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La radio

La renaissance du poste de T.S.F. à batteries.

L’avènement des postes de T. S. F. alimentés par le courant d’un secteur continu ou alternatif a fait négliger pendant plusieurs années la construction des postes-batteries, aussi bien en France qu’à l’étranger. On constate depuis quelque temps une nouvelle vogue de ces appareils trop oubliés que les progrès des lampes de T. S. F. ont permis, en particulier, de doter de tous les perfectionnements des postes-secteur modernes.

En France, malheureusement, il est, en dehors des raisons techniques, des circonstances qui attirent spécialement l’attention vers les qualités particulières de ce genre d’appareil. Celui-ci peut fonctionner d’une manière absolument autonome, dans les conditions les plus difficiles, sans être relié à aucune source d’alimentation extérieure, puisqu’il porte ses batteries dans son propre boîtier. On peut ainsi l’utiliser n’importe où, même en plein air, et dans un abri quelconque. Grâce à l’augmentation de sensibilité réalisée dans les montages récents, son installation est réduite au minimum ; il n’est plus besoin de longues antennes extérieures, difficiles à installer, ni même quelquefois de prise de terre (bien que cette dernière soit d’une réalisation immédiate, même en pleine campagne).

On est souvent revenu, sous une forme nouvelle et améliorée, au cadre de réception d’autrefois, assurant la réception sans antenne extérieure, et même parfois sans prise de terre. Mais le cadre n’est plus extérieur au poste, de grandes dimensions, relativement lourd, et surtout encombrant. Il est tellement réduit qu’il peut être contenu dans le boîtier même de l’appareil, généralement placé à l’arrière, et blindé de façon à permettre d’atténuer l’influence des parasites pouvant agir pour troubler l’audition.

En temps normal, le poste-batteries moderne présente maintenant des avantages fort intéressants au point de vue technique, capables de le faire adopter par tous les usagers craignant particulièrement les troubles produits par les parasites industriels transmis le long des lignes de distribution d’électricité. Il s’impose également à tous ceux qui voyagent fréquemment, en particulier en automobile, et désirent avoir toujours sous la main un appareil prêt à fonctionner immédiatement sans installation spéciale, et dans toutes les conditions.

Il existe même désormais des modèles complètement universels, pouvant fonctionner à volonté, soit sur le courant d’un secteur continu ou alternatif, soit à l’aide de batteries de basse tension et de haute tension, constituées généralement par des piles.

À l’heure actuelle, de nombreux civils ont dû quitter leur demeure habituelle, par suite des événements de guerre, ou même parce que la région qu’ils habitaient était évacuée par l’autorité militaire. Ils ont dû se réfugier temporairement dans des provinces plus ou moins lointaines et isolées, où les installations de distribution d’électricité par le secteur ne sont pas encore assurées complètement dans de bonnes conditions. Dans certaines campagnes, également, les lignes de distribution ne sont pas toujours installées avec toutes les qualités désirables ; il peut en résulter des courants parasites qui viennent fâcheusement troubler l’audition des postes branchés sur le secteur, et le poste-batteries peut alors rendre les plus grands services.

Des milliers de radio-récepteurs sont actuellement en service dans les cantonnements, les « foyers », à l’arrière des armées, pour permettre aux soldats d’entendre les informations quotidiennes, les nouvelles, les conférences, les radio-concerts surtout, dont l’écoute peut leur permettre de combattre un peu l’ennui déprimant des longues journées d’attente loin de leurs familles, et souvent dans un climat rigoureux. Malgré les efforts déployés partout, tous les cantonnements n’ont pu être pourvus de distribution électrique, et, dans maints d’entre eux, l’emploi du poste-batteries s’imposera encore.

Il est, d’ailleurs, désormais inexact de considérer cet appareil comme inférieur et d’une classe distincte ne pouvant offrir que des résultats très différents de ceux du poste-secteur. Bien des postes-batteries perfectionnés ont absolument l’apparence des postes-secteur, et permettent d’obtenir des résultats à peu près équivalents.

En réalité, on pourrait peut-être distinguer deux catégories actuelles d’appareils-batteries. Il y a les modèles très portatifs, dont le poids ne dépasse guère 2 à 3 kilogrammes, y compris les batteries, et dans lesquels on a été obligé d’étudier les organes en vue spécialement de la réduction des dimensions et du poids. On ne peut demander à ces appareils des qualités de sensibilité et de fidélité musicale parfaites. Leur grand avantage consiste dans la possibilité de transport facile et immédiat, même à la main.

Mais, à côté de ces postes portatifs, il existe maintenant des appareils portables, plus encombrants et plus lourds, sans doute, dont le poids peut atteindre 8 à 10 kilogrammes, mais qui sont pourvus de tous les perfectionnements modernes : antifading, réglage de précision, ou même automatique, excellente qualité musicale, grâce à un haut-parleur de diamètre suffisant, dispositif de contrôle de la tonalité, et de l’intensité sonore, etc. Le cadran de repère est généralement de grande dimension et souvent lumineux ; il porte les noms des stations d’une manière très lisible ; la recherche des émissions est donc facile. La gamme de réception peut s’étendre seulement sur les petites ondes et sur les grandes ondes, de 200 à 2.000 mètres environ, mais certains postes à usage fixe permettent également la réception des ondes-courtes, de 16 à 55 mètres environ.

La plupart de ces appareils ne comportent que quatre ou cinq lampes ; il faut remarquer que ce sont des lampes « effectives », puisqu’il n’y a pas de valve de redressement, excepté sur les appareils universels. Sur les modèles de grandes dimensions, on emploie des batteries de capacité plus élevée, permettant d’obtenir une plus longue durée de service s’élevant à 500 ou 600 heures, au lieu de 300 pour les postes portatifs. La tension de la batterie d’alimentation des plaques des lampes est également plus élevée, et de 120 volts, par exemple, au lieu de 90, ce qui permet de mieux alimenter l’étage de sortie, d’obtenir ainsi une puissance sonore plus grande, et une meilleure tonalité.

La plus grande difficulté de construction du poste-batteries réside évidemment dans la réduction des courants d’alimentation, rendue nécessaire par l’emploi des piles, et la limitation de la tension d’alimentation des plaques des lampes.

Cette difficulté a été diminuée depuis l’apparition des nouvelles lampes-batteries modernes ; on emploie, d’ailleurs, dans ces postes-batteries perfectionnés, des dispositifs économiseurs particuliers, assurant la réduction du débit, sans diminuer les qualités du montage.

Deux séries de lampes de T. S. F. sont adoptées actuellement sur les appareils batteries. Avec les modèles de la série « européenne » à filaments chauffés sous une tension de 2 volts, l’alimentation en courant de chauffage est obtenue à l’aide d’une batterie de piles ou d’un élément d’accumulateur de 2 volts généralement à liquide immobilisé.

La série de lampes « américaine » fonctionne avec une tension de chauffage de 1,4 volts, ce qui réduit la consommation en courant de chauffage ; mais, par contre, le débit en haute tension est un peu plus élevé. On adopte alors des batteries de piles, aussi bien pour le chauffage, que pour l’alimentation plaque. Un petit poste à quatre lampes, très portatif, équipé avec ces lampes américaines, permet un fonctionnement d’environ 200 heures avec une pile haute tension de petit modèle, et la durée de la pile de chauffage est de l’ordre de 150 heures.

On trouve dans ces séries de lampes tous les modèles correspondant à ceux des lampes-secteur ; mais, on ne peut espérer obtenir, cependant, il faut le préciser, absolument toute la sensibilité assurée avec ces dernières. Il serait ainsi nécessaire d’augmenter le nombre des lampes employées ; mais cette solution est difficile, puisqu’on veut justement réduire la consommation !

En fait, cette difficulté n’est pas importante dans la majorité des cas. L’auditeur de T. S. F., utilisant un poste-batteries, et spécialement un poste portatif, n’est pas un fanatique, un « sportif », qui veut « collectionner » des émissions, uniquement pour le plaisir de battre des records ; c’est un auditeur qui veut entendre la plupart des émissions des grands postes européens, dans des conditions musicales suffisantes ; ce résultat est, désormais, atteint avec les modèles actuels, et c’est là l’essentiel.

P. HÉMARDINQUER,

Ingénieur-Conseil.

Le Chasseur Français N°597 Mars 1940 Page 175