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Photographie

Virage des épreuves au bromure.

Indépendamment de la correction des défauts engendrés par des erreurs ou des négligences, auxquels nous faisions allusion dans notre précédente chronique, le jeune amateur peut être conduit à remédier à certaines imperfections relatives, inhérentes à la nature des produits mis en œuvre, et à poursuivre une amélioration dans l’aspect ou la présentation des épreuves. C’est le cas, par exemple, pour celles imprimées sur papiers au gélatino-bromure et succédanés : aussi parfaite que soit leur exécution technique, elles finissent par engendrer une impression de monotonie, lorsqu’elles sont examinées en séries nombreuses (collections, albums, etc.).

Cela tient sans nul doute à ce que leur tonalité un peu froide — en blanc et noir — si elle convient à des sujets de genres très variés, est parfois impuissante à faire goûter complètement le charme d’œuvres délicates où la grâce et le plaisir des yeux ont une influence prépondérante.

Dès le début du procédé d’impression sur papier au bromure, on a cherché les moyens de modifier la coloration du dépôt argentique formant les images, afin d’élargir le champ des possibilités dans l’obtention d’épreuves d’aspect plus agréable ou simplement plus varié ; on a même tenté de rehausser certains effets particuliers, tels que carnations, couchers de soleil, effets de foyer, marines, etc., en réalisant ce qu’on appelait des tons locaux. On est même allé si loin dans cette voie que l’on se vit dans l’obligation de rétrograder, non pas que ces tentatives soient condamnables en elles-mêmes, mais parce qu’entre les mains d’opérateurs inexpérimentés, elles fournissaient des résultats inadmissibles. On a donc à peu près abandonné les virages multicolores, dont l’abus s’avérait fâcheux, pour s’en tenir définitivement aux modifications de tonalité qui servent réellement les desseins de l’opérateur et contribuent à rehausser le niveau artistique de ses productions.

Dans la pratique courante, on s’en tient généralement aux tonalités chaudes tirant plus ou moins sur les tons sépia et sanguine. On les obtient par l’un des moyens suivants :

    1° Par simple développement en mettant en œuvre certains artifices agissant sur le mode ou la durée de l’exposition et sur la composition du révélateur. Les papiers au chloro-bromure offrent à cet égard des facilités particulières, grâce à leur tendance à fournir des tons bleutés et rosés d’une grande délicatesse ;

    2° Par sulfuration de l’argent réduit formant l’image développée, en lui substituant un composé complexe, formé de corpuscules de dimensions plus ténues dont l’apparence visuelle se localise dans une gamme de bruns plus ou moins chauds ;

    3° Par virage (ou renforcement) au sulfocyanure d’urane ou de cuivre (pour tonalités rouges), avec extension éventuelle aux sulfocyanures d’autres métaux dans l’obtention des tons jaunes, bleus, verts, etc., avec plus ou moins de bonheur quant à la fraîcheur des coloris et à la pureté des blancs.

(Pour mémoire seulement, nous mentionnerons les virages par voie de teinture après mordançage, qui sont d’un emploi plus limité et dont l’usage est habituellement réservé aux positifs sur verre.)

Le commerce livre couramment des bains de virage dosés ou prêts à l’emploi, qui sont appropriés à la composition des émulsions en vue de fournir tels ou tels résultats désirés. Leur usage peut être avantageux lorsque la dose fournie par le fabricant correspond à la surface de la série d’épreuves que l’on doit traiter en une seule opération ou dans un délai restreint. Dans tous les autres cas, il est préférable de préparer soi-même, au moment ou la veille de l’emploi, les bains nécessaires à une opération d’importance déterminée ; non seulement la dépense peut s’en trouver notablement réduite, mais on dispose ainsi de ressources plus variées dans la recherche des tonalités présumées favorables à la mise en valeur des épreuves.

Virage par sulfuration.

— La méthode la plus simple de virage par sulfuration directe (en bain unique) consiste à plonger les épreuves — préalablement passées dans une solution d’alun ou de formol à 5 p. 100 — dans le bain suivant :

Eau chaude à 55-60° 600 centimètres cubes.
Hyposulfite de soude 100 grammes.
Alun ordinaire 20   —

Les épreuves virent rapidement au ton brun chaud, en même temps qu’elles se recouvrent d’un dépôt sédimentaire dont on les débarrasse sous le jet d’eau en pluie du robinet ou bien avec une éponge fine gorgée d’eau ; on parachève leur toilette en les lavant copieusement.

Le bain ci-dessus peut être remplacé par une solution à 10 p. 100 de foie de soufre des droguistes (polysulfure de potassium), versée dans une cuvette en zinc, ou mieux en porcelaine, ou en tôle émaillée, que l’on réchauffe doucement sans dépasser 60 degrés.

Le procédé indirect (c’est celui qui nous paraît le plus recommandable) exige l’emploi de deux bains séparés : le premier est un bain de blanchiment, qui prépare la réaction finale en transformant l’argent métallique en bromure, en chlorure ou en iodure d’argent, par exemple le suivant :

Eau 1.000 centimètres cubes.
Ferricyanure de potassium 50 grammes.
Bromure de potassium 10   —

(Les 10 parties en poids de bromure de potassium peuvent être remplacées par 5 parties de chlorure de sodium ou 15 grammes d’iodure de potassium.)

Dans ce bain, l’image pâlit et semble disparaître ; le blanchiment est poussé à fond, puis on lave abondamment et jusqu’à disparition de la coloration jaune. On effectue ensuite la sulfuration dans une solution à 1 p. 100 de monosulfure de sodium, dans laquelle l’image fonce immédiatement. Dès qu’elle a pris l’intensité requise, on se hâte de terminer en lavant copieusement.

Une communication récente de M. Seyewetz signale la possibilité d’obtenir un ton plus chaud que celui fourni par la sulfuration telle que nous venons de la résumer, au moyen d’un bain de virage à la benzoquinone, préparé comme suit :

Eau 1.000 centimètres cubes.
Solution à 10 p. 100 d’acide acétique 25  —
Benzoquinone 5 grammes.
Bromure de potassium 20  —

Virages aux sulfocyanures.

— Ils peuvent être effectués en bain unique (ce qui donne des nuances très franches), ou bien en deux opérations successives (ce qui assure aux blancs une grande pureté). Dans ce dernier cas, le bain de blanchiment est constitué par une solution à 2 p. 100 de ferricyanure de potassium, dans laquelle l’image baisse progressivement ; lorsqu’elle est complètement blanchie, on lave à fond dans l’eau souvent renouvelée, puis on porte dans le deuxième bain, qui est constitué par une solution à 2 p. 100 du sel métallique dont on désire utiliser les propriétés (avec addition de 1 centimètre cube d’acide chlorhydrique pour 100 centimètres cubes de bain). Pour le ton brun rouge, on adopte le nitrate d’urane ; pour le rouge, le sulfate de cuivre ; pour le vert, le chlorure de cobalt. Des mélanges en proportions variées de ces divers réactifs permettent d’obtenir des nuances intermédiaires qui peuvent être d’un effet plus ou moins heureux.

Pour assurer la permanence des épreuves virées aux sulfocyanures, on les passe dans de l’eau acidulée par quelques gouttes d’acide chlorhydrique ; les images virées au fer sont éclaircies par immersion pendant quelques minutes dans une solution à 10 p. 100 d’hyposulfite de soude.

Il ne nous est pas possible, faute de place, de nous étendre davantage sur les variantes et les modalités proposées en vue de tirer le meilleur parti de ces diverses méthodes. En terminant, nous rappellerons, à l’intention des débutants, qu’elles s’appliquent aux épreuves développées, fixées, abondamment lavées, et si possible uniformément séchées, afin que les réactifs agissent avec une égale activité sur toute leur étendue.

Jacques BÉRYL.

Le Chasseur Français N°596 Février 1940 Page 126