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Le déterrage

Parler de ce sujet en quelques lignes est chose peu aisée. Maintes fois traité par d’excellents confrères et pratiquants, ce genre de sport reste toujours d’actualité. Tenant autant de la chasse que de la destruction, le déterrage joint ainsi l’utile à l’agréable.

Les animaux menacés par le déterrage sont le blaireau et le renard. Il est inutile ici de soulever la question du degré de « nuisibilité » de ces deux animaux ; contentons-nous d’admettre que ce sont des animaux de chasse, par conséquent bons à tuer.

Savoir discerner un terrier de blaireau de celui d’un terrier de renard, cela n’offre d’intérêt que dans le cas d’un petit terrier à une ou deux gueules et de construction récente. Or, huit fois sur dix, ce n’est pas le cas, on tombe sur des terriers à gueules multiples, où renards et blaireaux cohabitent le mieux du monde, n’en déplaise certaine bonne blague transmise depuis des générations et qui veut que messire renard, en fientant à l’ouverture des trous, fasse fuir le blaireau du terrier. Mais il est autrement intéressant de savoir si les habitants sont présents au moment du déterrage. En sol meuble et de bon revoir, c’est chose facile ; en sol dur, il en est tout autrement. Il faut avoir recours aux ruses d’Indiens : brindilles, fils, ronces, etc. ; et encore ces petits moyens laissent toujours subsister un certain doute sur l’identité de l’animal qui a dérangé le dispositif. Rien ne prouve, par exemple, que ce ne soit un chien, un chat (le cas n’est pas neuf de trouver ce client en tel lieu), un animal entré, puis ressorti, voire même l’action du vent. L’examen des coulées partant du terrier est, lui aussi, sujet à caution. La neige est un précieux atout. Mais, en dehors du revoir préparé la veille au soir, il ne reste comme certitude que le chien « indicateur » pour ne pas opérer à vide.

La nature du sol détermine et le personnel et l’outillage (pelles, bêche, pioches, hachette, sacs, fagots au besoin pour obturer les grands trous, trousse de pansement), sans oublier la pince, à mon avis moins barbare que le crochet.

Le déterrage se pratique surtout de novembre à avril-mai ; mais la saison et le temps dans chaque région restent les grands maîtres dans le choix du moment le plus favorable.

Dire que le déterrage est chose facile et enfantine, serait une bonne plaisanterie ! Plein d’imprévu, hérissé souvent de difficultés, il vaut mieux s’abstenir de pronostics sur les résultats, car, même dans des terriers archi-connus, il est impossible de savoir combien de temps durera l’opération.

Quant aux chiens à employer, seule l’épreuve réelle sur le terrain peut donner une indication utile sur la valeur pratique de ces animaux. Qu’il s’agisse de teckels, bassets, dachshund, fox divers, on ne peut les juger qu’à l’œuvre. Il faut cependant reconnaître que les épreuves de terriers artificiels donnent une première approximation fort utile. À mon avis, et je m’adresse aux dévoués organisateurs de ces épreuves, il serait bon de prévoir un essai en vue de déterminer si les chiens présentés sont créancés uniquement sur le blaireau et le renard. Car rien n’est plus stupide qu’un chien qui s’amuse aux lapins.

Passant sur les aptitudes physiques des sujets : taille, forme, rusticité, résistance, j’en arrive au point délicat : un terrier doit être un accrocheur très bavard ; son travail est de coller derrière l’animal terré, de le suivre au plus près dans toutes ses évolutions, de lui mordre l’arrière-train s’il lui présente, mais de savoir éviter le combat quand l’animal prend l’offensive.

On trouve parfois de minuscules fox qui accomplissent cette besogne en maîtres ; j’en ai vu d’autres qui indiquaient nettement par leur allure la présence, soit du renard, soit du blaireau à la gueule du terrier. Il est à peu près indispensable d’avoir au moins deux chiens ; quatre serait mieux, car il faut toujours compter avec les coups durs. Je ne parle pas évidemment pour les professionnels du déterrage nantis d’un véritable équipage, mais pour les amateurs qui sont encore nombreux en France, malgré les charges fiscales créées qui ont amené une sérieuse diminution des équipages de chasse à courre, ou même d’emploi de plusieurs chiens. Or il est rare de faire une saison de déterrage sans pertes ; il faut toujours compter avec les griffes du blaireau qui lui permettent de travailler rapidement sous terre et qui sont de taille à étriper correctement un chien trop mordant.

Quant au mode opératoire, je le laisse aux théoriciens ; la pratique, la connaissance parfaite de ses chiens, du terrain, l’art de savoir écouter sur le sol, permettent seuls d’intervenir vite, au moment utile et exactement là où il le faut.

Enfin qu’il me soit permis de rappeler que, malgré l’épithète « nuisible » qui orne le casier cynégétique des deux animaux de déterrage, il n’en reste pas moins vrai que ces bêtes ont droit à une mort rapide, donnée par un chasseur et non par une brute : l’emploi des bâillons, la pratique des dents cassées, les yeux crevés, ce n’est plus de la chasse, ce n’est même plus de la boucherie, c’est le sadisme de l’assassinat.

André CHAIGNEAU.

Le Chasseur Français N°598 Avril 1940 Page 201