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Lettres de ma plate-bande

Nettoyage des allées.
Les cordons infertiles.
Les fruits qui tombent.
La bruche des haricots.
La truffe et les chênes truffiers.
Les navets filandreux.

Nettoyage des allées.

— « À la chute des feuilles, pendant de longs mois, je n’arrive pas à approprier les allées de mon jardin, ni au râteau, ni au balai, des feuilles mortes qui les salissent, notamment celles des acacias qui sont très « collantes ». Que conseillez-vous de faire ? »

Le balai ne peut avoir un pouvoir libératoire que sur les allées cimentées, bétonnées ou goudronnées ; quant au râteau, il ne joue pas pour démêler les feuilles des revêtements sableux ou caillouteux. L’un et l’autre des deux outils ne conviennent pas.

Pour extirper les feuilles récalcitrantes, il faudrait un aspirateur spécial, assez puissant pour les engamer, tout en respectant les matériaux graveleux, beaucoup plus denses. Mais, comme il est probable que les appareils existants ne sont pas bien adaptés à ce genre de travail, nous allons être obligés de chercher d’autres solutions.

On peut, par exemple, arroser les allées avec une substance corrosive, capable de détruire la matière organique, comme l’acide sulfurique en dilution dans l’eau, à la dose de 15 à 20 p. 100. Ce liquide étant d’une manipulation dangereuse et nécessitant pour son épandage un pulvérisateur doublé de plomb, je pense qu’il vaudrait encore mieux appliquer le procédé ci-après :

Par une belle journée, lorsque toutes les feuilles sont tombées, pulvériser sur toute la surface des allées, par portions de 10 à 15 mètres, de l’essence minérale. Faire flamber celle-ci en allumant sous le vent. La matière organique brûlée, donner un coup de râteau. Ce mode d’incinération détruit également les mauvaises graines, et les allées sont naturellement plus propres en cours de saison.

Les cordons infertiles.

— Un très ancien abonné, M. Louis Fourrat, pose une question d’arboriculture qui pourrait donner lieu à plusieurs interprétations :

« Vingt-cinq mètres de pommiers en cordons, bien placés et assez vigoureux, plantés depuis cinq ans, n’ont pas donné dix pommes ! Je crains que la taille, peut-être mal faite, leur ait été défavorable. Où est-ce une question d’entretien, de fumure ? Qu’y a-t-il lieu de faire ? »

Ne connaissant rien des porte-greffes, ni des variétés de pommier, je me vois obligé de « nager » entre diverses hypothèses pour fournir une explication motivée. Disons d’abord que, pour avoir des cordons fertiles, arbres de petit développement, le greffage doit être fait sur des sujets également de faible développement, tel que le paradis. En général, le doucin pousse trop vigoureusement pour être employé comme porte-greffe, à moins que ce soit pour planter en terrain sec ou un peu aride.

Quel que soit le sujet, à plus forte raison si c’est un doucin, la taille ne doit pas être trop sévère, et il faut bien se garder de raccourcir outre mesure les prolongements, car, alors, on provoquerait, presque à coup sûr, la formation des gourmands. Il en serait de même si on taillait trop court les coursonnes : la sève, refluée sur un trop petit nombre d’yeux, ferait partir ceux-ci à bois et, à la place de fruits, on récolterait des fagots. Or, un arboriculteur et un forestier font « deux ».

Voilà une hypothèse. M’est avis que, si vous voulez favoriser la fructification de vos pommiers, vous devrez chercher à développer le plus possible les branches de charpente de vos cordons, par l’élongation des deux bras, ou en créant un étage supplémentaire. Efforcez-vous, en outre, de provoquer la formation de nouvelles coursonnes, et taillez à un œil de plus qu’à l’ordinaire celles existantes. Enfin, pour hâter la mise à fruits, greffez des dards ou des boutons.

Si cela ne suffit pas, vous déchausserez le pied des cordons les plus vigoureux, et vous couperez une ou deux racines à chacun d’eux. Mais gardez-vous de faire des apports d’engrais tant que la mise à fruits ne sera pas réalisée, car cet engrais ferait du bois.

Les fruits qui tombent.

— Un abonné de l’Allier signale le fait suivant :

« Il y a dans mon potager quatre pêchers de trois ans en bon état, et un pêcher de sept à huit ans ayant mauvaise mine. Ils viennent tous de noyaux ayant germé sur place. Ces arbres n’ont pas été greffés. En 1938, toutes les fleurs ont été détruites par les gelées. En 1939, floraison, superbe, mais seuls les fruits du vieux pêcher ont tenu le coup. Tous ceux des jeunes sont tombés, alors qu’ils étaient déjà gros. Quelle est la raison de cette chute et que faire pour l’empêcher si elle venait à se reproduire ? »

Pour une cause à déterminer, sécheresse, excès d’humidité défaut d’engrais, etc., il y a eu arrêt de nutrition chez vos jeunes pêchers. Les fruits en formation ayant cessé de grossir, le pédoncule s’est desséché, et la chute était inévitable.

Votre vieux pêcher, mieux pourvu de racines, et surtout en chevelu, a mieux supporté la carence végétative imputable à des causes naturelles, et la fructification a pu se maintenir à peu près normale. Je pense que vous auriez pu empêcher ou atténuer la chute prématurée des pêches de vos jeunes arbres, en arrosant ceux-ci assez copieusement, une fois ou deux, avec une solution fertilisante contenant, par litre d’eau, 2 grammes de nitrate de soude ou de nitrate de chaux, 2 grammes de sylvinite riche et 2 grammes de superphosphate, en ajoutant 5 grammes de sulfate de fer, pour tonifier, dans le contenu d’un arrosoir. Une bonne application de fumier de ferme en couverture, effectuée au printemps sur toute la surface occupée par le réseau radicellaire, aurait fourni des résultats à peu près équivalents à ceux des engrais chimiques.

La bruche des haricots.

— « Existe-t-il un moyen radical d’empêcher les haricots d’être dévorés en grain par ce petit insecte, appelé bruche, qui est devenu un véritable fléau dans notre pays ? La première chose à faire serait d’abord, je crois, d’empêcher les adultes de reproduire ... »

Les bruches sont de petits coléoptères très voraces, dont il existe un grand nombre d’espèces qui s’attaquent à toutes les graines de légumineuses, haricots, fèves, pois, lentilles, etc., chacune d’elles ayant la sienne propre. L’insecte parfait pond, sur les gousses des plantes précitées, au début de leur formation, des œufs qui donnent naissance à des larves, lesquelles vivent au dépens de l’albumen des semences où elles ont élu domicile. Une fois repues, ces larves subissent une nymphose et donnent ensuite naissance à de nouveaux charançons.

Ce sont ces charançons qui, au printemps suivant, engendreront de nouvelles générations de bruches, cause initiale des futures déprédations. Pour empêcher la multiplication du malfaisant insecte, on ne devrait semer que des semences indemnes, à l’exclusion des autres, par exemple en les soumettant à un trempage d’une douzaine d’heures dans de l’eau, ce qui permettrait d’éliminer tous les grains bruches flottant à la surface, parce que plus légers que ceux tombés au fond. On obtiendrait des résultats aussi bons en n’employant pour les semailles que des haricots âgés de deux ans, ayant été enfermés pendant deux saisons dans des sacs en papier infranchissables, ou dans des récipients fermant hermétiquement.

Enfin, il y a la désinsectisation en série, pratiquée sur la totalité de la récolte. Il suffit de soumettre la légumineuse à l’action asphyxiante des vapeurs du sulfure de carbone, pendant vingt-quatre heures, dans un pot, jatte, caisse ou tonneau, munis d’un couvercle, et où l’on fait évaporer, dans une soucoupe, 50 grammes de sulfure de carbone par hectolitre de capacité.

La truffe et les chênes truffiers.

— « Votre article sur la culture des truffes, paru en août dernier, m’a beaucoup intéressé. Mais où trouver les chênes pubescent et yeuse, dont vous parlez, et qui sont inconnus ici ? Puis-je multiplier ces chênes par semis, ou par repiquage ? Quel est le meilleur procédé ? »

Tous les chênes peuvent servir de point de départ aux truffières, à condition qu’ils proviennent des régions où la truffe croît spontanément sous son couvert. Toutefois, ce sont les chênes pubescent ou yeuse, vulgairement appelés chêne blanc et chêne vert, qui sont les plus appréciés, surtout le premier, que l’on emploiera à l’exclusion du deuxième dans les pays de montagne, froids, et à une altitude dépassant 400 mètres.

Dans tous les cas, les plants de repiquage devront provenir des régions truffières (Périgord, Quercy, Angoumois, Vaucluse, Basses-Alpes, etc.) et être âgés de deux ou trois ans. La mise en place se fera de préférence en terrain calcaire, un peu maigre, ayant 15 à 25 centimètres de profondeur. C’est le seul mode de peuplement qui convienne pour les terrains engazonnés et en pente. Il suffira d’effectuer quelques sarclages et binages, l’année même de la plantation, pour favoriser la reprise.

Si on tenait absolument à procéder par semis, les glands devraient provenir également des chênaies propices à la truffe, en ayant la précaution de les laisser le plus longtemps possible en contact avec le terrain ensemencé, afin, dit-on, qu’ils emportent avec eux les spores du précieux champignon, que les futures radicelles du gland véhiculeront ultérieurement, pour hâter la venue toujours un peu mystérieuse du mycélium de la truffe.

Les navets filandreux.

— « Je ne puis récolter des navets tendres, à goût fin, pouvant être accommodés avec les canards. Les racines que j’obtiens sont creuses ou filandreuses ; elles exhalent une vague odeur de chou pourri, et elles ne se conservent pas en cave. À quoi cela tient-il et que dois-je faire pour y remédier ? »

Il faut un certain doigté pour produire des navets savoureux, à la chair douce, juteuse et fondante, n’ayant pas la sapidité déplaisante des crucifères, surtout lorsqu’on ne possède pas un jardin de nature sableuse et légère, dans le genre des alluvions provenant de la désagrégation des roches granitiques. En effet, dans les terres fortes, argileuses ou calcaires par excès, où les navets poussent très lentement et avec peine, à cause de la nature du sol et des morsures répétées des altises, ils laissent toujours à désirer sous le rapport de la qualité, le grain, la saveur et l’arôme n’étant pas du tout les mêmes que s’ils avaient crû rapidement.

Pour obvier à ce grave défaut, on devra toujours réserver aux semis de navets une parcelle légère ou terreautée, à bonne exposition, et ne pas entreprendre de semis avant que la terre soit réchauffée. On soignera en outre, tout particulièrement, les arrosages et les façons, afin d’activer leur croissance et d’éviter tout arrêt végétatif. Les navets d’été, race marteau, ont une tendance à devenir creux. Pour la resserre, on cultivera les navets de Meaux, les durs d’hiver et la race d’Auvergne, en les semant en juillet-août, pour les récolter en octobre. La mise en silo ou dans le sable frais est de rigueur pour les racines que l’on veut conserver pendant plusieurs mois.

Adonis LÉGUME.

Le Chasseur Français N°598 Avril 1940 Page 220