La question des oiseaux en cage a fait couler beaucoup
d’encre. Certaines personnes d’une sensiblerie excessive, semble-t-il, ne
peuvent pas supporter la vue d’un oiseau en cage, ce qui ne les empêche,
d’ailleurs, pas de manger des huîtres vivantes et de constater, quand elles
vont à la ménagerie, que les cages et leurs barreaux sont réellement une belle
et bonne invention. Cependant je ne discuterai pas, toutes les opinions étant
défendables quand elles sont saines. Mais il y a longtemps que j’ai constaté combien
il est agréable, pour le chasseur, pour le naturaliste et aussi pour les
amateurs de chant, d’avoir chez soi quelques oiseaux en cage. C’est pour les
uns un permanent sujet d’études, pour les autres un charme, pour tous une
distraction.
En principe, tous les oiseaux peuvent être tenus en
captivité. Dans la pratique, il n’en est pas tout à fait ainsi. Certains ont
besoin de beaucoup de place, d’autres sont difficiles à nourrir. Il en est d’un
caractère peu agréable. Tout cela diminue sensiblement les variétés dont on
voit généralement des spécimens en cage ou en volière. Je ne parlerai donc que
des principaux, en commençant par nos oiseaux de pays qui sont, à mon modeste
avis, les plus intéressants. C’est dans les Passereaux que se trouvent
les oiseaux les plus faciles à nourrir, parce que avant tout granivores. On
leur donne surtout du petit millet, de l’alpiste, du chanvre, de la navette,
etc. Il faut cependant se méfier du chènevis ou chanvre qui pousse à l’obésité
et à la congestion, surtout les bouvreuils et les pinsons qui raffolent de
cette graine à laquelle plus d’un doit son trépas.
Parmi les Passereaux, les Pyrrhulidés, les Coccothraustidés,
les Embérizidés, les Alaudidés, les Sturnidés et surtout les Fringillidés nous
fournissent les meilleurs oiseaux.
Le seul Pyrrhulidé véritablement intéressant est le
bouvreuil commun (Pyrrhula vulgaris). C’est un fort joli oiseau. Le
mâle, plus élégant que la femelle, arbore un beau plastron rouge vif qui
intéresse la poitrine et le ventre. Cette nuance vive est remplacée par une
teinte gris cendré chez la femelle. Le bouvreuil est un oiseau très agréable en
cage. Il est très doux à l’état sauvage, il est très rare que deux
bouvreuils ; même du même sexe, se querellent: Il n’en est pas toujours
ainsi en cage. J’ai vu plusieurs fois, chez moi, un mâle tuer sa femelle, ou
inversement. J’ai eu même une femelle tout particulièrement féroce, et
cependant elle était très douce avec moi. Elle sifflait très correctement et le
plus sérieusement du monde un air à la mode ; elle était vraiment très
drôle. Car, dans cette espèce mâle et femelle chantent, mâle et femelle
retiennent les airs qu’on a la patience de leur apprendre. Mais, dans certaines
régions, on pousse l’éducation des bouvreuils beaucoup plus loin. On prend ces
oiseaux au nid et on leur siffle immédiatement l’air qu’on désire leur
apprendre. Il faut siffler régulièrement tous les jours et toujours dans le
même ton ; Cela se fait surtout en Thuringe. Ainsi éduqués, les bouvreuils
sont vendus un assez bon prix, soit en Allemagne, soit à l’étranger :
Pologne, Russie, Hollande, Angleterre, États-Unis même.
Mais le simple chant naturel du bouvreuil à l’état sauvage
est ravissant, quoiqu’un peu triste. Aussi, quand j’entends un bouvreuil, je
m’arrête toujours et, un jour même, je me suis arrêté un peu plus qu’il n’eût
fallu. Ceci se passait en Haute-Ariège. Par une belle journée de mars, il
m’avait pris envie, avec mes jeunes cousins, d’aller de Saint-Girons à Castillon
par le train électrique qu’on venait d’inaugurer quelques jours auparavant.
Nous venions de mettre pied à terre ; je n’avais pas fait vingt pas sur le
sol castillonnais lorsque mon oreille fut frappée par l’appel d’un bouvreuil.
J’entrai sous bois et m’orientai vers la direction. Le temps passe vite en
forêt, surtout à écouter les bouvreuils, on ne pense plus à rien, on oublie
toutes les choses prosaïques de la vie, les choses les plus essentielles. Quant
à moi, j’en oubliai même mon tramway de retour ... Cependant un appel de
trompe du watmann me rappela à la réalité. Nous sortîmes précipitamment du
bois, mais, arrivés sur la route, nous ne pûmes que voir de loin notre beau
tramway neuf, déjà lancé à pleine vitesse ... Nous payâmes le chant du
bouvreuil d’un retour pédestre de 14 kilomètres. Je ne le regrettai pas.
Le bouvreuil est l’oiseau de la forêt et l’oiseau de la
montagne. Il m’est arrivé cependant d’en rencontrer en pays de plaine, en
Seine-et-Oise par exemple, mais c’est plutôt exceptionnel. Cet oiseau niche en
mai, sous bois, au plus épais d’un fourré, mais jamais très haut. Peut-on
obtenir, en captivité, la reproduction du bouvreuil ? La chose n’est pas
impossible, puisqu’elle a parfaitement réussi chez différents amateurs,
notamment chez Mme B. de Confevron qui, après avoir mené à
bien l’élevage d’un nid pris en forêt, parvint avec ces oiseaux à faire naître
en cage et à élever une moyenne de 15 à 18 petits par saison. Le
commencement de cet élevage remonte à juillet 1919. On a aussi parlé de
l’accouplement du bouvreuil avec le verdier ; je n’en ai eu
personnellement aucune confirmation. J’ai essayé moi-même, d’ailleurs sans
résultat, l’accouplement d’un chardonneret mâle avec une femelle bouvreuil.
Celle-ci avait, quelque temps auparavant, pondu un œuf clair dans sa mangeoire.
Le serin est un passereau que certains auteurs classent
parmi les Pyrrhulidés. En réalité c’est plutôt l’intermédiaire entre les Pyrrhulidés
et les Fringillidés.
Si vous demandez à un Parisien ce que c’est qu’un serin, il
vous répondra à peu près sûrement : « Le serin, c’est le
canari: » Cela veut dire simplement qu’il n’en connaît point d’autre, car,
si le canari est un serin, tous les serins ne sont pas des canaris. Il en est
de plusieurs variétés. Le mot serin employé seul est donc un terme générique.
Les serins les plus connus sont : le serin proprement dit ou serin
sauvage, appelé encore serin méridional ou cini ; le serin de
Mozambique ; le chanteur d’Afrique ; le serin des îles
Canaries ; le canari domestique. Certaines personnes ajoutent à cette
liste le bouton d’or qui, de l’avis d’Hudson, doit être rangé parmi les
moineaux et non parmi les serins.
Le serin sauvage ou méridional (Serinus meridionalis),
dit aussi cini (Serinus portulanus), habite surtout le littoral
méditerranéen. Il est beaucoup plus petit que les autres oiseaux chanteurs
français. Depuis une trentaine d’années environ, il a une tendance marquée à
étendre son aire de dispersion vers le Nord. On le trouve notamment dans la
vallée du Rhin. Il s’arrête, pour le moment, à la limite de la Thuringe, à cause
du froid peut-être. Encore quelques années et nous serons fixés sur ce point.
Dans nos régions méridionales, le serin fréquente beaucoup
les jardins potagers, ce qui justifie parfaitement le qualificatif de hortulanus
qui lui a été attribué. Son nid, véritable petite merveille, est établi à
faible hauteur, dans les arbres fruitiers, de préférence dans les poiriers. Par
contre, il se perche souvent très haut pour chanter : à l’extrémité d’un
sapin élevé, par exemple, et son chant s’entend de fort loin, chose curieuse
pour un si petit oiseau. J’ai trouvé une fois un nid dans un sapin, mais je
considère ce fait, chez nous, du moins, comme exceptionnel. Il arrive aux cinis
de se réunir en bandes, et même de se joindre aux chardonnerets, pinsons et
autres, mais seulement en mauvaise saison. Du reste, les serins sont très doux
entre eux, si ce n’est toutefois à la période des amours où les mâles jaloux
poursuivent leurs rivaux. Mais ces luttes se terminent toujours avant le
premier sang et consistent surtout en cris, poursuites, battements d’ailes et
piaillements.
Le serin est un excellent oiseau de cage. Il est très vif et
très gai, mais il n’a pas la familiarité du bouvreuil ou du linot et ne
s’apprivoise pas comme eux.
Je passerai sous silence le serin de Mozambique (Serinus icterus)
qui, comme son nom l’indique, n’est pas de chez nous. C’est un oiseau très
intéressant en captivité, surtout en volière. Il fait aussi très bien dans une
cage ; mais il faut qu’il soit seul, car il est assez querelleur. Ces
oiseaux sont originaires du Sud du Sahara. Ceux qui sont importés en France
proviennent surtout du Sénégal (Serinus hartlaubi).
Le chanteur d’Afrique (Serinus leucopygnis) n’est
pas, non plus, un oiseau du pays. C’est un très agréable oiseau de cage, parce
que très doux avec ses camarades, très gracieux et chanteur très agréable.
(À suivre.)
J. DHERS.
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