Encore les poules « poussivores »
— C’est maintenant le tour d’un abonné de
Saône-et-Loire de signaler un nouveau cas de cannibalisme qui pourrait bien
avoir un certain rapport avec celui signalé par Mme Larré en septembre dernier.
« Ayant trouvé cassés la plupart des œufs de deux
poules mises à couver dans une écurie désaffectée, après avoir suspecté les
rats d’être la cause initiale du méfait, j’ai remis trois couveuses sur des
œufs, me promettant de les surveiller de près. Jusqu’au vingtième jour, rien de
particulier; mais aux premiers bêchages, je trouve des poussins décapités sans
pitié. Puis les autres subissent le même sort et je n’ai pas pu en sauver un
seul : il n’est resté que les squelettes. Ayant remis en liberté mes poules,
maigres et anémiées, une seule a survécu. Quelle est la cause de ce carnage
inexplicable ? Seraient-ce les fourmis ? En examinant les nids, j’en
ai vu des quantités venant du dehors. Je dois ajouter qu’il y a aussi de
petites bêtes grouillantes qui ressemblent à des poux. »
Comment expliquer la dépravation sanguinaire des couveuses
de M. D. R., et pourquoi s’acharnent-elles ainsi après leurs poussins
au sortir de l’œuf ? On pourrait, à ce sujet, émettre trois hypothèses ;
mais je crois que, après avoir innocenté les rats, on ne peut guère suspecter
que les fourmis et la vermine habituelle des poulaillers. C’est déjà bien
assez.
Mais les fourmis indigènes sont-elles capables de sucer le
sang des couveuses pendant une incubation, dont la durée est de vingt-et-un
jours, au point de les anémier jusqu’à ce qu’elles en crèvent ? Cela est
bien improbable, parce que jamais signalé, du moins sous notre climat tempéré.
Alors, il ne reste plus en présence que les dermanysses (poux des
poulaillers), les menopons, lipeurus et goniocotes (poux
du corps et les argas). Tous ces malfaisants parasites ont-ils pu
déprimer les poules, les tourmenter et leur communiquer une fringale de chair
et de sang frais qui les incite à dévorer leur progéniture au sortir de
l’œuf ? Il s’agit d’un cas exceptionnel, mais qui a déjà été
constaté : les morsures des parasites multipliées, et leurs succions sur
l’épiderme enflammé d’une couveuse, de plus en plus inquiète, l’exaspèrent au
point de lui faire perdre ses instincts maternels, et la poussent à se
rafraîchir, intérieurement et extérieurement, en sacrifiant ses malheureux
poussins.
M’est avis que M. D. R. devra d’abord débarrasser
ses volailles de leurs poux de corps, en les immergeant successivement dans un
bain de Barèges tiède ; puis il détruira tous les parasites du poulailler
en appliquant l’une ou l’autre des méthodes décrites à la suite, en réponse à
un autre correspondant du Rhône.
Désinfection des poulaillers.
— « Quelles sont les mesures à prendre pour
empêcher les parasites et les microbes d’infester et d’infecter mon poulailler,
en le rendant improductif ou déficitaire ? »
Procurez-vous un pulvérisateur quelconque de jardin et,
après un nettoyage complet des locaux, aspergez partout, sur les cloisons, le
sol, les perchoirs, les pondoirs, etc., une solution antiseptique au
choix : eau vitriolée à 2 p. 100, eau formolisée à 3 p. 100, eau
crésylée à 4 p. 100, eau javellisée à 5 p. 100, eau de chaux à 20 p. 100,
etc.
L’eau vitriolée se prépare en versant lentement 20 grammes
d’acide sulfurique par litre d’eau, en ayant soin de ne jamais faire le
contraire, à cause des risques de projection qui résulteraient de la chute de
l’eau dans l’acide. Pour confectionner le lait de chaux, on verse de l’eau sur
de la chaux en pierre, pour l’éteindre, puis on délaie la pâte obtenue, à
raison de 200 grammes par litre d’eau. On passe le lait au tamis, pour retenir
les grumeaux, et l’on applique sans plus tarder. À défaut de pulvérisateur, on
se sert d’un pinceau à badigeon.
Il y a d’autres modes de destruction plus efficaces,
notamment les pulvérisations d’essence minérale et le soufrage ; mais ce
sont des produits dangereux à manipuler et d’une application difficile dans
certains cas. Les solutions antiseptiques précitées suffisent généralement, à
condition d’y avoir recours assez souvent, plus particulièrement pendant la
période des chaleurs. Contre les argas (punaises), c’est l’essence qui
réussit le mieux.
Pigeons X ramiers.
— M. Chadel Roland, à Boutigny (Seine-et-Oise), a bien
voulu me faire part de ses essais colombophiles, entrepris dans un but
philanthropique. En voici le résumé :
« Un pigeon gros Hale blanc, âgé de deux ans,
accouplé depuis trois mois avec une femelle Ramier, âgée d’un an, née en cage,
ont donné deux couvées d’œufs clairs, suivies d’une troisième couvée d’œufs
fécondés, qui ont fourni un sujet très vivace, avec plumes blanches colorées du
ton ramier au pourtour de la tête et à l’extrémité des ailes. L’autre
pigeonneau, estropié, n’a pu se libérer de sa coquille. Le couple est logé dans
une grande volière confortable, complantée d’un grand laurier.
Comme nourriture il reçoit : maïs, blé, riz, pois jarras.
Mon but est de créer en liberté une race de voyageurs très vivaces, en
l’améliorant par des infusions de sang ramier, afin d’avoir des sujets très
endurants, sobres et rapides. »
Tout en remerciant M. Chadel des marques de confiance
qu’il me témoigne, en me faisant part de son projet, au début de sa
réalisation, je dois signaler les nombreux échos, publiés aux « Lettres de
mon perchoir » dans le cours des années écoulées. Là se trouvent
mentionnés les échecs, subis par plusieurs correspondants, qui ont bien voulu
me tenir au courant des croisements entrepris par eux, dans le but d’augmenter
la puissance du vol de nos pigeons domestiques.
En réalité, si de nombreux obtenteurs sont parvenus à
« fabriquer » des métis de première génération. Pigeon Palombe
ou Ramier Pigeonne, aucun d’eux n’a pu réaliser des métis de deuxième
génération, issus de l’accouplement des soi-disant métis. D’où l’on conclut que
les fameux métis ne seraient que de vulgaires hybrides inféconds, tout
comme le sont les canards mulards, les gallo-pintades, les ovi-chèvres, les
mulets, les bardots, etc.
Les aliments de substitution.
— Un abonné de Pointe-Noire (A. E. F.) écrit
en raccourci :
« J’ai lu avec intérêt votre ouvrage Les Poules.
Malheureusement, les denrées que vous préconisez pour l’alimentation des poules
ne concordent pas avec celles dont nous disposons ici. Je désirerais que vous
indiquiez quelques bonnes formules de pâtée, pour élèves et poules pondeuses,
en choisissant sur la liste des aliments ci-après, que l’on peut se procurer à
un prix abordable : riz paddy et riz décortiqué, mil, manioc doux, maïs,
arachide, banane, huile de palme, os calcinés, coquilles d’huîtres, sel gris,
charbon de bois, sulfate de fer, chaux, laitue, déchets de légumes. »
Toutes les denrées mentionnées peuvent entrer dans
l’alimentation des volailles. Cependant, il convient de faire quelques réserves
sur l’emploi de la graine d’arachide et de l’huile de palme, dont la richesse
élevée en corps gras ne permet pas de les faire entrer à haute dose dans la
nourriture habituelle des poules, qui exigent une ration riche en protéine. Il
est beaucoup préférable d’utiliser les tourteaux d’arachide et de palmiste.
Quant à la banane, qui contient environ 15 p. 100 de sucres divers
(saccharose et glucose), elle ne serait pas bien appétée, si on forçait un peu
trop la dose. Le mieux serait de la transformer au préalable en farine, pour la
mélanger aux autres aliments.
Ci-après un modèle de ration qui conviendrait assez à des
poules et à de jeunes volailles en liberté dans une clairière de forêt
équatoriale, où elles peuvent trouver en abondance des proies vivantes, pendant
une bonne partie de l’année :
Riz paddy |
20 |
parties en poids. |
Mil |
15 |
— |
Maïs |
15 |
— |
Manioc |
15 |
— |
Tourteau (arachide ou palmiste) |
15 |
— |
Farine de banane |
15 |
— |
Minéraux composés |
05 |
— |
Passer le tout dans un moulin à marteaux, ou dans un
broyeur, pour avoir une provende divisée et bien mélangée. Donner, le soir, un
petit repas de grains (maïs, mil et paddy) et ne pas oublier les verdures. Si
celles-ci font défaut, distribuer du maïs germé à la place.
La ponte d’hiver.
— « Comment expliquez-vous que ma voisine
récolte des œufs tout l’hiver, tandis que mes poules et mes poulettes ne
pondent pas ? »
Plusieurs facteurs influent sur la ponte d’hiver : les
procédés d’élevage, la nourriture, la race, les soins et le logement. Il suffit
que l’un des facteurs soit négligé pour que les poules fassent la grève du
ventre, « sur le tas ».
Tout d’abord, il faut que, à l’arrivée des froids, les
poules soient suffisamment développées ou étoffées pour pouvoir satisfaire à la
fois aux exigences de la ponte et soutenir les déperditions de calorique dans
l’ambiance, et l’on ne perdra pas de vue que l’alimentation contribue pour une
bonne part à assurer le bon fonctionnement de la grappe ovarienne, à condition
que la ponte puisse se déclencher, physiologiquement parlant. Mais cela n’est
possible qu’avec les sujets nés de bonne heure, en tenant compte qu’il y a des
races plus précoces que d’autres.
Cela ne suffit pas encore, car on ne peut faire
pondre des poulettes et des poules n’ayant pas terminé leur mue, même si on les
nourrit copieusement avec des rations équilibrées en protéine, en hydrates de
carbone et en principes minéraux. Ces volailles seront toujours avares de leurs
œufs, si elles sont mal logées. Ceci ne concerne pas seulement le poulailler,
qui doit être sain, hygiénique, bien installé, protégé par des cloisons
épaisses, et une couverture isolée par un plafond ; il faut en outre lui
annexer des abris rustiques, établis en coupe-vent, avec une couverture épaisse
en paille, genêts, fougères, etc., sous laquelle on installera une fosse qui
recevra les ordures ménagères, le fumier des lapins, et quelques crottins de
cheval, de manière que les poules puissent venir s’y réchauffer les pattes en
grattant. Une autre fosse, contenant du sable, des cendres tamisées, une
poignée de soufre et de la poudre de pyrèthre servira de poudroir contre la
vermine du corps. Il y aura la place suffisante pour les distributions de
nourriture et des refuges diurnes contre les grands froids et les bourrasques.
Donc, si votre poulailler laisse à désirer, hâtez-vous d’en
édifier un, en pisé par exemple, en le recouvrant d’une épaisse couverture en
chaume. Pour les dépendances, ayez recours aux clayonnages enduits de pourget,
d’une construction plus rapide. Dans tous les cas, saupoudrez le sol du
poulailler et des abris avec de la sciure sèche ou des bales de céréales, pour
éviter le contact avec la terre battue ou le ciment. Pour pondre en hiver, les
poules ne devraient jamais avoir froid aux pattes.
Mondiage D’ARCHES.
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