’eau, on égoutte bien le beurre ;
après usage, on recouvre ce qui reste d’une nouvelle couche d’eau.
Le beurre se conserve parfaitement, dans une glacière ou un
appareil frigorifique.
Le sel permet aussi la conservation du beurre : mais le
beurre salé ne peut plus être employé comme beurre de table.
Pour saler le beurre, on emploie du sel fin, sec et pur :
une bonne proportion est 5 p. 100. On sale le beurre au moment de la
grande production, lorsque les prix sont bas et que provenant de vaches au pré,
il réunit les meilleures qualités. On étale le beurre, par petites quantités,
sur une planche préalablement ébouillantée, on saupoudre de sel, on pétrit en
se servant de spatules de bois préalablement ébouillantées. Le sel fait sortir
le petit-lait retenu par le beurre, et il se forme une saumure qu’on laisse
écouler. On met ensuite le beurre dans des pots de grès, pas trop grands,
préalablement bien nettoyés avec une solution de cristaux de soude d’abord,
avec de l’eau bouillante ensuite ; au moment d’empoter le beurre, on rince
le pot à l’eau très salée, on le frotte intérieurement avec du sel ; puis
on presse fortement le beurre en le disposant en couches minces, afin d’éviter
tout vide ; on recouvre ensuite d’une couche d’eau salée à 20 p. 100
(préalablement bouillie), qu’il est bon de renouveler tous les quinze jours ou
au moins tous les mois.
Le beurre salé peut se conserver plusieurs mois, et dans
toutes les préparations culinaires il peut remplacer le beurre frais. Quand on
entame le pot, on prend soin d’enlever le beurre par tranches horizontales, de
façon que la surface reste toujours entièrement recouverte de saumure.
On peut aussi conserver le beurre en le faisant fondre. Mais
le beurre fondu est moins digestible que le beurre cru, même salé.
A. PEYREFITTE.
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