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Hippisme

L’allaitement des poulains.

La mise-bas des poulinières, qui débute dès le mois de janvier, principalement chez les juments de pur-sang, consacrées spécialement à la reproduction, se manifeste plus tardivement dans les races communes qui forment le gros des effectifs hippiques de nos campagnes. Le plus grand nombre des naissances s’échelonne pour celles-ci, en général d’avril à juin et même juillet, le plus tôt étant toujours le mieux, du fait qu’il permet plus facilement le sevrage du poulain avant l’hiver, alors qu’il est âgé de cinq ou six mois.

Parmi ceux qui se livrent peu ou prou à l’élevage, chacun connaît — ou devrait connaître — le dicton de bon conseil, qui dit que, pour faire un bon poulain, il faut « un bon père, une bonne mère et un bon coffre à avoine ».

On ne saurait mieux dire ; mais, avant que de penser au contenu du coffre à avoine, il est sage de ne pas négliger de surveiller, avec toute l’attention qu’elle mérite, la question de l’allaitement, ce régime obligatoire et indispensable à tous les nouveau-nés, dont ils sont appelés à bénéficier ou à pâtir au cours de leur existence, selon qu’ils auront été bien ou mal nourris pendant les premiers mois de leur naissance.

L’allaitement désigne donc la période pendant laquelle tous les jeunes animaux se nourrissent du lait de leur mère, que celui-ci soit pris de manière naturelle ou artificielle, ou qu’il y ait obligation de recourir à une « nourrice d’adoption ».

La fonction digestive, qui est dominante chez les « nouveau-nés », tient complètement sous sa dépendance le développement corporel des sujets ; aussi doit-elle être surveillée attentivement, tant au point de vue du rôle de l’allaitement dans l’amélioration de l’individu et des races, que des prescriptions hygiéniques qu’il réclame pour favoriser la santé des poulinières et de leurs produits.

L’allaitement naturel par la mère, surtout quand celle-ci n’est pas une primipare (qui a son premier poulain), se fait généralement dans des bonnes conditions, sans intervention ni assistance particulière, si ce n’est pourtant pour veiller à l’absorption du «colostrum » ou premier lait de la mère ; pour régler le nombre et la durée des tétées qui doivent se faire à heures fixes, et aussi pour soumettre la poulinière à une alimentation copieuse et saine, riche en principes alibiles et en eau (grains concassés ramollis ou cuits, farines délayées dans l’eau, thé de foin, herbes de bonne qualité, etc.). Il est de toute première nécessité que le poulain, dès sa naissance et les jours qui suivent, absorbe le « colostrum » à cause de sa composition chimique particulière et de ses propriétés laxatives, qui doivent contribuer à débarrasser les intestins du « nouveau-né » du « méconium », dont ils sont plus ou moins gorgés. Ce méconium est le résidu excrémentiel de la vie intra-utérine du fœtus, renfermant une forte proportion de bile, et dont la consistance variable, molle ou durcie, influe sur la rapidité de son expulsion.

Le régime alimentaire de la poulinière, pendant la dernière période de sa gestation, agit directement sur les caractères physiques du méconium, et une alimentation trop forte échauffante (avoine, tourteaux), peut être cause des difficultés d’expulsion de ce résidu toxique accumulé dans les différentes portions de la masse intestinale. D’après Curot, la non-expulsion du méconium joue un rote important dans la morbidité et la mortinatalité des jeunes animaux.

Le professeur Dechambre, de l’École vétérinaire d’Alfort, d’autre part, en étudiant spécialement le colostrum de la vache, a pu faire les constatations suivantes : « Il est de coloration foncée, de saveur amère et d’altération rapide ; chimiquement, il se caractérise par un taux élevé de matières minérales et une proportion très faible de lactose ou de sucre de lait. De plus, alors que dans le lait normal la matière azotée est représentée essentiellement par de la caséine que complète une faible quantité d’albumine, dans le colostrum la teneur en albumine est extrêmement forte. Avec ses effets purgatifs, le colostrum possède encore des propriétés nutritives très marquées, dues à la présence de la matière azotée et de la matière minérale à un taux supérieur au taux du lait ordinaire. Enfin, il est doué encore de propriétés spéciales, fort intéressantes à considérer, parce qu’elles sont liées à la présence de substances capables d’assurer la défense du jeune organisme contre certaines maladies infectieuses.

La conclusion logique de ces différentes constatations est que tous les nouveau-nés doivent consommer le colostrum de leur mère, au minimum pendant une semaine, quel que soit le régime d’allaitement qui leur soit réservé ou imposé par la suite. Chez la vache, tout spécialement, cette sage précaution se trouve confirmée du fait qu’après la mise-bas, il faut attendre au moins une huitaine de jours la terminaison de la sécrétion colostrale, avant d’obtenir un lait de composition normale, pour être livré à la consommation humaine.

L’ingestion du colostrum, en débarrassant et en aseptisant la masse intestinale du nouveau-né, favorise en même temps son appétit ; mais ses effets purgatifs ne sont pas toujours suffisants. Chez les poulains qui restent constipés et quelquefois tout à fait bouchés, on pourra, employer utilement, en guise de suppositoire, un morceau de savon de Marseille taillé pour la circonstance, ou bien quelques cuillerées d’huile d’olive administrées par la voie buccale ou rectale, ou enfin, en dernier ressort, de l’huile de ricin.

Pour éviter pareil inconvénient, il suffira, ainsi que nous l’avons déjà dit plus haut, de surveiller l’hygiène alimentaire des mères, pendant le dernier mois de la gestation, et de ne pas suralimenter le nouveau-né, comme cela se fait fréquemment pour les ânes ou les mulets, qu’on nourrit de lait mélangé de farines, alors que le plus souvent on les a privés, pour se conformer à un sot préjugé, des effets bienfaisants du premier lait de leur mère 

J.-H. BERNARD.

Le Chasseur Français N°598 Avril 1940 Page 217