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Soins aux plantations tardives

En raison des événements graves qui se sont produits, les plantations d’arbres projetées l’été dernier n’ont pas pu, pour la plupart, être réalisées à l’automne. La main-d’œuvre manquait, les transports étaient incertains, l’avenir l’était plus encore ! ...

L’hiver est ensuite survenu d’assez bonne heure et, jusqu’au début de février, il eût été de la dernière imprudence de faire voyager des arbres.

Puis le dégel, accompagné d’inondation de tous les terrains bas, n’ont pas permis de toucher à la terre pendant plusieurs semaines.

Finalement, la plantation s’est péniblement effectuée, en beaucoup d’endroits, à la veille du départ de la végétation.

Les planteurs avisés ont bien, il est vrai, praliné les racines en les trempant dans une bouillie formée d’argile, de bouse de vache et d’eau.

Ils n’ont pas manqué non plus de munir chaque sujet d’un bon tuteur destiné à l’immobiliser absolument pendant la période de reprise.

Toutes ces précautions sont, certes, d’une incontestable utilité, mais elles ne sont pas toujours suffisantes à assurer la réussite de la plantation. D’autres soins sont, la plupart du temps, indispensables.

Parmi les soins à donner aux plantations nouvelles, l’arrosage se place au premier plan.

L’arrosage n’a pas seulement, comme on le croit souvent, pour objet de fournir aux racines une certaine humidité, mais aussi et surtout de remplir de terre les vides qui existent entre ces racines. Ainsi l’arbre se trouve fixé au sol de façon plus rapide et plus parfaite ; des radicelles se forment sur toute la longueur des racines et la vie reprend.

Les meilleurs praticiens, lorsqu’il leur arrive de planter des arbres au printemps, les arrosent dès l’opération effectuée. Ils facilitent ainsi puissamment la reprise. Voici d’ailleurs comment ils opèrent, même lorsque la terre est humide :

Ils pratiquent, autour du pied de l’arbre et, à une distance plus ou moins grande selon la force de celui-ci (30 à 50 centimètres), une cuvette large et peu profonde, dans laquelle ils versent, peu à peu, une quantité d’eau proportionnée à l’âge de l’arbre et à la nature du terrain, en moyenne un demi-arrosoir s’il s’agit d’un scion d’un an, ou un arrosoir ou deux pour un arbre à haute tige de force ordinaire. Puis, lorsque l’eau s’est infiltrée dans le sol, ils ramènent un peu de terre saine pour combler la cuvette et empêcher la formation d’une croûte dure en surface, laquelle croûte, en s’opposant à la pénétration de l’air, serait plutôt nuisible à la reprise.

Lorsqu’on a conservé une motte de terre entre les racines lors de la déplantation et que cette motte a séché pendant le transport, il est assez difficile de bien imbiber celle-ci jusqu’au centre. Il est, dans ce cas, recommandé de faire la cuvette plus petite que la motte, de façon à obliger l’eau à pénétrer dans cette dernière, plutôt que dans la terre du pourtour, plus perméable. Il vaut mieux encore, si la motte n’est pas trop grosse, la faire d’abord tremper dans l’eau, puis la laisser s’égoutter quelque peu avant-de la placer dans le trou.

L’arrosage ainsi fait au moment de la plantation peut suffire jusqu’en fin mars en année ordinaire ; mais, dès que les bourgeons commencent à s’entr’ouvrir, si le temps est sec, il faut donner à nouveau de l’eau, surtout si l’arbre n’a pas encore pris entièrement possession du sol, ou bien s’il a subi un transport prolongé entre l’arrachage et la replantation.

Il ne faut pas perdre de vue que, pour obtenir une bonne reprise, des soins seront encore nécessaires au cours de l’année de plantation. De nouveaux arrosages pourront être en particulier utiles. On en réglera la fréquence d’après le temps qu’il fait et le degré de sécheresse de la terre.

Mais, s’il est nécessaire d’arroser raisonnablement les arbres nouvellement plantés, il faut bien se garder d’exagérer. Les sujets transplantés ont, en effet, perdu, lors de l’arrachage, une grande partie de leurs racines. Les extrémités surtout ont disparu, et ces extrémités sont les parties qui portent les organes capables de puiser dans le sol l’eau et les solutions de sels minéraux qui constituent la sève minérale ou sève brute. Ces organes, appelés poils absorbants, se reforment bien sur les racines de l’arbre nouvellement planté, mais fort lentement et, en attendant qu’ils soient en nombre suffisant, l’absorption par ces racines est fort réduite. En arrosant trop souvent, on aboutirait donc, non à favoriser la reprise de l’arbre, mais plutôt à l’entraver en faisant pourrir les racines.

Dans le courant de l’été, il vaut mieux donner des arrosages copieux et peu fréquents que de légers arrosages plus souvent répétés ; il est également toujours préférable de donner l’eau le soir, après le coucher du soleil.

Lorsqu’il s’agit d’arbres plantés en sol récemment et profondément ameubli et placés le long d’un treillage de contre-espalier ou d’espalier, il faut bien se garder de les attacher au treillage aussitôt après la plantation, car, lors du tassement, ils resteraient suspendus, et il se produirait, au-dessous des racines, des cavités préjudiciables, à la bonne reprise.

Dans le but de restreindre le nombre des arrosages, il est bon de pailler le pied des arbres. Dans ce but, on fait, en mai, au pied de ceux-ci, une sorte de bassin circulaire assez large et on garnit le fond de ce bassin de 4 à 5 centimètres de fumier à demi-décomposé ou, à défaut, de foin avarié ou de toute autre substance formant écran et empêchant la surface de se battre et de se durcir ensuite en séchant. De cette façon, un arrosage tous les mois, en cas de grande sécheresse, suffira amplement pour maintenir le degré de fraîcheur convenable.

Pour les arbres à haute tige plantés tardivement au printemps, une bonne précaution consiste aussi, soit à blanchir le tronc avec un lait de chaux, soit mieux à l’entourer, depuis la base jusqu’aux premières branches, d’une torsade de paille ou de foin, arrêtée en haut et en bas par une ligature d’osier. On évitera ainsi les coups de soleil sur le tronc qui, dans bien des cas, causent des brûlures de l’écorce et font souvent sentir leur influence néfaste pendant un grand nombre d’années.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°598 Avril 1940 Page 222