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Apiculture

Transvasement et essaimage.

Un correspondant nous écrit :

« Je désirerais me défaire de trois ruches en paille que j’ai encore dans mon rucher. Je les avais gardées pour avoir des essaims, mais elles n’ont pas essaimé. L’an dernier, je les avais mises sur des ruchettes à six cadres, la reine n’a pas descendu pondre dans les cadres, et je ne sais comment faire pour les faire passer dans la ruchette, sans détruire le couvain que je ne voudrais pas sacrifier.

Voici mon plan ; vous me direz s’il est bon : entre la ruchette et le panier, j’ai mis un plancher ayant au centre une ouverture de 0m,20 de diamètre. Je me propose de chasser par tapotement les abeilles de la ruche en paille dans un panier vide où j’espère faire monter la reine avec les abeilles. Lorsque j’aurai fait la « chasse », je mettrai un zinc perforé sur l’ouverture du plancher qui couvre la ruchette, puis je ferai tomber la chasse dans la ruchette, et je replacerai la ruche en paille contenant le couvain au-dessus du zinc perforé. Comme cela, la reine ne pourra pas monter dans le panier.

Mais je me demande si les abeilles ne maltraiteront point la reine séparée du couvain et si elles prendront soin de ce dernier dans la ruche supérieure. Je pourrai mettre dans la ruchette un cadre de miel, car j’en ai de réserve. Enfin, je vous demande quand ce serait le moment le meilleur pour faire cette opération. Ici, la grande miellée a lieu du 20 juin au 10 juillet environ.

En opérant en mai, pourrai-je tirer de ces ruchettes un essaim artificiel au début de juillet ? »

Réponse.

— Le transvasement par superposition ne réussit bien que si les abeilles sont à l’étroit dans la ruche superposée. Étant gênées, elles cherchent à s’étendre dans la ruche placée en dessous, et une fois que la reine a établi sa ponte dans le bas et qu’il n’y a plus de couvain dans la ruche du haut, on enlève cette dernière, après l’avoir tapotée pour faire descendre les abeilles qui s’y trouvent. Il faut ensuite veiller à ce que la ruche du bas possède des provisions suffisantes.

Lorsqu’on place au-dessus d’une ruche à cadres un panier qu’on veut transvaser, il faut restreindre autant que possible la capacité de ce panier, car, autrement, dans les années de médiocre miellée, les abeilles, le trouvant assez grand pour leur élevage et la récolte, n’éprouveront pas le besoin de prendre possession de la ruche placée en dessous. Pour assurer et hâter la descente des abeilles et de la reine dans la ruche à cadres, il sera bon, pour diminuer le volume du panier, de couper à sa partie inférieure les parois et les rayons jusqu’au couvain, et même, si le panier est encore trop grand après cette amputation, de supprimer une partie du haut. Alors, les abeilles, se trouvant trop resserrées, seront forcées de chercher dans le bas l’espace qui leur manque dans leur demeure primitive, et, dès que viendra la miellée, elles se mettront à préparer dans la ruche à cadres le champ de ponte de la reine. À la fin de la saison, et même avant, on regardera où en est le travail accompli, et, si l’on constate que l’essaim s’est établi dans la ruche à cadres et qu’il n’y a plus de couvain dans le panier, on enlève ce dernier pour le démolir et le récolter. On n’aura plus ensuite qu’à surveiller le développement de la ruche à cadres et à le favoriser par un nourrissement, si la miellée ne donne plus et que la ruche n’est pas encore entièrement construite et pourvue de provisions suffisantes.

La raison pour laquelle votre transvasement n’a pas réussi est que, la saison ayant été peu mellifère, les abeilles ont eu assez d’espace dans leur panier et dès lors n’ont pas senti le besoin de s’agrandir.

S’il vous répugne de mutiler votre panier, vous pourrez suivre la méthode Heddon que nous avons exposée dans le Chasseur Français du mois d’août 1938.

Avec votre nouveau plan, vous irez plus sûrement et plus vite que par la méthode simple de superposition, mais il ne faudra pas trop vous presser ; mieux vaut attendre le début de la miellée pour le mettre à exécution.

Vous avez, dites-vous, l’intention de tirer, un peu plus tard, des essaims artificiels de vos ruchettes. Vous feriez mieux, lorsqu’elles seront entièrement bâties et que les paniers seront enlevés, de transvaser ces petites colonies dans des ruches plus grandes, pour permettre aux essaims d’atteindre tout leur développement, car ces petites ruches, une fois le panier disparu, n’offriront pas un logement assez spacieux pour une forte colonie. Les ruchettes conviennent pour des nucléi qui, une fois développés, doivent être installés en ruches de capacité normale, si l’on veut en faire des colonies de rapport.

À la rigueur, si vous y tenez absolument, vous pouvez tenter de faire des essaims au moyen de vos ruchettes, en procédant selon la méthode Vignole, comme avec des ruches fixes.

Une fois que vos ruchettes posséderont toute la population des paniers, vous pourrez alors former un essaim de deux ruchettes, et voici comment :

La première ruchette A pourra donner un essaim secoué, c’est-à-dire que, par une belle journée de vol, vous secouerez ou brosserez toutes les abeilles de cette ruchette, dans une ruche garnie de rayons construits ou de cadres gaufrés, qui prendra la place de ladite ruchette A. Celle-ci, n’ayant plus que du couvain, sera mise à la place d’une autre ruchette peuplée, que nous désignerons par la lettre B, dont elle recevra les butineuses qui lui feront une bonne population. Elle ne tardera pas à élever une reine, mais mieux vaudrait pouvoir lui en donner une tout de suite. Quant à la ruchette B, elle sera portée plus loin, à un autre emplacement vide. Comme elle ne gardera plus que ses jeunes abeilles, puisqu’elle aura cédé ses butineuses à la ruchette A, elle boudera pendant quelque temps, mais, grâce aux éclosions quotidiennes, elle refera sa population. Toutefois, il y aura à veiller qu’elle ne soit pas exposée au pillage ni à l’invasion de la fausse-teigne, ce qui est souvent le sort des ruches affaiblies.

Il vous restera une troisième ruchette C demeurant intacte. Vous pourrez, si vous le voulez, opérer à son égard comme pour la ruchette A, en mettant à contribution, pour compléter l’opération, une autre colonie de votre rucher.

Mais il faut bien vous persuader que ces essaims, pour prospérer, ne devront pas être laissés à l’abandon, mais, au contraire, vous aurez à surveiller de près leur développement et à leur prodiguer les soins voulus. Cet essaimage ne pourra être fait avantageusement qu’au début d’une miellée, et, lorsque celle-ci cessera, vous aurez à nourrir vos essaims, car il faut que ceux-ci puissent, au cours de la saison, faire leur ruche, de manière à être en état de faire un bon hivernage.

Ce serait agir inconsidérément que de vouloir accroître rapidement son apier par un essaimage intempestif. Qu’y gagnerait-on ? Au lieu de trois colonies, vous en auriez six, dites-vous peut-être. Mais, si toutes ces colonies sont malingres et ne font que végéter pour finalement périr, ce n’est pas là un succès.

Avant tout, il faut viser à avoir des ruchées fortes et ne pas entreprendre l’essaimage artificiel, si l’on ne prend pas les mesures pour que ces essaims arrivent à l’hiver assez vigoureux pour affronter la mauvaise saison et se développer au printemps de manière à constituer de bonnes colonies de rapport.

P. PRIEUR.

Le Chasseur Français N°598 Avril 1940 Page 232