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Œnologie

Récupération des produits tartriques.

Dans notre précédente causerie, nous nous étions occupés de l’extraction du bitartrate de potasse par les acides sulfurique ou chlorhydrique. Il nous reste à dire quelques mots de l’extraction par les alcalis et par l’acide sulfureux.

Extraction par les alcalis.

— Disons de suite que cette méthode n’est pas utilisée en France. On emploie le carbonate de soude qui décompose le bitartrate de potasse : il y a dégagement de gaz carbonique et formation de tartrate double de sodium et de potassium. Ce sel est soluble dans l’eau et, en traitant une telle dissolution par l’acide chlorhydrique, on obtient du bitartrate de potassium qui précipite si on a eu soin de partir d’une solution concentrée de tartrate double de sodium et de potassium.

Les eaux mères, après cette opération, renferment encore du tartrate de sodium que l’on peut récupérer en les traitant par le carbonate de chaux ; on obtient ainsi du tartrate de chaux.

Extraction par l’anhydride sulfureux.

— Le principe de cette méthode est le suivant :

Si l’on met au contact de l’anhydride sulfureux, bitartrate de potasse ou tartrate de chaux, ces sels sont décomposés et il y a formation d’acide tartrique libre.

Bisulfite de potasse, sulfite de calcium et acide tartrique sont solubles et, par conséquent, enlevés au marc. Dans cette solution complexe, on retire l’anhydride sulfureux et il y aura de nouveau formation de bitartrate de potasse et de tartrate de chaux. Ce liquide chauffé laisse déposer le tartrate de chaux insoluble, tandis qu’il conserve le bitartrate de potasse soluble (à chaud). Une fois cette séparation faite, on laisse refroidir la solution de crème de tartre et ce sel cristallise en majeure partie. Le sel ainsi obtenu est d’une grande pureté.

Cette cristallisation, d’ailleurs, présente certaines difficultés. La solution chaude et saturée doit tout d’abord être grossièrement filtrée pour en séparer les impuretés : débris de pellicule, pépins, rafle et matières pectiques. Cette filtration doit être faite rapidement et sans abaissement de température pour maintenir la solubilité de la crème de tartre et éviter la formation de cristaux.

Les liquides ainsi obtenus et assez clairs sont envoyés dans des cuves de cristallisation logées dans des locaux où la température plutôt basse est constante. La décantation du liquide, après dépôt des cristaux, se fait au bout de deux ou trois jours.

Si on a laissé la masse au repos complet pendant toute la durée de cristallisation et si l’abaissement de température a été lent, on obtient de gros cristaux. Si, au contraire, le refroidissement a été brusque et si la masse a été agitée au début de la cristallisation, on obtiendra de petits cristaux préférés par les industriels.

Cette différence dans la cristallisation vient de ce que, dans le premier cas, les centres de cristallisation sont peu nombreux et qu’ils grossissent en attirant à eux de nouvelles matières. Au contraire, dans le second cas, le nombre de centres de cristallisation est élevé, et la matière se répartit sur tous ces centres.

La cristallisation peut se faire d’elle-même ; néanmoins on a intérêt à la favoriser en plaçant dans la masse des branchages sans feuilles ou des cordes. Cette dernière méthode n’est pas à préconiser, car la corde s’imprègne de cristaux qu’il est difficile de séparer. De plus, il y a souvent dans la trame même des germes de fermentation et moisissures.

Nous avons vu précédemment que les eaux mères renfermaient, après la cristallisation, un peu de crème de tartre en solution, environ 2gr,50 par litre à 0° de température. Aussi, les utilise-t-on à de nouvelles opérations, jusqu’au moment où l’abondance de matières pectiques les rend impropres à cette utilisation. On peut alors récupérer le bi-tartrate en ajoutant un lait de chaux. On obtient ainsi du tartrate de chaux qui précipite. Si on attend un certain temps avant de pratiquer cette récupération, on a intérêt, pour éviter toute altération, de les bisulfiter par addition de métabisulfite de potasse, et d’une quantité d’acide chlorhydrique correspondant exactement à la potasse du métabisulfite, dans le but d’empêcher la formation de tartrate neutre de potasse très soluble.

Extraction de l’acide tartrique des vinasses.

— On nomme vinasses, les résidus de la distillation des vins et des piquettes. Leur richesse en produits tartriques dépend de la richesse du vin, du cépage, de la durée du cuvage, etc.

L’acide tartrique se trouve dans les vinasses sous trois formes (comme dans le vin) :

    À l’état libre ;
    Sous forme de bitartrate de potasse (le plus important) ;
    Sous forme de tartrate de calcium.

Notons enfin, en passant, que les vinasses sont relativement riches en matières fertilisantes (azote et acide phosphorique) et qu’en les traitant par la chaux vive pour neutraliser leur acidité, on obtient une matière dont la valeur fertilisante n’est pas à dédaigner.

Principe de l’extraction.

— Quand on ajoute de la chaux à une solution de bitartrate de potasse, il se produit une double décomposition donnant du tartrate de potasse et du tartrate de chaux :

Le tartrate de chaux insoluble précipite, tandis que le tartrate de potassium soluble reste dans le liquide. On traite cette solution par du chlorure de calcium (soluble). Il y a formation de tartrate de chaux insoluble et de chlorure de potassium soluble. On a ainsi récupéré tous les produits tartriques.

Les renseignements que nous venons de donner constituent un simple aperçu théorique. Par ailleurs, il sera impossible de récupérer la totalité de l’acide tartrique que renferme la vinasse, car, au cours du traitement, il y aura des pertes, soit dues aux impuretés qui retardent la précipitation du tartrate de chaux, soit à la solubilité de ce sel qui, quoique très faible, atteint un gramme par litre aux environs de 50 degrés de température. Ces pertes peuvent, suivant les cas, atteindre 15 à 25 p. 100.

H. PAU,

Ingénieur agricole M. Professeur d’agriculture, Expert près des tribunaux.

(1) Voir no 595.

Le Chasseur Français N°596 Février 1940 Page 104