Un grand nombre de personnes, parmi lesquelles se trouvent
même des professionnels, négligent, de façon à peu près constante, de fumer
leurs arbres fruitiers. À les entendre, il semblerait que l’arbre a le don de
trouver, dans le sol, en quantités toujours suffisantes, les substances
nécessaires à sa nutrition.
C’est là, on ne saurait trop le répéter, une grave erreur.
Comme toutes les plantes, plus que beaucoup d’entre elles même, les arbres
fruitiers ont des besoins auxquels le terrain dans lequel ils se développent
est bien rarement en état de faire face.
Certains agronomes distingués ont tenté de longues et
difficiles expériences pour se rendre compte des quantités des divers éléments
fertilisants prélevées sur un sol par un arbre, pour y fructifier et s’y
développer normalement.
Ils ont pu se rendre compte que celles ci varient de façon
assez notable avec l’âge et la nature de l’arbre.
Au début de son développement, alors qu’il forme sa
charpente, celui-ci réclame proportionnellement plus d’azote, cet élément étant
celui de la pousse en feuilles. Comme conséquence, il demande moins d’acide
phosphorique et de potasse.
Lorsqu’il avance en âge et donne, chaque année, des récoltes
de fruits, il demande, au contraire, beaucoup d’acide phosphorique et de potasse.
Mais il prélève encore une certaine quantité d’azote nécessaire pour entretenir
la végétation modérée sans laquelle, fructifiant de façon exagérée, il
s’épuiserait en quelques années et mourrait prématurément.
Il s’ensuit que la fumure des arbres doit varier assez
sensiblement suivant leur âge et leur état de développement.
Elle doit d’ailleurs se modifier aussi selon la nature du
terrain. Toutes les terres, en effet, n’ont pas la même composition et
certaines sont plus riches que d’autres en divers principes nutritifs.
C’est ainsi que les sols argileux sont riches en potasse
et que, dans ces sols, on a moins besoin de se préoccuper d’apporter cet
élément dans les fumures ; que les terres calcaires contiennent beaucoup
de chaux, souvent beaucoup trop pour certaines essences, et qu’on
devrait plutôt se préoccuper d’en retirer que d’en apporter ; que les sols
tourbeux sont riches en azote, mais dépourvus de chaux ; que les terres
calcaires ou siliceuses sont pauvres en azote et en potasse,
tandis que l’acide phosphorique fait à peu près défaut dans tous les
terrains.
L’emploi exclusif du fumier ne permet pas d’adapter la
fumure au terrain. Outre que le fumier, produit sur une exploitation
quelconque, est le reflet du sol de celle-ci, c’est-à-dire manque lui-même
des principes fertilisants dont le sol est dépourvu, ce fumier a une
composition complexe et apporte, à la fois, dans des proportions déterminées,
tous les éléments fertilisants. On ne saurait donc augmenter la quantité de
l’un de ces éléments, sans augmenter parallèlement celle de tous les autres.
Aussi, faut-il recourir, en complément du fumier, aux
engrais chimiques pour établir une fumure bien équilibrée et adaptée aux
besoins de l’arbre.
L’enrichissement, en principes fertilisants, du terrain
consacré à une plantation fruitière comprend la fumure de début ou fumure de
fond, que l’on applique lors du défoncement du sol qui doit précéder cette
plantation, et dont l’action se fera sentir pendant une période aussi longue
que possible, et les fumures d’entretien, données à intervalles plus ou
moins réguliers et destinées à maintenir les arbres en bon état de fertilité.
La fumure de fond s’effectue sur toute la surface, lorsque,
devant planter les arbres à intervalles rapprochés, on défonce toute cette surface.
Elle se fait par mélange des engrais à la terre remise au fond des trous, avant
de planter, lorsque le défoncement se fait par trous.
Les engrais qui conviennent le mieux pour la fumure de fond
sont les suivants :
1° Engrais susceptibles de fournir de l’azote, mais
dont l’effet sera lent et progressif : copeaux de corne, déchets de laine,
tourteaux de graines oléagineuses, poils, plumes, fumier de ferme, de bêtes à
cornes de préférence ;
2° Engrais susceptibles de créer une réserve d’acide
phosphorique, surtout scories de déphosphoration ;
3° Engrais susceptibles de fournir de la potasse,
soit chlorure de potassium quand on défonce toute la surface à planter, soit
mieux sulfate de potasse quand on fait des trous.
Les quantités moyennes sont, pour un are, lorsqu’on fume
toute la surface :
1.000 |
kilogrammes |
de fumier, |
10 |
= |
de corne en copeaux, |
15 à 20 |
= |
de scories de déphosphoration, |
7 à 8 |
= |
de chlorure de potassium. |
Quand la fumure se fait par trous, il faut compter mettre, pour
un trou d’arbre de verger de 1m,20 X 1m,20 :
15 à 20 |
kilogrammes |
de fumier, |
2 |
= |
de corne en copeaux, |
4 à 5 |
= |
de scories de déphosphoration, |
0,6 à 0,8 |
= |
de sulfate de potasse, |
engrais de potasse moins susceptible que le chlorure de
provoquer des brûlures sur les racines.
De toute façon, le fumier et les engrais, dans la plantation
par trou, ne devront jamais se trouver au contact direct des racines. Celles-ci
seront donc enrobées de terre meuble complètement exempte d’engrais.
Les fumures d’entretien jouent également un grand rôle pour
le maintien des arbres en bon état de fertilité et de végétation. Elles
permettent de restituer au sol, au fur et à mesure que les récoltes de fruits
les lui enlèvent, les éléments nécessaires, pour éviter un appauvrissement dont
les conséquences pourraient être fâcheuses.
Les meilleures fumures d’entretien sont celles qu’on réalise
en faisant alterner l’application de fumier ou d’engrais organiques avec
l’apport d’engrais complémentaires.
Le fumier, en se décomposant, fournit l’humus, qui
maintient la fraîcheur du terrain. On peut se contenter d’en mettre une fois
tous les trois ans environ, de préférence à l’automne. Il est épandu sur le sol
et enterré, si possible, par un labour à la fourche-bêche.
Quant aux engrais complémentaires, l’époque d’application en
varie selon la nature de ces engrais. La dose varie également selon la vigueur
des arbres. On admet, comme dose moyenne, la suivante, par mètre carré de
surface couverte par le branchage :
Superphosphate de chaux |
50 à 60 |
grammes. |
Chlorure de potassium |
15 à 20 |
— |
Sulfate d’ammoniaque |
15 à 20 |
— |
Le superphosphate de chaux et le chlorure de potassium sont
répandus sur le sol de novembre à février, et enfouis par un labour à la
fourche-bêche ou un griffage. Le sulfate d’ammoniaque est plutôt employé au
printemps et enterré, légèrement. On le remplace parfois par du nitrate de
soude, simplement épandu sur le sol en couverture. On peut aussi remplacer ces
engrais simples par les engrais composés du commerce.
Beaucoup de bons arboriculteurs répartissent sur trois
années l’application de la fumure d’entretien. Voici comment ils règlent cette
répartition :
1ère année, |
à l’automne |
Fumier ou engrais organiques, |
2e année, |
à l’automne |
Superphosphate et chlorure de potassium, |
3e année, |
au printemps |
Sulfate d’ammoniaque ou nitrate de soude. |
Si les arbres sont vigoureux et peu enclins à fructifier,
les doses de sulfate d’ammoniaque ou de nitrate de soude sont considérablement
diminuées. Elles peuvent même être supprimées momentanément.
Au contraire, si les arbres manquent de vigueur et sont
couverts de boutons à fruits, il est indispensable de chercher à augmenter la
végétation et de fournir, pour cela, davantage de sulfate d’ammoniaque ou de
nitrate de soude. On obtiendra un résultat identique par des arrosages à la
vidange ou au purin, coupés de moitié eau, appliqués, dans le courant de
février, dans une sorte de bassin pratiqué au pied de l’arbre et que l’on
bouche immédiatement après.
E. DELPLACE,
Professeur d’Arboriculture.
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