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Les scorpions

Les scorpions, hôtes des pays chauds et de quelques contrées tempérées et sèches, appartiennent à la classe des arachnides. Descendants d’espèces datant des plus anciennes époques géologiques, ils sont vivipares et ne subissent pas de métamorphoses. On en compte plus de deux cents espèces réparties en différents points du globe. C’est surtout en pays tropicaux que prospèrent les plus volumineux et les plus dangereux.

Le corps de ces arachnides comporte trois parties : le céphalothorax, d’une seule pièce, sur l’avant duquel se situent des yeux simples au nombre de six à douze ; au-dessus de la bouche, une paire de petites pinces, les chilicères, puis, de chaque côté, une grande pince dont la paire rappelle un peu, par la forme, celles de certains crustacés aquatiques. Cette partie de l’individu se prolonge par l’abdomen que constituent sept anneaux articulés, lequel se continue par une suite d’anneaux plus ou moins cylindriques dont le dernier porte la poche à venin. Celle-ci, piriforme, se termine par une pointe acérée recourbée d’arrière en avant.

Indépendamment des deux appendices porteurs des grosses pinces, lesquelles jouent le rôle de mâchoires mobiles, quatre paires de pattes articulées à extrémité bifide permettent aux scorpions des déplacements rapides. Surpris en leur retraite : le dessous d’une grosse pierre, d’un tas de bois, d’un tronc d’arbre gisant sur le sol, le fond d’un trou, où règnent fraîcheur et obscurité, ils détalent vivement ou se mettent en attitude de défense : queue relevée et dard prêt à entrer en action.

Peu enclins à circuler durant le jour, ils attendent la nuit pour entrer en chasse, s’introduisant parfois dans les maisons, les cases des indigènes, à la recherche du butin. Araignées, crustacés terrestres, larves et insectes divers, assurent leur menu. En cela, ils remplissent un rôle utile. La proie découverte, ils se précipitent sur elle, la saisissent à l’aide de leurs puissantes pinces, la transpercent d’un coup d’aiguillon et en extirpent la substance par voie buccale.

Pour attaquer sa victime ou se défendre contre un ennemi réel ou supposé, la vilaine bestiole relève sa partie postérieure et, par brusques saccades, la lance au bon endroit. Le dard perce la peau, et la glande contenant le venin, par contractions, envoie quelques gouttes du poison, qui pénètrent dans la plaie par quelques ouvertures aménagées sous la pointe du stylet.

Le résultat ne se fait pas attendre : ce sont la mort pour le gibier convoité et de cuisantes ou violentes douleurs, s’il s’agit d’animaux ou d’humains.

Les piqûres de nos espèces indigènes, bien que cuisantes, n’ont pas de trop fâcheuses conséquences ; par contre, celles des espèces tropicales peuvent entraîner la mort, surtout chez les enfants.

Dans tout le Midi de la France, côte méditerranéenne et région des Pyrénées, se rencontre le scorpion commun ou d’Europe. De couleur brune à reflets rougeâtres, ses pattes et une portion de sa queue se teintent de jaune. Il fréquente les maisons, caves et celliers ; sa taille dépasse rarement 3cm,5. Sa piqûre produit à peu près les mêmes effets que celle d’une grosse guêpe. Des compresses d’eau ammoniacale calment et font disparaître enflure et douleur.

Moins fréquent que le précédent, le scorpion européen ou roussâtre, vivant en mêmes régions, peut atteindre 9 centimètres de longueur. Jaune roussâtre, les pattes jaune pâle, l’aiguillon noirâtre, c’est le plus venimeux des scorpions de France.

Voici un trait curieux des mœurs des scorpions :

« En présence de certains dangers, s’ils sont entourés de feu, par exemple, ils relèvent leur abdomen et, brusquement, s’enfoncent leur dard dans le dos ou dans la tête et ne tardent pas à mourir, tués par leur propre poison. » (CAUSTIER.)

Faux scorpions.

— On a donné le nom de scorpions à d’autres petits êtres, arachnides ou hémiptères, qui ne possèdent ni dard ni glande à venin, mais une paire de pattes-mâchoires dont ils se servent habilement pour la capture de leurs proies. Parmi ces chasseurs, nous en retiendrons deux seulement : le scorpion des livres et le scorpion d’eau.

Le premier fait partie du genre Chelifer, de la sous-famille des pseudoscorpionides, groupe dans lequel se rangent de petites bestioles de 3 à 4 millimètres au corps sans queue, mais pourvu de deux longs bras terminés par une pince. Elles vivent sous les écorces, dans la mousse, à la recherche de la menue vermine. Le scorpion des livres, lui, se trouve dans les vieilles archives, les herbiers, les collections d’insectes.

Le second, habitant des eaux calmes, est la nèpe cendrée, hémiptère carnassier, de forme aplatie. Vivant dans la vase, elle y capture insectes, larves diverses, dont elle se nourrit après les avoir saisis et percés de son rostre. Les deux longues soies qui terminent son abdomen sont creuses ; elle les laisse émerger de temps à autre, pour se procurer l’air nécessaire à sa respiration.

Le sérum antiscorpionique.

— Ce remède, que l’on était persuadé être d’invention allemande, est, en réalité, dû aux travaux d’un savant français, M. E. Sergent, de l’Institut Pasteur d’Alger.

En 1936 et 1937, affirme M. Pierre Apestéguy, le sérum anti-scorpionique a été mis à la disposition des médecins d’Algérie, du Maroc, de Tunisie, de Syrie et du Liban. Dans le même temps entrait en circulation intense le sérum antiscorpion Behring, fabriqué à Aix-la-Chapelle. Une fois de plus, les Allemands avaient encore profité des travaux de nos laboratoires pour s’en attribuer les mérites.

Bien que des résultats tangibles, indiscutables, aient été communiqués à l’Académie de médecine en séance du 1er mars 1938, ce n’est qu’à une date assez récente que l’on a reconnu l’efficacité du contrepoison Sergent, préconisé son emploi, dévoilé la supercherie, rendant ainsi hommage à celui qui, à la suite de patientes et longues recherches, a ajouté un fleuron à la gloire de la science française.

O. FOUCHER.

Le Chasseur Français N°598 Avril 1940 Page 252