Les appâts.
— Le saumon peut se pêcher, au lancer léger, soit aux
appâts tournants : cuillers et devons ; soit aux appâts ondulants ou
vacillants : poissons nageurs ; soit au poisson mort sur monture
tournante, ondulante ou vacillante ; soit à la crevette ; soit,
enfin, à la mouche plombée.
Cuillers.
— Ce sont de préférence des cuillers longues et assez
grandes. Un grand nombre de modèles sont efficaces. Les teintes les plus
recherchées sont, en général, le fond argenté mat taché sur la face externe de
points rouges.
Pour le lancer léger, dont la précision est un des plus
grands avantages, il est toujours préférable de plomber la cuiller « en
tète ». Mais, comme je vous l’ai indiqué autrefois, il sera très utile
d’adopter un système permettant au plomb de s’échapper lorsqu’un poisson est
ferré et de remonter le long du bas de ligne, comme un corps de devon.
Avec les cannes dont je vous ai parlé, vous pourrez au
besoin plomber vos cuillers jusqu’à 20 grammes, ce qui, avec un gut de
30/100, permet de travailler à une profondeur égale à celle qu’atteindrait avec
une soie deux fois plus grosse un appât plombé à 80 grammes.
Devons.
— Il est préférable qu’ils ne soient pas trop petits,
pour ce poisson peu méfiant et dont l’attention doit être attirée. Aussi les
devons en métal léger, notamment en aluminium, qui peuvent être établis à des
dimensions suffisantes, paraissent-ils tout indiqués, dans les poids variant de
5 à 20 grammes. Leur armement, comme celui des cuillers, devra consister en
grappins relativement fins de fer, extrêmement piquants et à ardillons modérés.
Car le ferrage, au lancer léger, est toujours moins puissant que celui qu’on
peut pratiquer au lancer lourd. Le Devon Rubtex en caoutchouc réalise,
semble-t-il la perfection.
Poissons nageurs.
— Il en est, comme pour la truite, une grande quantité
de modèles, dont le principal défaut est de ne pas être très bon marché. Ils
donnent des résultats excellents ... quand ils fonctionnent, c’est-à-dire
lorsque, tirés à travers les couches liquides, ils exécutent la petite danse
qui produit les vibrations indispensables. Or, il existe des modèles de
poissons nageurs qui se laissent remorquer sans la moindre réaction en eau
morte, et à plus forte raison quand on leur fait descendre le courant (pêche
« up stream »), mais qui se comportent de façon satisfaisante
lorsqu’on leur fait remonter le courant. Ces appâts ne sont pas fameux ! pour
les poissons qu’il est de règle de pêcher « up stream », soit en se
tenant en aval, lançant vers l’amont et faisant : descendre l’appât, un
peu plus vite que le courant, ce qui est le cas général. Pour le saumon, au
contraire, on pêche presque toujours « across and down stream », c’est-à-dire
en travers et en aval, de sorte que même les modèles défectueux sont utilisables.
Il en est d’articulés, d’autres d’une seule pièce. Tous sont
bons si leur profil est bien étudié, leur coloration et leur vernis soignés et
leur armement consistant en grappins suffisamment piquants.
Poissons morts.
— Le vairon est ici trop petit. Le goujon n’est pas
mauvais en eau claire ; mais, c’est certainement l’ablette qui constitue le
meilleur appât en eau légèrement colorée, car son éclat de perle est
incomparable.
Les Anglais emploient beaucoup les poissons de mer, et
particulièrement « spratt », qui est une sorte de petite sardine,
conservé dans le sel et même doré artificiellement. Ceci dans l’idée que le
saumon, étant un poisson de mer, doit préférer le poisson de mer. Je regrette,
mais suis extrêmement sceptique sur ce point. Et je suis persuadé qu’une belle
ablette, bien préparée au formol et à la glycérine, est un appât sans rival.
Je ne reviens pas sur la question des montures que j’ai
longuement traitée à propos du brochet. Il y a la monture hélice, à ailettes
métalliques ou transparentes, la monture genre Ariel, les montures ondulantes
qui courbent le poisson, et les montures vacillantes, où un plan incliné fait
danser l’appât.
Je dirai seulement que, pour le saumon, poisson peu méfiant,
je le répète, qui se pêche en aval, l’essentiel est de conserver à l’appât
beaucoup de liberté et de légèreté, ce qui s’obtient assez mal si on le plombe
à l’intérieur.
Aussi la meilleure monture me paraît-elle être la suivante,
très facile à bricoler soi-même. C’est un léger perfectionnement du système
employé en Loire moyenne par tous les pêcheurs de brochets. Prenez une monture « Jardine »,
ou fabriquez-la vous-même en empilant à la suite l’un de l’autre deux grappins
triples no 7 ou 5 sur fil d’acier souple, terminé par une
boucle et long d’environ 30 centimètres. Piquez le grappin terminal dans
les chairs de la queue du petit poisson, sur la « ligne latérale ».
Courbez le poisson et piquez l’autre grappin dans son flanc, toujours au niveau
de la ligne latérale, de façon que la queue reste bien courbée. Alors passez la
boucle de la monture dans une « aiguille à amorcer » que vous
enfoncez dans le flanc de l’appât et ressortez par la bouche. Cela pourrait
suffire. Il n’y aurait plus qu’à ligoter le petit poisson au niveau du second
grappin avec du fil de laiton fin. Mais les deux grappins se présentent ainsi
dans l’intérieur de la courbe. Il est bon que le petit poisson soit aussi armé
à l’extérieur. Ce n’est pas compliqué : prenez un hameçon double dit
« droit » (les deux pointes du même coté), du numéro 7 ou 5
suivant la taille de l’appât. Montez-le sur un petit bout de fil d’acier uni
dont vous repliez l’extrémité que vous passez dans l’aiguille à amorcer. Piquez
le flanc extérieur, côté convexe, au milieu, et sortez par la bouche. Reliez
l’aiguille et tordez votre fil d’acier autour de l’empile de la monture. Tout
cela est long à écrire, mais se fait en trente secondes.
Le bas de ligne se termine par un émerillon à système auquel
vous accrochez la monture. Au-dessus de cet émerillon, une olive de plomb de 10 grammes
(ou de 15 suivant la puissance de la canne et les circonstances) coulisse sur
le bas de ligne, pouvant remonter librement, mais arrêtée vers le bas par
l’émerillon. Cette olive reste ainsi toujours à 30 centimètres du poisson,
ce qui lui donne une bien plus grande liberté d’allure pour virevolter et
papillonner dans les courants et les petits remous ; Reste la monture à
crevette, et la mouche plombée. Les montures à crevettes sont nombreuses. Elles
consistent presque toutes en une aiguille qu’on enfonce dans le corps de la
crevette et qui la maintient droite, et une monture portant deux hameçons
doubles qui se confondront avec les pattes du crustacé. Nous en reparlerons
plus loin.
Quant à la mouche plombée, c’est tout simplement une mouche à
saumon du modèle ordinaire, par exemple une Jock Scott ou une Silver Doctor ou
tout autre, mais établie non sur un hameçon à hampe nue, mais sur un hameçon
dont la hampe est déjà chargée, avant de recevoir soie et plumes, de nombreux
tours de fusible de plomb fin. On arrive à faire ainsi des mouches pesant 2, 3,
même 4 grammes, qui peuvent être lancées avec la « 400 grammes »
et manœuvrées dans les courants comme une véritable mouche à saumon, bien qu’un
peu plus profondément.
A. ANDRIEUX.
(1) Voir numéro de mars 1940.
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