Le nombre de personnes qui parlent du Braque Dupuy
sans l’avoir jamais vu, et qui ne le verront jamais est inimaginable ! Les
uns écrivent « du Puy », le prenant, sans doute, pour une variété du
Braque d’Auvergne (quelqu’un prit bien, jadis, le Pirée pour un homme),
d’autres le traitent de « Braque » à tours de bras. Certains donnent
à cette race des origines aussi fantastiques que variées ... le tout avec
la certitude, sœur jumelle de l’incompétence dont font étalage ceux qui, par
une grâce très spéciale d’en haut, ont été dispensés de tout travail et
gratinés de la « Science infuse » ! Beati pauperes.
Disons donc, d’abord, que le département de la Haute-Loire
n’a rien de commun avec la race qui nous occupe. « Dupuy » est le nom
d’une famille, la famille Saget-Dupuy, dont les membres, tous chasseurs de père
en fils, utilisaient un braque assez commun désigné sous le nom de Braque du
Poitou qui, en définitive, n’était rien autre qu’un braque français du type
lourd transporté en Poitou. Le chien Dupuy actuel — je dis bien chien
Dupuy et non braque Dupuy, on verra pourquoi tout à l’heure — fut
créé par M. Omer Dupuy, vers 1816.
Ce chien est un produit de croisement voulu, et ce n’est
plus un braque, au sens absolu du mot, puisqu’il ne s’agit pas d’un croisement entre
braques.
Mais quelle est donc cette alliance bizarre qui a donné
cependant d’excellents résultats ?
Avant de parler du croisement réel, parlons un peu des
croisements supposés. Ils nous montreront encore une fois que l’imagination du
public est beaucoup plus riche que sensée et toujours, comme il y a deux cents
ans ou plus, portée, peut-être inconsciemment, vers les choses les plus
extraordinaires. Mais ce qui était admissible il y a deux ou trois siècles ne
l’est plus aujourd’hui, ne devrait pas l’être, du moins. Le temps où l’on
admettait le croisement fécond du tigre et de la chienne est déjà éloigné de
nous. Mais il en reste encore quelque chose cependant, dans l’esprit du
vulgaire, s’entend. Écoutez plutôt les suppositions qui ont été faites sur l’origine
du chien Dupuy. La première et la deuxième sont, et de beaucoup, les moins
invraisemblables, mais la troisième et la quatrième révèlent une imagination et
une simplicité d’esprit vraiment fantaisistes :
1° Mâle et femelle braques : celle-ci d’origine incertaine ;
2° Mâle braque français, femelle Saint-Germain ;
3° Mâle griffon à poil dur, femelle braque française ;
4° Mâle chien courant Larrye, femelle braque française.
La vérité est tout autre. Les frères Dupuy reprochaient à
leurs braques lourds de manquer de train. Les braques lourds ont assez souvent
ce défaut que j’ai constaté moi-même. Comment faire pour donner à ces chiens
plus d’allure, tout en leur conservant leurs autres qualités ? Telle était
la préoccupation constante des frères Dupuy ; mais comment y
parvenir ? Le hasard leur fournit la solution du problème.
Un ami de la famille Dupuy, grand amateur de chiens courants
de la race de Poudras, le comte Henry de la Porte du Teil de Forges, possédait
aussi quelques lévriers. L’un entr’autres, nommé Rémus, se distinguait de la
plupart des autres graioïdes en ce qu’il avait du nez et pistait tous les
animaux. C’était en outre un très bel animal bien fait, aux formes élégantes et
puissantes, de couleur blanche et fauve bringée, à grandes taches. MM. Dupuy
eurent alors l’idée de donner à ce chien deux de leurs lices braques. Ils
conservèrent toutes les chiottes qui présentaient la robe des mères braques.
Finalement ils ne conservèrent que les trois ayant le meilleur nez et les
firent couvrir par un braque. C’est de cette union que naquit le prototype de
la race, nommé Rémus comme son grand-père le lévrier qui, allié à une braque
française, donna les célèbres Médor et Diamant, considérés comme les ancêtres
de cette nouvelle race.
Bien qu’issu de greyhound à l’origine, le Dupuy doit être
considéré comme un chien français, puisqu’il a été créé en France ; mais,
comme je l’ai dit plus haut, ce n’est plus un Braque et il ne mérite plus cette
appellation.
Certes, le sang greyhound s’est fondu dans le sang braque.
Les célèbres Diamant et Médor ne comptaient déjà plus qu’un huitième de sang
lévrier et sept huitièmes de sang braque ; mais le greyhound a apposé sa
marque indélébile. Le Dupuy est nettement lévroïde ; sa coupe générale, sa
tête (le type est dans la tête, ne l’oublions pas), la longueur du crâne, le
chanfrein, l’oreille, le regard, le corsage, la queue rappellent le lévrier.
Cela est l’évidence même. Et c’est pourquoi, dans son pays d’origine, on le
qualifie de chien Dupuy et jamais de Braque Dupuy. Ceci est
parfaitement logique.
Le Dupuy est un grand chien blanc marron, au poil très fin,
quelquefois avec mouchetures. Le manteau, à la condition qu’il ne soit pas trop
envahissant, est aujourd’hui toléré, il ne l’était pas autrefois.
Après 1840, la race fut délaissée, et de ceci les chiens
d’arrêt anglais furent la cause principale. Il restait à peine deux ou trois
éleveurs qui s’occupaient encore sérieusement de la race. Ce fut avec leurs
chiens qu’en 1880 on s’attacha à la reconstitution de la race.
Aujourd’hui, le Dupuy est devenu très rare, depuis la mort
surtout de M. Hublot du Rivault, éleveur très averti de cette race.
Malgré son ancêtre lévrier, le Dupuy arrête
merveilleusement. M. O. Pineau disait d’eux : « Quand ils
sont dressés, ils arrêtent très bien ; quand ils ne le sont pas, ils
arrêtent trop ».
Le lévrier n’a donc aucunement amoindri les qualités de nez
et d’arrêt.
Le Dupuy est un chien très doux et, partant, d’un dressage
très facile. C’est, malgré la finesse excessive de son poil, un intrépide au
fourré ; il ne craint ni les ajoncs, ni la brande. C’est aussi un
excellent chien de plaine, dur à la fatigue et supportant bien la chaleur. Par
contre, il craint le froid. Il tient cependant du lévrier une tendance à
chasser en loup.
Dans les chiens d’arrêt à poil court de races françaises, il
nous reste encore à parler du Braque d’Auvergne et du Saint-Germain.
Une chose qui saute tout d’abord aux yeux, c’est que ces
braques, contrairement à ceux que nous avons étudiés jusqu’ici, ne sont pas marqués
du marron classique des Braques. À cela il y a évidemment une cause. Je ne suis
certes pas un coloromane, bien loin de là. La couleur est d’importance
secondaire, disent les zootechniciens, et je suis parfaitement de leur avis.
Cependant il ne faut pas oublier que toute couleur a une cause et, chez les
chiens de race pure, n’est jamais le fait du hasard. Or, si le noir chez le
Braque d’Auvergne, si l’orange chez le Saint-Germain sont à la base même de la
race, il y a une raison.
L’aspect général nous montre chez le Braque d’Auvergne un
animal nettement Braque, beaucoup plus braque que le Saint-Germain. À cela
aussi, il y a une raison.
C’est à l’an 1708, date de la dissolution de l’ordre des
Chevaliers de Malte qu’on fait remonter l’apparition du Braque d’Auvergne en
France. On prétend, en effet, que le Braque d’Auvergne serait une importation
de chiens bleus que les chevaliers, dont une bonne partie était originaire
d’Auvergne, auraient ramenés avec eux à leur retour de l’île de Malte. Or, M. J.
de Coninck affirme nettement qu’antérieurement les chevaliers avaient
importé des Pointers de Galles et de Cornouailles. Si le fait est exact, la
couleur noire ne serait pas difficile à expliquer.
Cependant, certains ne voient dans le Braque d’Auvergne
qu’un Braque français modifié par l’habitat et la sélection. Opinion qui est
parfaitement admissible, surtout si l’on suppose qu’il y a eu quelque
croisement. Or, ne nous a-t-on pas dit aussi que, pour arriver à fixer le type,
on s’est servi-du sang de Pointers bleus.
Bleu ! C’est aussi le qualificatif fréquent du Braque
d’Auvergne. Que signifie-t-il au juste ? Il serait bien difficile de le
dire, chacun interprétant ce mot à sa manière. Les uns disent que les tâches
noires bien détachées sur fond blanc ont des reflets bleus sous une certaine
lumière. D’autres, au contraire, qualifient de « Bleus » les chiens
charbonnés. Enfin il en est qui disent que le bleu est produit par les petites
mouchetures noires de la peau qui sont d’un noir bleuâtre et transparent à
travers le poil. Voilà pourquoi j’estime qu’il vaut mieux s’en tenir à
l’appellation classique et beaucoup moins imprécise de « Braque
d’Auvergne ».
Ce qui est certain, c’est que le Braque d’Auvergne est un
excellent chien d’arrêt à tout faire, dur à la fatigue et d’un dressage facile.
Il a le caractère très braque ... sauf cependant chez les sujets améliorés
de Pointer dans une très large mesure qui quêtent en loup et ont souvent un
fichu caractère.
J. DHERS.
(1) Voir nos 588 et suivants.
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