Les pucerons sont extrêmement communs dans le verger et dans
le potager. Il en existe bien des espèces et, à part quelques plantes
privilégiées, on peut dire que toutes sont attaquées par au moins l’une d’entre
elles, quand elles ne le sont pas par plusieurs à la fois.
Les arbres fruitiers ne font pas exception à la règle. C’est
ainsi que l’on trouve, sur le poirier, un puceron noir velouté ; sur le
pommier, une espèce différente, vert foncé ; sur le pêcher, une autre
encore, de couleur vert brunâtre luisant ; sur le prunier, un troisième
puceron vert ; sur le cerisier, un noir ; sur le groseillier à
grappes, un jaune, etc., etc.
Sensiblement les mêmes sont les habitudes et le mode de
reproduction de toutes les espèces de pucerons.
En plein air, c’est au début du printemps, lorsque les
nouvelles feuilles sont écloses, que se montrent les premiers pucerons.
Ils proviennent, soit de femelles qui, bien abritées dans
les anfractuosités des écorces, ont résisté aux intempéries, soit de l’éclosion
des œufs d’hiver. Ces œufs ont été déposés à l’automne, sur les parties
ligneuses du végétal ou bien sur le sol, par des femelles qui venaient d’être
fécondées. Ils ont également pu être apportés par des fourmis qui les avaient,
pendant l’hiver, abrités dans leurs fourmilières de la même façon que nous
conservons les vaches à l’étable pendant la période hivernale.
Toutefois, la reproduction par œufs n’a lieu qu’une seule
fois par an, au début de la belle saison, et ne donne que des femelles.
Celles-ci, ultérieurement, mettent au monde des jeunes, qui sont encore des
femelles et se trouvent immédiatement aptes, ainsi que leurs descendants, à se
multiplier sans nouvelle fécondation. Aussi, la multiplication des pucerons
est-elle extrêmement rapide ...
Certaines femelles, n’ayant pas d’ailes, restent à l’endroit
où elles sont nées et s’y multiplient ; quelques autres sont ailées et
prennent leur vol, dans les moments où la température est assez élevée, pour
aller créer des colonies sur des pousses voisines, voire sur des arbres assez
éloignés.
À l’automne apparaissent un certain nombre d’individus
mâles, qui sont ailés, ainsi que des femelles également ailées. Après
accouplement, ces dernières pondent des œufs d’hiver dans les conditions que
nous indiquions au début de cette causerie. Quelques-unes cependant, les
dernières arrivées, peuvent survivre et ne pondront qu’au printemps.
Cependant, d’une façon générale, les premières gelées un peu
fortes mettent un terme à l’existence des pucerons.
Sur les arbres fruitiers, on n’aperçoit pas aisément, au
printemps, les premiers pucerons. Ce sont les feuilles crispées,
recroquevillées à la suite de leurs piqûres, qui trahissent leur présence.
On observe aussi, sur les pousses où se trouvent les
premières colonies, la présence de nombreuses fourmis, venues là pour se
nourrir du liquide sucré ou miellat que sécrètent les pucerons.
Quant à ceux-ci, ils vivent de la sève qu’ils empruntent aux
jeunes pousses. Lorsqu’ils sont nombreux, ils en prélèvent une quantité telle
que la végétation s’en trouve presque arrêtée et que les pousses atteintes
prennent un aspect misérable. Cette déficience est encore aggravée par le fait
que la substance poisseuse, sécrétée par les pucerons, se répand en partie sur
les feuilles dont elle obstrue les pores, nuisant à leurs fonctions les plus
essentielles.
Sur les jeunes arbres en formation, les colonies attaquent
certaines pousses et en laissent indemnes certaines autres, d’où rupture
d’équilibre entre les diverses parties de l’arbre qu’il est nécessaire de
compenser par des pincements, lesquels aboutissent fatalement à des pertes de
temps plus ou moins considérables et retardent d’autant la formation et
l’entrée en rapport des arbres.
Quant aux arbres adultes, toute perturbation apportée à leur
végétation se répercute forcément sur le développement des fruits et se traduit
par un déficit de récolte.
D’où nécessité absolue d’engager énergiquement la lutte
contre les pucerons.
Les traitements d’hiver, convenablement effectués, sont
susceptibles de diminuer, dans d’importantes proportions, la gravité des
invasions et, en tous cas, de retarder l’apparition des pucerons au printemps,
en détruisant une grande partie des œufs d’hiver et des insectes hivernant sous
les écorces.
Mais ces traitements, pour efficaces qu’ils soient, ne
peuvent pas supprimer complètement les pucerons. Un peu plus tôt, un peu plus
tard, fin mai ou début de juin, les premières colonies apparaissent et, si l’on
n’intervient pas, se propagent avec une rapidité d’autant plus grande que,
l’apparition ayant été plus tardive, la température est alors plus favorable à
une évolution rapide des insectes.
La lutte, pour être efficace, doit être entreprise dès que
la présence des premières colonies a pu être constatée. Elle devrait même être
préventive. Lorsque que l’on attend que les feuilles soient enroulées, ou même
simplement crispées, il est trop tard. Si insecticide qu’il soit, le traitement
n’atteindra pas, en effet, les pucerons placés au revers des feuilles
enroulées, et ceux-ci créeront rapidement de nouvelles colonies.
Les produits susceptibles de tuer les pucerons, sans nuire
aux organes délicats, sont assez nombreux. Le plus classique est la nicotine,
principe actif des jus de tabac, que l’on peut se procurer assez facilement
dans le commerce. On l’y trouve sous diverses formes dont les plus courantes
sont :
1° Les jus de tabac pauvres, renfermant de 8 à 12 grammes
de nicotine pure par litre de jus, d’un prix assez modique ;
2° Les extraits titrés renforcés de nicotine, que
préparent les manufactures de tabac et qui dosent 500 grammes de nicotine
pure par litre. Ils sont évidemment d’un prix beaucoup plus élevé que les
précédents, mais d’une efficacité bien supérieure aussi.
On emploie ces produits en tenant compte, pour la
préparation des solutions, de leur teneur en nicotine pure, étant donné qu’il
faut environ 1gr,5
de nicotine pure par litre d’eau pour tuer les insectes sans nuire au végétal.
Pour en augmenter la mouillabilité, on fera bien de prendre,
pour préparer la solution, de l’eau de pluie ou de citerne et d’y faire fondre,
au préalable, 10 grammes de savon blanc par litre d’eau.
Il sera toujours bon de ne pas traiter en plein soleil, mais
de préférence, dans les dernières heures de la soirée. Le traitement y gagnera
beaucoup en efficacité. Pour certains arbres, dont les organes sont délicats,
comme les pêchers, il sera bon, le lendemain matin, d’effectuer une abondante
pulvérisation d’eau claire sur le feuillage, dans le but d’enlever l’excès de
nicotine qui pourrait être nuisible.
À défaut de nicotine, que l’on n’a pas toujours sous la main
au moment où il faut agir, il est également possible d’obtenir de bons
résultats, surtout si le traitement est préventif ou si l’invasion n’est qu’à
son début, en pulvérisant, sur les arbres atteints, une solution de la
composition suivante :
Eau |
1 litre. |
Savon blanc |
20 grammes. |
Alcool dénaturé |
2 centilitres. |
Enfin, si l’on n’a pas de grandes quantités d’arbres et si
l’on n’est pas trop tenu par la question prix de revient du traitement, on peut
employer aussi, avec un succès certain, différents insecticides du commerce,
préparés avec beaucoup de soin, rigoureusement dosés et partant toujours
efficaces et sans danger pour les plantes. Les doses et conditions d’emploi en
sont indiquées par une notice du fabricant à laquelle il n’y a qu’à se
conformer.
Cependant, nous pensons devoir insister, une fois de plus,
sur la nécessité d’appliquer les traitements au début de l’attaque et même
de les faire préventivement. C’est, en effet, à cette condition expresse
qu’il pourra être possible de limiter les dégâts de ces parasites redoutables
que sont les pucerons.
E. DELPLACE.
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