À cette époque de l’année, les germes des tubercules sont
suffisamment apparents, aussi bien dans les caves que dans les granges. Le
moment est donc bien choisi, pour étudier les germes et la germination. Nous
examinerons successivement, dans cette brève causerie, la disposition des yeux
sur les tubercules, leur évolution progressive au cours des phénomènes germinatifs
et les caractéristiques des germes en vue de la classification des variétés.
Pour la compréhension des idées exprimées, il est bon de signaler que nous
entendons, par yeux ou bourgeons, les petites excroissances
écailleuses, visibles ça et là sur la peau des tubercules, et par germes,
les yeux qui commencent à se développer.
La disposition des yeux sur les tubercules.
— Examinons attentivement la surface de quelques
tubercules de plusieurs variétés. Deux observations générales peuvent être
faites au sujet des yeux :
1° D’abord, en ce qui concerne leur répartition :
pour toutes les variétés, les yeux sont plus nombreux et plus développés au sommet
du tubercule, c’est-à-dire à la partie opposée au point d’attache. Les
bourgeons latéraux et ceux de la base sont plus rares et moins gros. Le nombre
total des yeux varie avec les tubercules examinés, et aussi avec la variété ;
2° En ce qui concerne la disposition des yeux, on
peut remarquer que, chez certaines sortes, telles que Fin de Siècle, Bintje,
les yeux sont tout à fait superficiels, ce qui facilite grandement l’épluchage.
Chez d’autres comme Merveille d’Amérique, Chardon, les yeux sont
plus ou moins enfoncés dans la peau.
Le phénomène de la germination.
— Le tubercule peut être considéré comme une masse de
matières nutritives accumulées en vue de l’évolution des germes. Ce
développement constitue le phénomène appelé germination.
Pour que la germination se produise, la température
du lieu doit atteindre, au moins 8 à 10 degrés. En outre, un certain temps
de repos doit exister depuis l’époque de l’arrachage. On sait parfaitement
qu’à l’automne, quelques semaines après la récolte, la germination se produit
mal ou très faiblement, alors que dans les mêmes conditions de température,
elle est très active au printemps.
La germination des tubercules à l’obscurité n’est pas
identique à la germination dans un lieu éclairé. Dans le premier cas, il
se produit des filaments mous, blancs, très allongés, que
tous les cultivateurs connaissent bien. Si on veut utiliser ces tubercules germés,
soit pour la consommation, soit pour la plantation, il est indispensable
d’enlever les filaments ; cela constitue l’opération du dégermage.
Parallèlement, les tubercules germés à l’obscurité perdent petit à petit leurs
qualités alimentaires ; ils deviennent mous et flasques, en raison de la
disparition progressive des substances nutritives.
À la lumière, le phénomène germinatif est tout
différent ; les germes sont courts, trapus et durs ;
ils tiennent solidement au tubercule. En outre, si l’éclairage est un peu
amoindri, les germes présentent certaines particularités de teintes,
d’ailleurs variables avec les sortes de pommes de terre envisagées. Ces
colorations présentent un grand degré de fixité. En raison justement de cette
fixité, on a songé à utiliser les différences de couleur des germes pour la
classification des variétés. Dès l’année 1880, Henry de Vilmorin s’est
servi de ces modalités de teintes pour sa classification. Voici ce qu’il
écrivait dans l’introduction de sa classification de 1880 : « Les
germes se développent toujours semblables à eux-mêmes, avec la même apparence
et la même couleur dans une même variété, et cette apparence est souvent assez
caractéristique pour permettre de déterminer sûrement une pomme de terre par la
simple inspection du tubercule pourvu de son germe ».
Après de Vilmorin, divers auteurs étrangers et
français, notamment Ducomet et Diehl, ont approfondi la question
à tel point que, dans les classifications actuelles, certains caractères
germinatifs constituent des points de repère importants.
Les observations s’effectuent en faisant germer les
tubercules, non en pleine lumière, mais dans un local faiblement
éclairé et à une température d’environ 12 degrés. On obtient ainsi des
germes se différenciant fort bien, et ces différences se rapportent surtout à
la pigmentation et à la pilosité.
La pigmentation des germes.
— Le mot pigment sert à désigner la substance
colorante des tissus. La pigmentation ou coloration des germes diffère selon
les variétés envisagées. Pour les sortes ayant des tubercules dont la peau est
colorée en rose, en rouge, en bleu ou en violet, il semble exister une certaine
corrélation entre la couleur de la peau et celle des germes. Mais, pour les
variétés extrêmement nombreuses dont les tubercules ont une peau jaune ou
blanche, la coloration des germes ne peut se présumer.
1° Des germes plus ou moins violets s’observent chez
les variétés à peau violette : Violette d’Auvergne, Géante bleue,
Odenwalder, Vitelotte noire, etc., et chez beaucoup de sortes à
peau jaune ou blanche : Parnassia, Bintje, Industrie,
Quenelle, Eigenheimer, etc. ;
2° Des germes teintés de rouge pâle, de rouge pur,
ou de rouge violacé se rencontrent chez les variétés à peau rose ou
rouge : Early Rose, Flourball. Saucisse, Walthmann,
Roode Star, Merveille d’Amérique, Rouge d’automne, etc.,
et chez un certain nombre d’autres telles que Flava, Majestic, Royal
Kidney ;
3° Il existe des germes si faiblement pigmentés qu’ils sont
presque incolores ou seulement verts à la base. De tels germes
s’observent chez les variétés Fluke, Chardon, Ackersegen,
etc.
La pilosité des germes.
— On rencontre des germes absolument glabres et
d’autres couverts de petits poils, au moins à un certain stade du
développement. La présence ou l’absence de poils est un caractère assez
constant chez les variétés. Diehl distingue quatre types de
pilosité : germes glabres, germes à poils épars, pilosité assez abondante,
pilosité très abondante. C’est par l’examen de la base des germes qu’il est
préférable d’effectuer les observations. D’après Diehl, on peut citer
comme variétés à germes fort velus : Esterlingen, Majestic,
Rosa, Early rose. Comme variétés à germes glabres, on peut
signaler : Quenelle, Parnassia, Saucisse, Roode
Star, Wolthmann, Merveille d’Amérique.
Cl. PERRET.
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