Accueil  > Années 1940 et 1941  > N°596 Février 1940  > Page 98 Tous droits réservés

Au jardin fruitier

Fumure des arbres fruitiers

Un grand nombre de personnes, parmi lesquelles se trouvent même des professionnels, négligent, de façon à peu près constante, de fumer leurs arbres fruitiers. À les entendre, il semblerait que l’arbre a le don de trouver, dans le sol, en quantités toujours suffisantes, les substances nécessaires à sa nutrition.

C’est là, on ne saurait trop le répéter, une grave erreur. Comme toutes les plantes, plus que beaucoup d’entre elles même, les arbres fruitiers ont des besoins auxquels le terrain dans lequel ils se développent est bien rarement en état de faire face.

Certains agronomes distingués ont tenté de longues et difficiles expériences pour se rendre compte des quantités des divers éléments fertilisants prélevées sur un sol par un arbre, pour y fructifier et s’y développer normalement.

Ils ont pu se rendre compte que celles ci varient de façon assez notable avec l’âge et la nature de l’arbre.

Au début de son développement, alors qu’il forme sa charpente, celui-ci réclame proportionnellement plus d’azote, cet élément étant celui de la pousse en feuilles. Comme conséquence, il demande moins d’acide phosphorique et de potasse.

Lorsqu’il avance en âge et donne, chaque année, des récoltes de fruits, il demande, au contraire, beaucoup d’acide phosphorique et de potasse. Mais il prélève encore une certaine quantité d’azote nécessaire pour entretenir la végétation modérée sans laquelle, fructifiant de façon exagérée, il s’épuiserait en quelques années et mourrait prématurément.

Il s’ensuit que la fumure des arbres doit varier assez sensiblement suivant leur âge et leur état de développement.

Elle doit d’ailleurs se modifier aussi selon la nature du terrain. Toutes les terres, en effet, n’ont pas la même composition et certaines sont plus riches que d’autres en divers principes nutritifs.

C’est ainsi que les sols argileux sont riches en potasse et que, dans ces sols, on a moins besoin de se préoccuper d’apporter cet élément dans les fumures ; que les terres calcaires contiennent beaucoup de chaux, souvent beaucoup trop pour certaines essences, et qu’on devrait plutôt se préoccuper d’en retirer que d’en apporter ; que les sols tourbeux sont riches en azote, mais dépourvus de chaux ; que les terres calcaires ou siliceuses sont pauvres en azote et en potasse, tandis que l’acide phosphorique fait à peu près défaut dans tous les terrains.

L’emploi exclusif du fumier ne permet pas d’adapter la fumure au terrain. Outre que le fumier, produit sur une exploitation quelconque, est le reflet du sol de celle-ci, c’est-à-dire manque lui-même des principes fertilisants dont le sol est dépourvu, ce fumier a une composition complexe et apporte, à la fois, dans des proportions déterminées, tous les éléments fertilisants. On ne saurait donc augmenter la quantité de l’un de ces éléments, sans augmenter parallèlement celle de tous les autres.

Aussi, faut-il recourir, en complément du fumier, aux engrais chimiques pour établir une fumure bien équilibrée et adaptée aux besoins de l’arbre.

L’enrichissement, en principes fertilisants, du terrain consacré à une plantation fruitière comprend la fumure de début ou fumure de fond, que l’on applique lors du défoncement du sol qui doit précéder cette plantation, et dont l’action se fera sentir pendant une période aussi longue que possible, et les fumures d’entretien, données à intervalles plus ou moins réguliers et destinées à maintenir les arbres en bon état de fertilité.

La fumure de fond s’effectue sur toute la surface, lorsque, devant planter les arbres à intervalles rapprochés, on défonce toute cette surface. Elle se fait par mélange des engrais à la terre remise au fond des trous, avant de planter, lorsque le défoncement se fait par trous.

Les engrais qui conviennent le mieux pour la fumure de fond sont les suivants :

    1° Engrais susceptibles de fournir de l’azote, mais dont l’effet sera lent et progressif : copeaux de corne, déchets de laine, tourteaux de graines oléagineuses, poils, plumes, fumier de ferme, de bêtes à cornes de préférence ;

    2° Engrais susceptibles de créer une réserve d’acide phosphorique, surtout scories de déphosphoration ;

    3° Engrais susceptibles de fournir de la potasse, soit chlorure de potassium quand on défonce toute la surface à planter, soit mieux sulfate de potasse quand on fait des trous.

Les quantités moyennes sont, pour un are, lorsqu’on fume toute la surface :

1.000 kilogrammes de fumier,
10 = de corne en copeaux,
15 à 20 = de scories de déphosphoration,
7 à 8 = de chlorure de potassium.

Quand la fumure se fait par trous, il faut compter mettre, pour un trou d’arbre de verger de 1m,20 X 1m,20 :

15 à 20 kilogrammes de fumier,
2 = de corne en copeaux,
4 à 5 = de scories de déphosphoration,
0,6 à 0,8 = de sulfate de potasse,

engrais de potasse moins susceptible que le chlorure de provoquer des brûlures sur les racines.

De toute façon, le fumier et les engrais, dans la plantation par trou, ne devront jamais se trouver au contact direct des racines. Celles-ci seront donc enrobées de terre meuble complètement exempte d’engrais.

Les fumures d’entretien jouent également un grand rôle pour le maintien des arbres en bon état de fertilité et de végétation. Elles permettent de restituer au sol, au fur et à mesure que les récoltes de fruits les lui enlèvent, les éléments nécessaires, pour éviter un appauvrissement dont les conséquences pourraient être fâcheuses.

Les meilleures fumures d’entretien sont celles qu’on réalise en faisant alterner l’application de fumier ou d’engrais organiques avec l’apport d’engrais complémentaires.

Le fumier, en se décomposant, fournit l’humus, qui maintient la fraîcheur du terrain. On peut se contenter d’en mettre une fois tous les trois ans environ, de préférence à l’automne. Il est épandu sur le sol et enterré, si possible, par un labour à la fourche-bêche.

Quant aux engrais complémentaires, l’époque d’application en varie selon la nature de ces engrais. La dose varie également selon la vigueur des arbres. On admet, comme dose moyenne, la suivante, par mètre carré de surface couverte par le branchage :

Superphosphate de chaux 50 à 60 grammes.
Chlorure de potassium 15 à 20
Sulfate d’ammoniaque 15 à 20

Le superphosphate de chaux et le chlorure de potassium sont répandus sur le sol de novembre à février, et enfouis par un labour à la fourche-bêche ou un griffage. Le sulfate d’ammoniaque est plutôt employé au printemps et enterré, légèrement. On le remplace parfois par du nitrate de soude, simplement épandu sur le sol en couverture. On peut aussi remplacer ces engrais simples par les engrais composés du commerce.

Beaucoup de bons arboriculteurs répartissent sur trois années l’application de la fumure d’entretien. Voici comment ils règlent cette répartition :

1ère année, à l’automne Fumier ou engrais organiques,
2e année, à l’automne Superphosphate et chlorure de potassium,
3e année, au printemps Sulfate d’ammoniaque ou nitrate de soude.

Si les arbres sont vigoureux et peu enclins à fructifier, les doses de sulfate d’ammoniaque ou de nitrate de soude sont considérablement diminuées. Elles peuvent même être supprimées momentanément.

Au contraire, si les arbres manquent de vigueur et sont couverts de boutons à fruits, il est indispensable de chercher à augmenter la végétation et de fournir, pour cela, davantage de sulfate d’ammoniaque ou de nitrate de soude. On obtiendra un résultat identique par des arrosages à la vidange ou au purin, coupés de moitié eau, appliqués, dans le courant de février, dans une sorte de bassin pratiqué au pied de l’arbre et que l’on bouche immédiatement après.

E. DELPLACE,

Professeur d’Arboriculture.

Le Chasseur Français N°596 Février 1940 Page 98