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Scoutisme

Importance de sa valeur morale.

De nombreux lecteurs ont été étonnés par cette affirmation (1) que, même en temps de guerre, le scoutisme devait conserver comme principal souci le perfectionnement moral de ses adhérents.

En effet, on connaît bien mal encore le scoutisme. Jusque parmi ses laudateurs les plus passionnés, beaucoup s’imaginent qu’il ne représente qu’une formule un peu plus originale que les autres de vie au grand air. Or, le scoutisme vise à la formation de l’enfant au triple point de vue : physique, pratique et moral. L’éducation morale est, de loin, la tâche la plus importante des chefs. La clé de voûte du scoutisme, et nous répétons qu’on l’ignore généralement, c’est la loi de l’éclaireur. Un garçon peut porter un uniforme chamarré d’insignes, faire preuve de qualités sportives exceptionnelles, il n’a pas compris ce que ses chefs désirent de lui, si, au fond de lui-même, ne vit pas continuellement le désir de faire des progrès dans l’application de cette loi.

Ce qui souligne bien l’importance de la vie morale dans le scoutisme, c’est l’exigence d’un stage de plusieurs semaines qui se dresse devant l’impatience du candidat-éclaireur à porter l’emblème de sa fédération. Suivons le novice qui vient de s’inscrire à une troupe scoute dans les différentes étapes qui le séparent de son admission définitive.

Le chef, qui s’est entretenu avec les parents de l’enfant, connaît déjà en partie les qualités et les défauts de celui-ci. Il va mettre tout en œuvre pour mieux le comprendre et aider à l’affermissement de son caractère. Le novice est présenté au « meneur » d’une des quatre « patrouilles » qui constituent la troupe. Il n’aura pas encore le droit, en participant aux activités de cette patrouille, de porter les principaux attributs de l’uniforme scout, c’est-à-dire le chapeau, le foulard et surtout l’insigne (qui selon les associations représente une croix potencée, un coq ou un arc tendu). On lui a fait comprendre qu’il n’effectue encore qu’un stage et que le chef peut lui demander de ne pas demeurer à la troupe s’il ne témoigne pas une volonté de bonne tenue morale.

Lorsque plusieurs semaines se sont écoulées, et si le novice s’est montré digne de devenir éclaireur, se déroule la cérémonie de la « Promesse ». Le chef prend à part l’aspirant et s’entretient longuement avec lui sur l’importance de l’acte qu’il va accomplir. Après cette conversation, le garçon est conduit devant ses camarades. Ceux-ci se sont groupés par patrouilles. Le décor revêt une réelle importance et les chefs procèdent à la cérémonie de la promesse dans une atmosphère propre à exalter les plus nobles sentiments de l’enfant : ainsi, la nuit, sous un ciel étoilé, ou encore sur un plateau montagneux, aux premiers feux du soleil.

Le novice est assisté de son meneur de patrouille, qui tient tout prêts son chapeau, son foulard et son insigne. Le chef prononce alors de brèves paroles pour rappeler à tous la valeur de la promesse. Puis il s’adresse à l’aspirant : Tu vas t’engager sur ton honneur. Sais-tu ce que c’est que ton honneur ? La réponse est le plus souvent d’une malhabileté ingénue, mais elle vient du fond du cœur, et c’est bien l’essentiel. Les éclaireurs se raidissent et le novice s’avance. Pour la première fois, il va effectuer le salut scout, en repliant le pouce sur le petit doigt. L’image du fort qui protège le faible. Alors il prononce sa promesse :

    Je promets sur mon honneur de
      Servir mon pays,
      Rendre service en toute occasion,
      Obéir à la loi de l’éclaireur.

Tandis que la troupe entonne le chant fédéral, le chef s’approche du garçon et lui serre la main gauche, la main du cœur (jusqu’alors, il ne lui serrait que la main droite et les enfants sont très sensibles au symbolisme). Il prononce la phrase rituelle :

Tu fais désormais partie de la grande fraternité scoute.

Le garçon s’engage donc sur son honneur d’obéir à la « loi ». Obligatoirement dans les associations religieuses des éclaireurs unionistes et des scouts de France, facultativement dans la Fédération neutre des Éclaireurs de France, il effectue aussi sa promesse devant Dieu.

En tout cas, le sentiment de l’honneur est fortement développé chez tous les membres du scoutisme français, et on a pu légitimement parler à son sujet de « chevalerie des temps modernes».

Voici les dix articles, pour les éclaireurs de France, de la loi :

    1. L’éclaireur n’a qu’une parole.

    2. L’éclaireur est loyal et chevaleresque.

    3. L’éclaireur se rend utile et fait chaque jour une bonne action.

    4. L’éclaireur est l’ami de tous et le frère de tous les éclaireurs.

    5. L’éclaireur est courtois et respectueux des convictions des autres.

    6. L’éclaireur est bon pour les animaux.

    7. L’éclaireur sait obéir.

    8. L’éclaireur est toujours de bonne humeur.

    9. L’éclaireur est travailleur, économe et respectueux du bien d’autrui.

    10 L’éclaireur est propre dans son corps, ses pensées, ses paroles, ses actes.

Cette loi est à peu près la même dans les quarante-deux pays où le scoutisme est pratiqué. Elle est simple, chaque garçon peut en saisir le sens. Elle est positive, ne formule pas de défense. Elle dit « l’éclaireur est ceci, l’éclaireur est cela » et, entre eux, les garçons se disent : « Ça, c’est scout, ça ce n’est pas scout ».

Aux résultats, on peut juger la morale scoute. Ceux qui observent attentivement les groupes d’éclaireurs doivent bien reconnaître qu’elle a réussi à améliorer le caractère de certains enfants dans des cas où l’action de la famille et de l’école s’était révélée impuissante. Tel garçon, qui promettait d’être un vaurien, est devenu chef de patrouille, et un exemple pour ses camarades. Tel autre, dont la dissimulation inquiétait les siens, s’est montré au bout de quelques mois d’une grande franchise ...

Cette efficacité est si surprenante que les éducateurs y ont consacré de nombreuses études, et que le ministère de la Justice a introduit le scoutisme dans des maisons d’éducation surveillée, pour aider au redressement des jeunes délinquants.

Fernand JOUBREL.

(1) Voir le numéro de Février du Chasseur Français.

Le Chasseur Français N°599 Mai 1940 Page 281