Accueil  > Années 1940 et 1941  > N°598 Avril 1940  > Page 254 Tous droits réservés

Photographie

Les opérations correctives.

Les méthodes visant l’amélioration des clichés défectueux appartiennent à deux catégories d’interventions utilisant des moyens différents : les unes sont strictement opératoires ; les autres reposent sur l’habileté manuelle de celui qui les met en œuvre, s’il fait preuve d’un goût éclairé, et s’il possède quelques rudiments du dessin au crayon, à l’estompe ou au pinceau.

Parmi les premières, qui sont à la portée de tous les amateurs, figurent notamment le renforcement et l’affaiblissement, qui sont pratiqués, selon le cas, sur toute l’étendue des clichés, ou bien localement (c’est-à-dire sur telle partie ou zone présentant exceptionnellement le défaut auquel il s’agit de remédier). À elle seule, cette subdivision de notre programme est suffisamment étendue pour faire l’objet d’une étude séparée ; aussi, croyons-nous préférable de remettre à plus tard l’examen des méthodes de la deuxième catégorie.

Les papiers sensibles au gélatino et au chloro-bromure se font en sortes suffisamment variées pour que leurs gradations échelonnées s’adaptent à tous les besoins courants ; aussi, les opérations de renforcement et d’affaiblissement sont-elles devenues très rares, et pour ainsi dire exceptionnelles. Il peut arriver cependant qu’un négatif, susceptible de fournir des images satisfaisantes avec un papier de gradation donnée, soit, par ailleurs, si sombre que son tirage soit très laborieux, et, dans ce cas, il est tout indiqué de l’éclaircir dans un affaiblisseur pour en faciliter l’impression. Dans un même but de normalisation, on peut être amené à renforcer un cliché trop léger, trop ténu, parce que son développement a été écourté. Enfin, il faut prévoir l’obligation de procéder à des interventions locales qui s’inscrivent en marge des procédés réguliers de tirage direct.

Exposons donc les méthodes courantes d’interventions auxquelles on pourra avoir recours, le cas échéant. (Mais, auparavant, on se sera mis à l’abri de toute surprise désagréable, en imprimant avec tout le soin désirable une bonne épreuve-témoin, qui, en cas d’insuccès ou d’accident de manipulations, pourra fournir par reproduction à la chambre noire un nouveau négatif indemne de toute tare originelle.) La principale difficulté que présente la mise en pratique de ces méthodes réside dans le choix des moyens auxquels on doit avoir recours dans chaque circonstance ; en effet, c’est du diagnostic, que découle la médication. L’amateur soigneux et attentif, après quelques essais méthodiques pratiqués sur des clichés de rebut, acquerra une connaissance suffisante des ressources dont il dispose et des résultats qu’il en peut tirer.

Renforcement.

— C’est une opération nécessitée par un manque de vigueur du cliché, qui se traduit au tirage par une image plate et sans relief ; cette intensification complémentaire permet de revigorer les clichés anémiques, soustraits trop tôt à l’action du révélateur. Mais elle ne donne son plein effet qu’en l’absence de toute trace de voile ; s’il en existait, il faudrait auparavant le faire disparaître par un léger éclaircissement pratiqué comme nous le verrons plus loin.

Les bains de renforcement utilisent les propriétés de diverses substances exerçant sur l’image négative des influences assez complexes, dans le détail desquelles nous ne pouvons pas entrer quant à présent. Pour ses débuts dans cette voie, l’amateur adoptera tout d’abord le renforcement au bichlorure de mercure et ammoniaque, que l’on considère comme le plus pratique et le plus constant. Voici en quoi il consiste :

On prépare à l’avance la solution :

Eau 250 centimètres cubes.
Bichlorure de mercure 5 grammes.
Acide chlorhydrique 1 gramme.

Le cliché, supposé bien lavé et débarrassé complètement des résidus du fixage, est immergé dans ce bain, versé dans une cuvette et tenu en mouvement pour égaliser son action. On l’y maintient jusqu’à blanchiment plus ou moins complet du dépôt d’argent constituant l’image ; l’expérience indique le degré de chloruration nécessaire pour obtenir une valeur donnée d’intensification, dont on juge en examinant le cliché par transparence. On lave à fond le cliché, puis on le porte dans une solution à 4 ou 5 p. 100 d’ammoniaque liquide, dans lequel il reprend sa coloration normale, mais plus foncée, avec une intensité sensiblement accrue. Dès que l’aspect opalin a disparu, le noircissement est achevé ; il ne reste plus qu’à rincer avant séchage. Si l’intensification était insuffisante, on pourrait renouveler la double opération, en observant de laver copieusement en sortant de chacun des bains.

Affaiblissement.

— L’affaiblissement peut être pratiqué de différentes façons, suivant qu’il s’agit seulement d’éclaircir un négatif très dense et sans oppositions, ou bien de baisser proportionnellement à leur intensité toutes les valeurs d’un cliché trop poussé au développement, ou encore d’atténuer les conséquences d’une insuffisance de pose aggravée d’un développement trop prolongé, ce qui se traduit par un négatif exagérément contrasté.

1° Dans le premier cas, l’éclaircissement s’obtient en soumettant le cliché à l’action du bain suivant :

Eau 100 centimètres cubes.
Hyposulfite de soude 10 grammes.
Ferricyanure de potassium 0gr,5.

L’action de ce bain doit être surveillée ; le cliché doit être porté au lavage, avant d’avoir atteint le degré requis de transparence relative. Dans la pratique courante, on préfère préparer séparément une solution d’hypo à 20 p. 100 et une solution de ferricyanure à 1 p. 100, que l’on mélange, au moment de l’emploi, en volumes égaux si l’on ne cherche pas à modifier le caractère du cliché au point de vue du contraste.

L’opération peut être complétée par un renforcement, si le négatif éclairci est devenu trop léger pour fournir des épreuves suffisamment vigoureuses, un lavage soigné séparant les deux opérations ;

2° L’affaiblissement des clichés de la deuxième catégorie peut être obtenu par un traitement identique au précédent, surtout si l’on possède une certaine pratique des modifications qu’il est possible de réaliser en réduisant, soit la dose d’hyposulfite, soit celle de ferricyanure : moins d’hyposulfite donne dur ; moins de ferricyanure pousse à la douceur, à l’harmonisation.

Mais on préfère assez souvent utiliser le permanganate acide, en préparant pour l’usage les deux solutions :

A. Eau 250 centimètres cubes.
  Permanganate de potasse 1 grammes.
B. Eau 250 centimètres cubes.
  Acide sulfurique 5 grammes.

Au moment de l’emploi, on mélange dans un verre :

Eau 250 centimètres cubes.
Solution A 10 centimètres cubes.
Solution B 10 centimètres cubes.

que l’on verse sur le cliché. On suit attentivement l’action du bain pour l’arrêter un peu avant d’avoir obtenu le résultat cherché. Si l’opération se prolongeait, il conviendrait de rejeter le bain épuisé et de le remplacer par du bain neuf. On termine en passant dans une solution à 10 p. 100 de bisulfite de soude, qui enlève les colorations résiduelles ;

3° Les négatifs de la troisième catégorie sont améliorés par un traitement au persulfate d’ammoniaque, qui offre cette particularité d’agir principalement sur les plus grandes opacités de l’image négative, il s’emploie en solution, à 3 ou 4 p. 100, avec addition (facultative) de 1 p. 100 d’acide sulfurique. Le cliché plongé dans ce bain ne change pas d’aspect immédiatement ; mais cette apparente inaction fait bientôt place à une activité qu’il importe de contrôler, afin d’être en mesure d’éviter qu’elle ne dépasse le but cherché. On interrompt son action en plongeant le cliché dans une solution à 6 ou 8 p. 100 de bisulfite, de soude, où il demeure quelques minutes ; on lave et on sèche.

Les traitements d’ensemble s’effectuent habituellement dans des cuvettes réservées à cet usage ; ils ne présentent aucune difficulté. Il n’en est pas tout à fait de même pour les interventions locales, car il importe qu’elles soient exécutées avec le souci qu’aucune ligne de démarcation ne puisse être relevée après coup entre les parties traitées et celles qui les avoisinent. Il faut donc, dans la plupart des cas, que les renforcements et les affaiblissements soient « fondus » insensiblement pour se raccorder avec la tonalité des parties limitrophes. Cela s’obtient en travaillant au pinceau à lavis (pour les petites surfaces), ou à l’éponge fine (pour les autres), humectés de réactifs assez dilués, après avoir imbibé d’eau pure la couche de gélatine. On opère par affusions ou touches successives, séparées par des lavages énergiques, en s’appliquant à équilibrer toutes les parties de la composition sans laisser de traces visibles de l’opération, sous forme de cernes, coulures, etc. ...

Jacques BÉRYL.

Le Chasseur Français N°598 Avril 1940 Page 254