Je ne saurais trop dire où en sera la question de
réglementation de la chasse à l’époque où paraîtra cette note. J’ai, en effet,
donné, il y a un certain temps, quelques indications sur cette question,
indications provenant presque toutes de source officielle ; puis j’ai dit
ce qui se passait en certaines régions, quant à la teneur des arrêtés
préfectoraux. Mais, les circulaires, et même certains arrêtés, ont été modifiés
du jour au lendemain et varient bien souvent d’un département à l’autre. Le
plus sûr pour se renseigner sur les réglementations tout à fait récentes, c’est
de s’adresser aux Préfectures qui, du reste, répondent toujours très obligeamment.
Tout ce que je sais en ce moment (février), c’est que la chasse au gibier
d’eau, de mer et de marais, a été autorisée à peu près partout, ce qui donne
satisfaction à tous ceux qui, comme moi, pensaient qu’il valait mieux profiter
un peu du séjour des oiseaux migrateurs chez nous, plutôt que de les envoyer
ravitailler les voisins chez lesquels ils se rendent après nous avoir quittés.
Quant au gibier sédentaire, c’est une autre affaire.
La question des lapins avait été réglée en deux fois, la
première autorisant leur capture sans fusil, la seconde permettant l’usage du
fusil.
Mais il y a une nouvelle affaire, en effet. En certaines
régions, on a classé le gibier comme nuisible et autorisé la destruction des
cerfs, chevreuils et lièvres, aux mêmes conditions, ou à peu près, que la
chasse au lapin. Cela n’a pas été sans soulever quelques protestations de la
part de ceux qui, n’ayant point de chasses à eux, ni de terres susceptibles de
souffrir des dégâts de gibier, ont pensé que la mesure en question ne pouvait
que servir les intérêts, disons cynégétiques, de gros propriétaires qui
obtiendront les autorisations de destruction, alors que les autres, la chasse
étant fermée, ne pourront parcourir les terres de chasse banale, leur seul
terrain de chasse d’autrefois.
Pour moi, je crois qu’on aurait mieux fait d’ouvrir purement
et simplement la chasse, comme on l’a fait lors de la guerre précédente. Tout le
monde eût alors su à quoi s’en tenir, alors qu’actuellement il y a autant de réglementations
de la chasse que de contrées différentes. Bien mieux, certains arrêtés
préfectoraux ne sont pas tout à fait d’accord avec les circulaires réglementant
les conditions de la chasse, puisqu’elle est, en fait, ouverte en certaines
régions, et celles où la destruction des animaux dits nuisibles est autorisée.
Quand ma notice paraîtra en avril, il est probable que tout sera modifié.
J’ai oublié de dire, en parlant de la chasse au gibier
d’eau, que la chasse du canard sauvage col-vert a dû fermer le 29 février.
Et, aujourd’hui même, j’ai eu quelques renseignements intéressants sur les
passages de gibier d’eau de cet hiver. L’état de guerre et ses conséquences ont
modifié les conditions de la migration de certaines espèces. C’est ainsi que,
sur un bel étang de Normandie, il y a eu pas mal de cygnes et, en ce moment,
une bande de 25 de ces oiseaux y stationne régulièrement. Puis on a vu des
oiseaux venus des pays où la guerre maritime bat son plein, tout à fait
inconnus dans nos parages. Quant au gibier de mer, canards, oies et sarcelles,
nos côtes normandes ont bénéficié de son abondance. Je pourrais citer des
chiffres impressionnants.
Un brave chasseur en canot-automobile a, dans une de nos
baies, cependant très fréquentée par les bateaux et les chasseurs, tué en une
sortie 20 oies sauvages. L’hiver a duré particulièrement longtemps cette
année et a été très froid, ce qui, ordinairement, amène beaucoup de gibier
d’eau chez nous ; mais, cette année aussi il y a eu l’état de guerre sur
terre, sur mer et dans les airs. Au fond, ce sont les conditions dans
lesquelles s’est écoulé l’hiver qui ont amené une perturbation complète dans le
comportement du gibier, de ses habitudes et de sa tranquillité.
Louis TERNIER.
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