Accueil  > Années 1940 et 1941  > N°597 Mars 1940  > Page 184 Tous droits réservés

L’Empire, tout entier, est debout

Dans un discours qu’il prononçait, il y a un an, à l’Exposition de New-York, à l’occasion des fêtes anniversaires de La Fayette, M. de Saint-Quentin, ambassadeur de France, indiquait que huit millions de Français venaient de revêtir l’uniforme pour « tenir les engagements d’honneur de la France envers une autre nation », et il ajoutait :

« Beaucoup d’autres, sur tous les territoires de l’Empire français, sont prêts à soutenir de leurs mains, de leur tête, de leurs cœurs, ceux appelés à combattre. Tous sentent qu’ils travaillent, non seulement pour la France, mais pour la cause de tous les peuples et qu’ils soutiennent la devise de la Révolution : Liberté, Égalité, Fraternité. »

Il est de fait que les indigènes de tous les pays de l’Empire, dès le premier jour de la mobilisation, ont répondu à l’appel de la Mère-Patrie et se sont déclarés prêts à donner leur vie pour elle.

On sait l’active propagande qui avait été menée, au cours des trois dernières années, dans les pays musulmans (Afrique du Nord et Syrie surtout), dans le but d’y ébranler la souveraineté française. Or, avant même la déclaration officielle de l’état de guerre, le Président du Conseil syrien, interprétant le sentiment unanime de ses compatriotes, déclarait :

« En ces heures délicates, où la Syrie n’échappe pas à la menace qui pèse sur le monde, notre pays tient à confirmer son attachement à la cause des démocraties et son loyalisme sans réserve à l’égard de la France. »

De son côté, M. Djamil Mardam, ancien président du Conseil, disait : « Servir la France, c’est servir la cause de l’humanité. » Le chef de l’opposition, M. Chahbandar, exprimait les mêmes sentiments, ainsi que les journaux libano-syriens de toutes nuances et de toutes confessions.

D’autre part, le Comité de la jeunesse kurde de la Syrie du Nord adressait au Haut-Commissaire, M. Puaux, un télégramme renouvelant l’engagement volontaire qu’ils avaient souscrit en septembre de l’année précédente.

M. Farès Khoury, président de la Chambre syrienne, faisait une déclaration dans laquelle il affirmait la fidélité et l’attachement indéfectibles du peuple syrien à la France, à laquelle il est lié par d’innombrables liens culturels, économiques et traditionnels. « Jamais, a-t-il dit, la Syrie n’a été plus près de la France qu’en ces heures graves. »

En Algérie, dès le premier appel, le Gouverneur général était saisi de nombreux messages attestant le patriotisme des populations indigènes. Parmi ces messages, on peut citer ceux du Dr Ben Djelloul, délégué financier, président de la Fédération des Élus musulmans d’Algérie ; du Dr Lakhdari, délégué financier, à Guelma ; de MM. Ben Aoud Hadi Mohata, conseiller général d’Aïn Belda ; Kacimi Mostefa, président de l’Association des chefs des Zaouïas et des savants religieux de l’Afrique du Nord, à Bou-Saada, etc.

En Tunisie, le Résident général recevait également, dès la mobilisation, une délégation de personnalités représentant la population tunisienne, venue affirmer sa solidarité à l’égard de la nation protectrice. Les Tunisiens, musulmans et Israélites, se déclaraient solennellement et unanimement prêts, par la voix de leurs délégués, à tous les sacrifices pour apporter à la France un concours sans réserve.

De leur côté, les jeunes Marocains intellectuels remettaient, au général Noguès, une déclaration dans laquelle ils proclamaient « leur désir sincère de collaborer d’une façon loyale et désintéressée, dans une atmosphère de confiance réciproque, avec le représentant de la France au Maroc, pour renforcer le front franco-marocain, en expliquant aux différentes classes de la société marocaine les dangers de la situation et la nécessité de grouper les forces matérielles et morales à l’heure du danger, pour parer à toute éventualité pouvant porter atteinte à l’existence du Maroc et aux intérêts de la France. »

Quelques semaines après, dans une conférence, Si Mohamed Mammeri, chef adjoint du protocole de S. M. le Sultan, terminait son exposé sur les raisons de l’Union franco-marocaine, par ces paroles, couvertes d’applaudissements : « La France continuera à nous procurer son aide et ses conseils : l’Islam ne lui marchandera ni sa confiance, ni son loyalisme. »

Par ailleurs, toutes nos colonies de l’Afrique noire, sans en excepter le Togo ni le Cameroun, n’ont pas manqué, dès la période de tension politique, de transmettre au Gouvernement français l’expression de leur attachement et de leur concours entier. Et, sitôt appelés, Samba Diouf, Toumané Diakité, Moussa Molo et tant d’autres, ont quitté leur village, leur case et leur champ, ils ont « pris mon pied la route » pour la guerre contre l’ennemi des Français, car l’ennemi des Français, c’est l’ennemi du Noir.

Ainsi donc, c’est bien un Empire de 110 millions d’habitants, qui se dresse, à l’heure actuelle, dans un élan unanime, à côté de ses alliés, pour le triomphe de la juste cause que nous défendons.

A. DIESNIS.

Le Chasseur Français N°597 Mars 1940 Page 184