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Apiculture

Débuts apicoles.

Nous n’entreprendrons pas de faire ressortir ici les avantages et les agréments de l’apiculture ; notre but est de donner quelques conseils à ceux qui débutent dans l’élevage des abeilles.

Pour devenir apiculteur, il faut tout d’abord étudier un bon manuel exposant les principales notions de l’art apicole, car on ne saurait raisonnablement s’embarquer dans une affaire dont on ne connaît pas le premier mot.

On se met ensuite à l’école des abeilles elles-mêmes, en les observant, tout en continuant de parfaire ses connaissances par la lecture des auteurs et des revues apicoles, car il ne faut jamais s’imaginer qu’on en sait assez ou qu’on n’a plus rien à apprendre.

Si on a la bonne fortune d’avoir dans son voisinage un excellent praticien que l’on peut visiter et consulter, on fera à son école des progrès plus rapides ; mais cela ne dispense pas de lire les ouvrages apicoles dont l’enseignement éclaire et complète les leçons de choses et les démonstrations du maître.

Pour faire de l’apiculture, il faut, naturellement, avoir des ruches et des abeilles.

On peut se procurer les unes et les autres en même temps, en achetant des ruches peuplées. C’est la manière la plus facile de se monter tout de suite un rucher ; mais ce n’est pas toujours la plus économique, car les ruches complètes en rapport coûtent cher et le débutant recule, avec raison, devant une trop forte dépense, se demandant si les résultats qu’il attend répondront bien à ses espérances. Et, de fait, il n’est pas toujours prudent d’engager une forte somme dans un élevage que l’on ne connaît encore qu’imparfaitement. Donc, si on s’arrête à l’achat d’une ruche complète, en fera bien, pour commencer, de n’en acquérir qu’une ou deux.

On peut, à moins de frais, acheter des ruches peuplées avec essaims sur quatre ou cinq cadres, qui se développeront dans la saison et qu’on aidera au besoin, par un nourrissement, à achever leur ruche. C’est le conseil que nous donnerions aux commençants, parce que ces essaims ou mieux, comme on dit aujourd’hui, ces nuclei ou petites colonies en ruchettes, sont plus avancées qu’un essaim nu, et le transvasement en est facile en grande ruche, leurs cadres ayant la dimension des ruches définitives.

Le plus souvent, on préfère acheter séparément les ruches et les essaims. Pour les ruches, c’est facile, il y a des fabricants partout. L’important est de choisir un bon modèle courant et de s’y tenir. Si on n’achète pas la ruche garnie de cire gaufrée, prête à recevoir l’essaim, il faut se procurer le nécessaire pour gaufrer les cadres : gaufres, planchettes pour les ajuster dans les cadres, fil de fer pour armer ceux-ci, éperon pour noyer le fil dans la fondation.

Et on retient à l’avance les essaims dont on a besoin pour peupler les ruches à la saison, soit chez un apiculteur voisin qui consent à en céder — et ce sont là les meilleurs, parce que plus volumineux et pouvant être mis en ruches tout de suite et au cours de la miellée —, soit chez des éleveurs qui vendent au poids des essaims expédiés en cage.

Il faut retenir des essaims de mai qui sont les meilleurs ou, à défaut, exiger des éleveurs qu’ils les livrent à la mi-mai et au plus tard dans les premiers jours de juin, là où la miellée principale se fait de la fin de mai au 15 juin. On comprendra qu’il y a une grande différence de valeur entre un essaim précoce qui peut bénéficier de la miellée et des essaims tardifs qui n’arrivent qu’après celle-ci terminée. Ces derniers devront être nourris pour pouvoir construire leur ruche et l’approvisionner.

Il y a toujours avantage à nourrir les essaims, qu’ils soient hâtifs ou tardifs, et on retrouve plus tard l’argent dépensé pour eux. Plus tôt ils se développeront, mieux ça vaudra, car alors ils seront en état de mettre à profit les miellées qui surviendront. Un essaim de mai, bien soigné, arrive souvent à construire sa ruche à la première miellée et à donner à la seconde une récolte qui dédommage de ses débours l’apiculteur.

Parfois on trouve plus avantageux de débuter en achetant des ruches vulgaires peuplées, qu’on installe l’hiver au rucher, et qu’on transvase en avril. Mais alors il faut que le débutant se fasse aider par un praticien expérimenté pour faire ces transvasements ou, s’il se risque à les entreprendre lui-même, qu’il étudie bien préalablement la manœuvre.

On peut attendre que ces paniers donnent des essaims pour peupler ses ruches à cadres ; mais l’essaimage a ses aléas, et on court le risque de voir prendre la clef des champs les essaims sur lesquels on comptait pour monter son rucher.

Un large emplacement n’est pas nécessaire pour l’installation de quelques ruches : un petit coin de jardin suffit. Toutefois, par crainte d’accidents toujours possibles, on choisira de préférence un endroit suffisamment éloigné des chemins publics et des propriétés voisines.

Un verger convient très bien pour les ruchers. Il y a évidemment des localités meilleures que d’autres et dont la flore mellifère est plus riche ; mais, par contre, il en existe bien peu où elle soit trop pauvre pour ne pouvoir entretenir quelques colonies. C’est à l’apiculteur de proportionner le nombre de ses ruches aux ressources mellifères de l’endroit.

Il ne faut pas oublier qu’il existe, dans la plupart des départements, des arrêtés préfectoraux ou municipaux qui règlent les distances à observer pour les ruchers non entourés d’une clôture. Quant aux autres, ils sont soumis à la loi du 31 mars 1926, ainsi conçue :

« ...Ne sont assujetties à aucune prescription de distance les ruches isolées des propriétés voisines ou des chemins publics par un mur, une palissade en planches jointes, une haie vive ou sèche, sans solution de continuité.

« Ces clôtures devront avoir une hauteur de 2 mètres au-dessus du sol et s’étendant sur au moins 2 mètres de chaque côté de la ruche. »

Un apiculteur, dont les ruches sont à distance réglementaire, ne peut être contraint de les déplacer. Seulement, comme tous les propriétaires d’animaux, il reste responsable des accidents que pourraient causer ses abeilles ; s’il est prouvé que ce sont ses abeilles et non d’autres qui en sont l’auteur. C’est pourquoi les apiculteurs prudents prennent une assurance qui leur enlève toute crainte de désagréments, bien que ceux-ci soient rares quand on prend les précautions voulues pour les éviter.

Quant à l’outillage nécessaire pour l’exploitation des ruches modernes, certains peut-être le trouveront un peu coûteux et compliqué. Il est plus simple qu’il ne paraît, et, pour débuter, on peut se contenter, en dehors de la ruche et de ce qu’il faut, pour l’aménager, d’un enfumoir et d’un voile, les deux indispensables, puis d’un ou deux nourrisseurs.

Pour le reste, on peut attendre et l’acheter au fur et à mesure que la vente des produits du rucher procure l’argent nécessaire. En allant prudemment, l’apiculteur n’aura pas à regretter des dépenses inutiles et, à part la première mise de fonds, qui n’aura pas été considérable, il ne s’aventurera dans de nouvelles dépenses qu’autant que le rapport de ses ruches lui en fournira le moyen.

P. PRIEUR.

Le Chasseur Français N°597 Mars 1940 Page 170