Les personnes qui ont l’habitude de visiter, en été, les
champs de pommes de terre reconnaissent souvent de fort loin la nature des
variétés par le simple aspect du feuillage. Les modifications dans la
coloration des feuilles, la puissance plus ou moins forte de l’appareil aérien,
les variations dans la forme des tiges et des feuilles fournissent des signes
importants de différenciation des sortes. Ces questions n’ayant pas été
traitées dans le Chasseur Français, nous pensons qu’il est utile d’en
entretenir sommairement les lecteurs.
Les particularités de la tige.
— La tige de la pomme de terre est herbacée ; sa
longueur peut atteindre 1 mètre et plus ; mais généralement elle
varie entre 0m,50 et 0m,80. Comme
particularités, on peut remarquer, surtout à la base, de petits appendices
assez minces, bien observables le long de la tige. Ces appendices qui sont
latéraux portent le nom d’ailes ; ils sont absents chez certaines
variétés. Les principaux caractères botaniques variables de la tige sont les
suivants : la longueur, la grosseur, la coloration, les ailes.
1° Certaines variétés se distinguent fort bien par la longueur
des tiges et l’amplitude du feuillage. Citons, au hasard, comme variétés à
feuillage puissant : Institut de Beauvais, Rouge d’automne, Wolthmann.
Comme sortes à tiges courtes et à feuillage plus réduit,
signalons : Quenelle, Erdgold, Industrie, Rosa.
2° Un signe bien visible même des personnes non spécialisées
est constitué par les différences de coloration. D’habitude, la tige est
franchement verte dans toute son étendue. Quelquefois cependant elle
présente, surtout à sa base, une teinte qui peut être brune, rouge ou violette.
La coloration brune est visible chez la Wolthmann, la Rosa,
Kerr’s Pink. On peut remarquer une légère teinte violette chez la
Géante bleue, la Violette d’Auvergne, la Roode Star.
Enfin, une teinte rougeâtre peut s’observer chez la Saucisse, la Merveille
d’Amérique.
3° La grosseur des tiges diffère selon les variétés
examinées. L’Institut de Beauvais, la Bintje, la Fin de Siècle
se font remarquer par leurs tiges grosses, mais peu nombreuses. Au contraire,
la Roode Star, l’Industrie, l’Eigenheimer se distinguent
par des tiges assez grêles.
4° Voici enfin quelques particularités concernant les ailes.
Diehl, qui a bien étudié la question, signale que ces ailes peuvent être
rectilignes comme chez la Bintje, l’Eigenheimer, ou bien ondulées
comme chez la Quenelle, l’Alpha. Ces signes, assez constants,
peuvent servir d’appoint pour la classification des variétés.
La pomme de terre a des feuilles composées.
— Détachons de la tige une feuille de pommes de terre
afin de bien pouvoir l’examiner. Nous y voyons d’abord un petiote central, puis
des folioles insérées de l’un et de l’autre côté de ce petiole. Une telle
disposition porte en botanique le nom de type penné ; les folioles
sont toujours disposées par paires, sauf la foliole terminale ou du sommet.
En dehors des grosses folioles ou folioles primaires, il en
existe de plus petites, appelées folioles secondaires, foliocules,
lesquelles sont également insérées par paires. Comme on le voit, l’organisation
est assez compliquée ; c’est pour cela qu’on dit que la pomme de terre
possède des feuilles composées complexes.
La forme des folioles et leur nombre.
— Les botanistes se sont attachés à saisir les nuances
pouvant exister dans la forme des folioles, en vue de la description des
variétés. Cette forme est toujours ovale, mais cet ovale peut être plus
ou moins allongé. Diehl distingue trois groupes de folioles : la
forme ovale allongée, étroite et pointue ; la forme ovale ; la forme
ovale arrondie. À chacun de ses groupes se rattachent un certain nombre de
variétés qu’il serait trop long d’énumérer ici.
On peut noter que l’aspect général des folioles et des foliocules
est particulier à chaque variété : c’est un caractère presque constant.
Parfois les folioles secondaires sont tellement nombreuses et tellement serrées
qu’elles donnent à la feuille un aspect compact, en ce sens que les divers
éléments se recouvrent les uns les autres. Dans d’autres cas, au
contraire, les foliocules étant rares, l’éloignement des points d’attache des
folioles étant accentué, la feuille présente un caractère peu divisé.
La coloration des éléments du feuillage.
— Il est à la portée de tous les cultivateurs
d’observer les nuances ou fluctuations qui existent dans la coloration des
champs de pommes de terre. Cette coloration varie du vert très foncé au vert
jaunâtre presque clair.
Les causes qui produisent l’aspect foncé du feuillage
paraissent être les suivantes : la fumure azotée, la richesse du sol, la
nature des variétés.
1° Une quinzaine de jours après l’épandage d’un engrais
azoté soluble, nitrate de soude ou nitrate de chaux, on remarque que la
parcelle nitratée présente des plantes plus vigoureuses et plus foncées que la
normale. Les engrais azotés tels que le sulfate d’ammoniaque, les ammonitrates,
que l’on distribue avant la levée ou au moment de la levée des plantes,
agissent dans le même sens.
2° Dans un sol riche en matières alimentaires, dans des
terres copieusement fumées au purin ou au fumier, la teinte verte des plantes
est prononcée. Il est donc indéniable que l’élément azoté exerce à ce point de
vue une action manifeste.
3° La nature des variétés joue aussi un rôle important sur
la coloration du feuillage. Beaucoup de sortes ont normalement un feuillage
vert foncé ; citons notamment : Violette d’Auvergne, Saucisse,
Bintje, Erdgold, Eigenheimer. D’autres, au contraire,
présentent un feuillage à teinte pâle : Chardon, Merveille
d’Amérique, Flourball.
L’action des maladies sur la teinte du feuillage.
— Les perturbations provoquées chez les plantes par les
maladies parasitaires ou virulentes ont pour conséquence de déterminer diverses
anomalies dans la forme et la coloration du feuillage.
Signalons, en premier lieu, la curieuse action du rhizoctone,
champignon qui détruit partiellement l’appareil radiculaire : c’est, par
réaction de défense, l’accroissement en longueur et en grosseur de la tige des
plantes infectées.
La frisolée a souvent pour conséquence d’augmenter la
couleur foncée du feuillage, mais toujours elle provoque des déformations
spéciales des folioles.
À l’encontre de la frisolée, la maladie de l’enroulement
fart pâlir légèrement le feuillage. En outre, les nombreuses incurvations
provoquées, surtout dans la partie basse des plantes, rendent surtout visible
l’envers des feuilles, lesquelles ont une teinte vert jaunâtre.
Cl. PERRET.
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