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Hippisme

L’allaitement des poulains (1).

La suppression du colostrum, au poulain nouveau-né, qui constitue une faute d’hygiène alimentaire, ainsi que nous l’avons déjà signalé dans notre article précédent, s’accompagne encore quelquefois, dans certaines régions d’élevage, d’une pratique imprévue dont le moins qu’on en puisse dire est qu’il est impossible d’en attendre quelque bienfait, tandis qu’il est possible qu’elle donne des résultats déplorables.

Elle consiste, dès qu’un jeune animal, poulain ou bovin, vient de naître, dans l’habitude de lui faire avaler une poignée de sel gris ou de lui écraser dans la bouche un ou d’eux œufs, qui doivent être absorbés avec leurs coquilles. L’ignorance et les préjugés sont très certainement les raisons principales d’une intervention aussi malencontreuse ; mais les empiriques de village, qui font profession de tout savoir, sans avoir jamais rien appris le plus souvent, prétendent et expliquent que le sel purge et de ce fait débarrasse le nouveau-né de toutes les impuretés qu’il a dans le corps (méconium), et que, d’autre part, les œufs contribuent à donner des forces au poulain, qui peut se lever facilement pour aller téter sa mère.

Rien n’est moins exact ; le sel administré, à pareille dose à un nouveau-né peut agir à la manière d’un poison, ou tout au moins irriter gravement la muqueuse intestinale, si fragile, et déterminer une diarrhée, très souvent mortelle, pour les animaux à la mamelle. Quant à l’œuf, dont l’administration n’est pas dangereuse, du fait de sa composition, si on prend la précaution d’en rejeter la coquille, il peut, quand celle-ci n’est pas retirée, agir comme un corps étranger, susceptible, à cause de sa consistance, d’obstruer les premières voies respiratoires (larynx, pharynx, trachée) et de provoquer une asphyxie plus ou moins rapide.

L’allaitement par la mère, en liberté, s’il est le plus naturel et le plus pratique pour le propriétaire, n’est pas non plus sans inconvénients. Le poulain, qui tête à sa fantaisie, tourmente constamment sa mère et, si celle-ci est très bonne laitière, il peut absorber de trop fortes quantités de lait, déterminant les indigestions laiteuses toujours graves.

L’allaitement maternel, surveillé et réglé, qui se fait en séparant le poulain de sa mère pour ne lui permettre de téter qu’à heures fixes, par exemple : 7 heures, 10 heures, 13 heures, 16 heures, 19 heures, présente des avantages appréciables. Il a une influence préventive indiscutable contre tous les troubles digestifs si fréquents pendant les premiers mois de la vie des jeunes, et il permet, dans une certaine mesure variable avec les circonstances, l’utilisation de la poulinière pour des travaux légers et de courte durée.

Néanmoins, pendant les deux premières semaines, il sera prudent de ne pas séparer le poulain de sa mère, pour que celle-ci ne soit pas trop inquiète et ne boude pas sur sa ration, ce qui ne manquerait pas d’avoir une répercussion fâcheuse sur sa production laitière.

Quand une jument a beaucoup de lait, il peut arriver que, dans les premiers jours qui suivent la mise-bas, le poulain, dont les besoins nutritifs sont réduits, ne consomme qu’une partie du contenu des mamelles. Il en résulte une gêne d’abord, puis une véritable souffrance pour la poulinière qui perd son lait, si les sphincters des mamelons ne se contractent pas suffisamment, ou bien qu’on est obligé de traire pour la soulager.

En général, à la suite d’une parturition normale, le poulain sait trouver les mamelles de sa mère et en user sans y être aidé ; mais il est prudent de surveiller ses premiers pas et il est indiqué de l’assister quand il ne se montre pas très solide sur ses hautes jambes, plus ou moins flageolantes ! ou bien si la jument, chatouilleuse ou irritable, ce qui arrive surtout chez celles qui ont leur premier poulain (juments primipares) fait des difficultés pour se laisser téter.

Dans ce cas, il faut faire tenir à la tête la poulinière, par la personne qui a l’habitude de la soigner, et qui, en lui parlant et en la caressant, permettra qu’un aide approche le poulain et lui aide à prendre le mamelon, source de la première nourriture, colostrum compris, qui lui est indispensable.

Si la mère est par trop irritable et se défend dangereusement pour le poulain et les personnes qui l’assistent, on peut lui faire lever un pied de devant, ou lui mettre un « trousse-pied » pour limiter ses mouvements, puis, avec autant de précaution que de douceur, on peut alors lui toucher doucement et progressivement les mamelles et les palper en tous points jusqu’au-moment où elle se décidera à laisser approcher son poulain, dont elle prendra vite l’habitude, d’autant mieux que, dès la première tétée, la mamelle, moins distendue, sera moins sensible.

D’autres fois, c’est le poulain qui est maladroit ou qui n’a pas la force de téter et qu’il faut secourir ou éduquer pour qu’il acquière la pratique de la succion, véritable gymnastique fonctionnelle pour la production du lait.

Dans l’élevage des poulains, l’allaitement artificiel est presque toujours la conséquence d’un accident qui en fait une obligation : soit la maladie ou la mort de la mère ; soit sa lactation insuffisante, des maladies ou malformations du mamelon ; soit une gestation double, etc.

L’allaitement artificiel du poulain n’est certes pas sans difficultés, ni dangers ; mais ceux-ci tiennent spécialement à la manière de l’employer, chez un animal, qui, il faut le reconnaître, s’y montre plus réfractaire que tout autre.

L’administration du lait peut être faite au biberon, dont la préhension se fait par succion, condition favorable à la sécrétion des sucs digestifs et aux contractions intestinales ; ou bien à la bouteille d’un emploi moins rapide, moins pratique et non sans danger, ou bien au seau ou au baquet, comme cela se fait couramment pour les veaux, et, dans ce dernier cas, en surveillant avec un soin méticuleux la propreté des récipients contenant le lait distribué.

J.-H. BERNARD.

(1) Voir numéro d’Avril 1940.

Le Chasseur Français N°599 Mai 1940 Page 282