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Causerie juridique

Les taxes sur les chasses en temps de guerre.

Voici encore une question que fait naître la guerre et son incidence sur la chasse. Un correspondant nous demande ce que deviennent les diverses taxes auxquelles sont assujetties les chasses gardées ou louées, alors que la chasse est interdite.

Peut-on, notamment, obliger à payer les taxes qui frappent les locations de chasse un locataire de chasse qui ne peut exercer son droit de chasse ?

La question ne peut faire aucun doute : il faut payer, et la taxe sur les locations de chasse, et la taxe sur les chasses gardées. Aucune disposition légale n’en a suspendu l’application.

Le principe étant posé, nous pouvons, sans sortir du sujet, donner à nos lecteurs quelques précisions sur les diverses taxes frappant les locations de chasse. Elles résultent actuellement des articles 745 et 746 du Code de l’enregistrement.

L’article 745 frappe d’une taxe annuelle de 12 francs par 100 francs les locations du droit de chasse (comme aussi du droit de pêche), qu’elles résultent d’un acte écrit ou d’un simple accord verbal ; ce taux a été porté à 13 francs par 100 francs par un décret du 20 mai 1938 pris en exécution de l’article 9 du décret-loi du 2 mai 1938 relatif au budget. La taxe est à la charge du locataire de la chasse ou de la pêche ; elle est calculée sur le prix de la location annuelle, augmenté des charges qui s’y ajoutent.

Cette question des charges en sus du loyer peut donner lieu à certaines difficultés : on doit considérer comme telles toutes les obligations imposées au locataire de la chasse, en sus de celle de payer le loyer convenu. Ainsi, on a pu considérer comme une charge pour le locataire la stipulation contenue dans le bail, suivant laquelle le locataire supportera seul la responsabilité des dégâts causés par le gibier ; il peut en être de même pour l’obligation de faire garder la chasse, de l’obligation de faire exécuter certains travaux, soit aux constructions, pavillons de chasse, par exemple, soit de faire clôturer les bois ou de faire entretenir les clôtures existantes. Pour l’assiette de la taxe, en ce qui concerne les charges, il faut nécessairement qu’elles soient évaluées en argent et annuellement ; cette évaluation doit normalement se trouver dans le bail (à condition, qu’il existe un bail écrit) ; elle n’a d’ailleurs d’intérêt que pour l’enregistrement, et, en cas de litige entre les parties sur l’exécution des charges, l’évaluation ainsi donnée ne peut être prise en considération.

Pour la perception de la taxe annuelle, il est procédé ainsi qu’il suit : le bail de chasse est, comme tous les baux, soumis à la formalité de l’enregistrement et doit, à cet effet, être présenté, dans les trois mois de sa date, au bureau d’enregistrement de la situation des biens loués. C’est au moment de l’enregistrement du bail qu’est perçue la première annuité de la taxe, calculée comme il vient d’être indiqué. Quant aux annuités suivantes, elles sont payées par le locataire de la chasse ; à cet effet, il doit se présenter au bureau d’enregistrement dans les trois mois qui suivent l’expiration de chacune des années suivant la première année du bail, et verser la somme correspondant à la taxe pour l’année écoulée.

L’on prévoit le cas, assez exceptionnel actuellement, où la location de chasse a été faite sans qu’aucun écrit l’ait constatée. En ce cas, le droit d’enregistrement et la taxe annuelle n’en sont pas moins dus; mais, comme on ne peut déposer d’acte à enregistrer, puisqu’il n’en a pas été fait, il est suppléé à ce dépôt par une déclaration verbale de la location que doit faire le locataire, dans les trois mois à compter du jour où la location a été consentie. Lors de cette déclaration, il est perçu à la fois le droit d’enregistrement pour la location et la première annuité, de la taxe annuelle.

La présentation du bail ou la déclaration constitue une obligation pour le locataire ; mais aussi pour le propriétaire ; et l’inobservation de cette obligation entraîne diverses sanctions contre l’un et l’autre.

Si l’acte constatant la location n’est pas présenté à l’enregistrement dans les trois mois, ou si, à défaut d’acte écrit, la déclaration n’en est pas faite dans le même délai, le locataire est astreint à payer le double, aussi bien pour l’enregistrement de l’acte ou de la déclaration que pour la taxe annuelle, et, si le droit n’excède pas 50 francs ou la taxe annuelle 100 francs, c’est ce chiffre qui est appliqué et constitue le minimum de la taxe. Ainsi, le locataire a alors à payer le droit d’enregistrement régulièrement dû et un droit en plus à titre de pénalité, sans que ce droit en sus puisse être inférieur à 50 francs ; il a également à payer la taxe annuelle et une taxe en plus, sans que cette dernière puisse être inférieure à 100 francs. Le propriétaire n’est tenu qu’au payement du droit simple et du montant de la taxe annuelle, et peut, au surplus, s’en faire dédommager par le locataire, à condition, toutefois, qu’il ait, à défaut de ce dernier, présenté l’acte ou fait la déclaration dans le mois qui suit l’expiration du délai de trois mois imparti au locataire ; s’il n’a pas rempli la formalité dans ce délai supplémentaire d’un mois, le propriétaire encourt personnellement, à titre de pénalité, une taxe en sus au minimum de 100 francs, dont il ne peut se faire indemniser par le locataire, ce dernier étant également astreint au payement d’une taxe en plus pour son compte personnel.

Pour les annuités de la taxe en sus de la première, le locataire doit aller la payer spontanément, sans attendre d’être convoqué à cet effet, et ce, dans les trois premiers mois de l’année, comme indiqué plus haut. Faute de le faire, il est soumis à une taxe en plus, avec minimum de 100 francs. Le propriétaire n’est pas ici astreint à la taxe à défaut du locataire et n’a aucune déclaration à faire pour les années autres que la première.

La loi dispense de la taxe, en ce qui concerne la pêche, les sociétés de pêcheurs à la ligne régies par la loi du 20 janvier 1902, ainsi que les sociétés coopératives de pêcheurs professionnels ; d’autre part, les locations de chasse ou de pêche, dont bénéficient les locataires des immeubles sur lesquels s’exerce le droit de chasse ou de pêche, ne sont pas non plus soumises à la taxe sur les locations de chasse ou de pêche.

La taxe dont nous venons de nous occuper est une taxe perçue au profit de l’État et, sous réserve des exceptions que nous venons d’indiquer, elle s’applique automatiquement et sur tout le territoire français. À côté de cette taxe, il peut en être créé une autre au profit, soit d’une ou plusieurs communes d’un département, soit au profit d’un département ; les taxes communales sont créées par le Conseil municipal de la commune, les taxes départementales par le Conseil général du département. Ainsi, elles n’existent pas dans tous les départements, ni dans toutes les communes. Mais, dans certains lieux, il peut exister trois taxes superposées sur la location de chasse, la taxe d’État (qui existe partout) et, en outre, une taxe départementale et une taxe communale. Pour que cette triple taxe n’arrive pas à grever de manière excessive les locataires de chasse, la loi fixe pour ces diverses taxes des maxima : la taxe communale ne peut excéder 25 p. 100 de la taxe d’État, et la taxe départementale, la moitié de la taxe communale ; toutefois, ces maxima peuvent être dépassés à titre exceptionnel avec approbation par décret en Conseil d’État.

Dans une causerie ultérieure, nous nous occuperons de la taxe sur les chasses gardées.

Paul COLIN,

Avocat à la Cour d’appel de Paris.

Le Chasseur Français N°598 Avril 1940 Page 194