La Saanen.
— Les Alpes suisses et françaises étant le berceau de
la chèvre alpine, il est donc naturel de commencer par décrire les variétés
helvétiques
Originaire d’un village de l’Oberland bernois, Saanen, elle
est de grande taille : c’est même une des plus grandes Alpines. Sa
croissance est si rapide qu’il est loisible de l’engraisser. La couleur de son
poil varie du blanc neige au blanc crème. Sélectionnée de longue date dans sa
vallée natale, elle donne couramment 6 litres de lait par jour. Mufle,
oreilles, lèvres et pis sont rose-chair souvent parsemé de points noirs. Les onglons
et les yeux sont jaunes, les paupières et les cils blancs ; ses mamelles
sont volumineuses et ses trayons gros et droits.
Dans le district de Saanen, le poil long et la présence de
cornes sont dépréciatifs, et on y préfère une chèvre privée de pendeloques et
de barbe ; seul le bouc en porte une. Les qualités de la chèvre de Saanen
lui ont valu une certaine vogue tant en Suisse qu’à l’étranger. En Appenzell,
elle est de structure réduite avec accentuation de la longueur du poil.
La Saanen n’est pas la chèvre des neiges éternelles !
mais elle est à son aise aux environs de mille mètres : altitude du
village de Saanen. L’inclinaison de ses oreilles serait peut-être le signe de
séjours prolongés à l’étable ... On l’a exportée en Afrique et en Amérique
du Sud, et aux États-Unis après la guerre de 1914, où son croisement avec la
chèvre indigène ou la Toggenbourg a donné des résultats satisfaisants. Sa robe
couleur de neige demande évidemment un certain entretien qui est là-haut bien
en rapport avec les qualités de l’accorte et soigneuse fermière bernoise.
La Toggenbourg.
— C’est dans la vallée de Toggenbourg (canton de
Saint-Gall) que cette variété a pris naissance. Ses qualités pratiques et sa
couleur originale la font généralement apprécier. Il n’y a guère, le
Gouvernement Fédéral, qui ne dédaigne pas de s’occuper des chèvres, ordonna
l’achat de reproducteurs de cette variété pour les établissements de l’État. Sa
couleur : un mélange de brun et de gris ; le front et le chanfrein
sont brun clair ; la tête est listée de deux bandes claires longeant les
joues ; l’extrémité du nez est grise : le ventre comme dans certaines
variétés est blanc ou gris ; la face interne des cuisses et les pattes
sont gris clair jusqu’au-dessous du genou. La Toggenbourg n’a pas de
cornes ; son cou est adorné de deux pendeloques appelées quelquefois
« sonnettes de cou » et qui n’ont aucune influence sur la qualité du
lait, lequel est plus chargé en calcium que celui d’autres races (cette donnée
émane d’analyses américaines, car la Toggenbourg, elle aussi, a été exportée
dans le Nouveau Monde). Ses onglons sont souvent jaune clair, mais on les
préfère foncés, s’harmonisant mieux ainsi avec la couleur de fond de cette
belle Alpine. Bien que, selon toute vraisemblance, elle soit issue d’un
croisement de la Chamoisée et de la chèvre blanche d’Appenzell, ses caractères
sont bien fixés ; il y a bien là une variété nettement définie. Bonne
laitière, elle s’accommode également de l’alpage et de l’écurie.
La Chamoisée et la Gruyère.
— La Chamoisée, ainsi nommée parce qu’elle ressemble
beaucoup, notamment par la couleur, au chamois, est le caprin le plus répandu
sur le territoire helvétique. De ce fait, on peut noter d’une région à l’autre
quelques variantes dans le coloris, et même dans l’appellation de cette chèvre
qui n’en demeure pas moins une. Le poil étant plus ou moins foncé, les
différents noms mettent en valeur la couleur brune et noire (Braunschwarz) ou
les pattes noires (Stiefelgeissen) qui font penser un peu au chat botté. Plus
son habitat est proche des neiges éternelles, ou plus elle cherche à les
atteindre au cours de ses randonnées, plus est grande sa similitude avec le
chamois ; sa robe est alors plutôt foncée. La tonalité de son pelage est
brun clair, tirant quelquefois sur le brun roux ; l’épine dorsale, la
face, les oreilles, le ventre et les membres du sabot au genou sont
noirs ; les cils aussi. On cherchera à harmoniser les sabots avec le ton
général. La Chamoisée a été croisée avec les variétés indigènes plus ou moins
définies et avec la Valaisanne. Ce croisement n’offre aucun intérêt
zootechnique : pourquoi mêler ces deux couleurs et surtout diminuer la
qualité laitière de la Chamoisée ? Cette chèvre est toujours armée, mais
il existe en Gruyère un type sensiblement identique, sans cornes, qui serait
peut-être un peu moins vif que les autres. La Chamoisée et la Gruyère
s’accommodent avec la même aisance de la stabulation et de la vie en montagne ;
elles sont toutes deux bonnes laitières.
La Schwarzhals ou Valaisanne.
— Cette variété, encore appelée chèvre à col noir (Schwarz :
noir, et hals : cou), chèvre de Viège, du Simplon, ou encore chèvre
du Haut-Valais, se rencontre dans cette dernière région jusqu’aux environs de
Sierre. Sa particularité est un contraste de couleurs ; son avant-main, en
effet, est noir (d’où la dénomination de « chèvre à cou noir ») et
l’arrière blanc ; la démarcation est très nette. Les onglons sont
conformes aux deux teintes ; ceux des pattes de devant sont noirs, ceux
des pattes arrière, blancs. Le poil, au contraire de celui de toutes les
Alpines, est long. Cette bête très musclée, rustique, élit domicile et paradis,
pourrait-on ajouter, près des sommets, en bordure des neiges éternelles. C’est
là que, parcourant des milles et des milles, elle cherche et trouve sa maigre
nourriture. Sa plus glorieuse appellation est certainement celle d’« Alpine
des Glaciers » dont on la baptise parfois. Par contre, cette chèvre, aventureuse,
nomade, s’accommodera mal de la stabulation ; telles touffes d’herbes
rares ou fleurettes lui manqueront. Par son mode de vie et surtout par la façon
dont elle s’alimente, elle se rapproche du chamois ; expatriée, cette
montagnarde subira fortement le mal du pays. Il va sans dire que sa production
laitière sera ici moins considérable. La chèvre à col noir s’engraisse
facilement ; mais sa croissance est lente, elle n’atteint son complet
développement que vers quatre ou cinq ans ; sa viande est très estimée. Le
bouc, trapu, a de très grandes cornes légèrement contournées ; il porte
une barbe imposante. Ce type, on peut dire ce prototype, est le plus pur de
tous. Voilà la vraie chèvre vagabonde dans toute la gloire de son
paysage ; celle que seuls comprennent les poètes.
Christophe KRAFFT.
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