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Légumes de saison

Salsifis et crosnes.

Un « traité des aliments de carême », publié en 1713 par Nicolas Audry, déclarait déjà que le salsifis est la meilleure de toutes les racines qui se mangent en carême. Or, que recherchent les observateurs du carême, c’est-à-dire les hygiénistes ? Une alimentation toute spéciale, en cette époque de l’année : après les débauches de viandes de toute nature faites au cours des fêtes de Noël, du Nouvel An, et du Carnaval, c’est une alimentation légère, pauvre en matière azotée, mais riche en sels minéraux et vitamines qui est nécessaire à l’organisme. Or, le salsifis ne contient que 4gr,09 d’albumine sur 100 grammes, et il est bien plus recommandable en cette époque de l’année que les légumes secs qui en contiennent de 20 à 25 p. 100. Du salsifis, on peut donc dire, avec La Quintinie : « C’est une de nos principales racines, qui est admirable cuite, soit pour le plaisir du goût, soit pour la santé du corps ». Comme tous les légumes, les salsifis ont leurs propriétés particulières : par leur action diurétique, ils se rapprochent de l’asperge. Ils sont d’un précieux secours à la fin de l’hiver, quand les autres légumes font défaut. La cuisinière les apprécie d’autant plus qu’elle peut les accommoder de diverses façons.

La cuisson première, cependant, reste la même pour presque toutes les recettes : il s’agit d’abord de ramollir la racine par l’ébullition.

Mais il y a le revers de la médaille : c’est l’épluchage, qui est long et désagréable. Qu’il s’agisse du salsifis blanc ou du salsifis noir (scorsonère) — tous deux d’ailleurs d’un goût délicat et savoureux — essayons d’en venir pratiquement à bout en opérant de la façon suivante : laver et même brosser les salsifis sous un robinet d’eau courante afin de ne pas noircir les doigts. Ôter les feuilles qui surmontent la racine, mais ne pas les jeter : on les utilisera crues, mélangées à la salade, ou cuites assaisonnées avec d’autres légumes. Ratisser ensuite l’écorce jaune ou noire, et jeter les racines, à mesure, dans de l’eau contenant quelques gouttes de vinaigre, afin qu’ils restent bien blancs.

Ceci fait, faire bouillir 1 litre d’eau dans laquelle on aura mis deux cuillerées de farine et le jus d’un demi-citron (à défaut, une cuillerée de vinaigre). Couper alors les salsifis en tronçons de 4 à 5 centimètres, les plonger dans le blanc de cuisson précédent et faire bouillir en plein feu en remuant. Dès que l’ébullition reprend, retirer la casserole sur le coin du feu et laisser cuire à petits bouillons jusqu’à ce qu’ils cèdent sous la pression du doigt. Les égoutter ensuite, les laver à l’eau tiède pour les débarrasser de toute trace de farine et les apprêter selon l’une des recettes suivantes :

Salsifis sautés.

— Les salsifis étant cuits comme il est dit ci-dessus, les éponger, les passer ensuite à la poêle, au beurre ou à l’huile, jusqu’à ce qu’ils soient bien dorés. Les saler, les parsemer de persil haché, servir.

Salsifis à la crème.

— Quand les salsifis sont égouttés, terminer la cuisson dans une béchamel (un morceau de beurre fondu, de la farine bien délayée en dehors du feu avec du lait, du sel et cuite dix minutes en tournant). En servant, ajouter de la crème fraîche ou, à défaut, du beurre ramolli au coin du feu.

Salsifis frits.

— Placer les salsifis, cuits au blanc, dans un linge pour bien les éponger. Passer tous les morceaux dans une pâte à frire légère et non sucrée faite avec 150 grammes de farine, deux œufs entiers, du sel, 40 grammes de beurre fondu et de l’eau tiède. Avec l’écumoire, prendre les morceaux un à un et les faire tomber dans une friture bien chaude. Remuer en détachant ceux qui se collent contre les autres. Lorsqu’ils sont d’une belle couleur blonde, les ôter de la friture et les mettre dans une passoire. Jeter dans la friture une bonne poignée de persil en branches et l’ôter lorsqu’il cesse de faire du bruit, le faire égoutter sur un linge, puis le saupoudrer de sel. Dresser les salsifis sur une serviette pliée et les couronner de persil frit.

Salsifis au gratin.

— Préparer les salsifis à la crème en y mélangeant du gruyère râpé. Saupoudrer de fromage râpé et de chapelure fine, puis d’un peu de beurre et faire gratiner au four.

Salsifis aux champignons.

— Quand les salsifis sont cuits et égouttés, préparer une sauce en délayant une cuillerée de farine dans gros comme un œuf de beurre. Laisser jaunir et mouiller d’un bol de bouillon de salsifis chaud. Tourner un quart d’heure sur le feu. D’autre part, faire sauter les champignons dix minutes dans du beurre. Dans un plat beurré, mettre salsifis et champignons avec de la chapelure et quelques flocons de beurre. Faire gratiner à four peu chaud.

Salsifis sauce tomate.

— Faire revenir un oignon émincé, ajouter une gousse d’ail, plusieurs tomates émincées, un brin de laurier, quelques branches de persil, du sel. Cuire à feu vif jusqu’à réduction de l’eau des tomates. Passer au tamis, et remettre à la casserole avec du bouillon. Lier de farine. Mettre les salsifis cuits dans la sauce et faire cuire encore un quart d’heure à petit feu. (On peut employer de la purée de tomates de conserve.)

Salade de feuilles de salsifis.

— Les feuilles de salsifis ou de scorsonère méritent d’être classées parmi les salades les plus tendres et les plus fines : ne jamais les jeter. Les assaisonner avec sel, huile, citron ou vinaigre et les servir seules, ou bien y ajouter des feuilles de laitue, de mâche, etc., ou encore des betteraves rouges, ou encore des pommes de terre et des œufs durs.

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Un autre légume d’hiver, dont les qualités sont voisines de celles du salsifis, est le crosne, originaire du japon, dont on mange les tubercules en chapelet, et dont la culture, facile en terre légère, commence à se répandre un peu partout en France. Les marchés des grandes villes en sont le plus souvent approvisionnés. C’est un excellent légume d’hiver, très digestible, à chair blanche, tendre, de goût agréable mais un peu fade. On lave les crosnes, on coupe la radicelle ; la peau, très fine, s’enlève par simple frottement dans un linge.

Crosnes frits.

— Nettoyer avec soin, faire cuire environ quinze minutes dans l’eau salée avec des oignons et des échalotes. Égoutter, tremper dans une pâte à beignets ; jeter ensuite dans la friture bouillante.

Les crosnes peuvent se préparer comme les salsifis, selon les recettes précédentes.

Potage aux crosnes ou aux salsifis.

— Ne jeter ni l’eau de cuisson des crosnes, ni celle des salsifis. L’utiliser pour faire des potages : ajouter à l’eau de cuisson du vermicelle, ou des pâtes, ou du tapioca et ajouter un morceau de beurre au moment de servir.

On peut aussi employer les légumes eux-mêmes : ratisser les salsifis ou nettoyer les crosnes. Les émincer et les mettre dans de l’eau bouillante avec sel et oignon haché. Quand les légumes sont cuits, retirer du feu et lier avec un jaune d’œuf et une tasse de crème, ou un morceau de beurre. Verser sur des tranches de pain. Saupoudrer de persil ou de cerfeuil haché menu.

A. PEYREFITTE.

Le Chasseur Français N°596 Février 1940 Page 119