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Œnologie

Utilisation des sarments de vigne.

Étant donnée la situation présente, il m’a paru intéressant d’attirer l’attention des viticulteurs sur l’utilisation des sarments de vigne dans la nourriture des animaux de la ferme.

Cette idée n’est pas récente, puisque en 1870 le Dr Guyot disait :

« Voulez-vous dire aux viticulteurs de préparer des silos, des citernes, de vieux tonneaux, de vieilles cuves, d’épamprer, en les rognant avec soin, les vignes, de faire manger en vert à leur bétail une partie des rognages, d’entasser le résultat dans les réservoirs préparés, par couches ... ils auront ainsi un excellent fourrage frais pour l’hiver, le bétail en sera avide. »

Il faut la disette en fourrage de 1894 pour voir l’utilisation des sarments dans l’alimentation des chevaux, pratiquée sur une assez grande échelle. Ces premiers et timides essais sont repris vers 1906. Depuis cette date, une exploitation de Candillargues, dans l’Hérault, continue à nourrir sa cavalerie composée de trente chevaux (avant la réquisition) en substituant au foin des sarments feuillus, récoltés immédiatement après les vendanges, broyés et ensilés. Ces résultats concluants pourraient être obtenus ailleurs.

Au point analytique, voici la composition des sarments ensilés :

Matières protéiques 3,50
Matières grasses 1,65
Extractifs non azotés 18,65
Cellulose 13,00
Matières minérales 4,82
Eau 58,38
 
Total
———
100,00

Au point de vue nutritif, 100 kilogrammes de sarments ensilés équivalent sensiblement à 50 kilogrammes de bon foin sec.

La préparation du sarment-fourrage comporte trois opérations qui sont : le ramassage, le broyage, l’ensilage et la fermentation.

Le ramassage des sarments.

— Les sarments doivent être ramassés avant la chute des feuilles, car, à partir de ce moment, ils perdent de leur valeur alimentaire.

Dans certaines exploitations méridionales, on pratique dès la fin des vendanges une taille sommaire qui consiste à couper les sarments à deux ou trois nœuds au-dessus du bourgeon qui sera conservé au moment de la taille définitive. C’est l’« espoudassage » qui facilite les premiers travaux de culture. Les bois espoudassés et garnis de feuilles peuvent fort bien être broyés.

Broyage des sarments.

— Les sarments ainsi récoltés doivent être coupés, puis écrasés et broyés, de façon à être plus facilement absorbés et assimilés par les animaux. On utilise, à cet effet, des broyeurs identiques à ceux employés en Bretagne pour le broyage des ajoncs. On obtient ainsi une véritable mousse de sarments.

Ensilage et fermentation.

— Il faut éviter immédiatement l’action de l’air. L’ensilage consiste à entasser la matière humide, puis à l’abandonner à elle-même pendant un certain temps. Il faudra tasser fortement les sarments broyés pour chasser l’air interstitiel qui s’y trouve et même les préserver de l’air extérieur, en ayant recours à des récipients bien étanches. Le chargement de ces récipients ou silos se fait par couches successives, bien tassées ; une fois pleins, on place dessus une couche de paille, puis une couche de terre de manière à maintenir le tassement et éviter l’aération.

La fermentation ne tarde pas à se déclencher ; il y a élévation de température pouvant atteindre 60°, dégagement de gaz et la couleur de la masse passe du vert au brun. Pendant cette fermentation, il-y a dégagement de vapeur d’eau et affaissement de la masse ; il faut alors retasser pour éviter l’entrée d’air.

Au bout de six à sept semaines, la fermentation est terminée, la température tombe et le sarment-fourrage est consommable. Mais il faut toujours le préserver de l’action de l’air. Il sera donc préférable, dans ce but, d’utiliser des silos de petite capacité, de manière à diminuer la surface d’aération pendant la durée d’exploitation du silo. Cette exploitation devra se faire par couches horizontales, quotidiennement, et les gaz qui continuent à se dégager préserveront la surface d’une façon assez efficace d’un jour à l’autre.

Distribution des rations.

— Les sarments-fourrages sont donnés aux animaux, mélangés à du son mélassé et de la recoupe de minoterie. Tous les animaux l’acceptent facilement et les chevaux en sont très friands.

Voici la ration par cheval :

Sarments ensilés 15 kilogrammes.
Son mélasse 5  —
Repasse 1 kilogramme.

Cette ration quotidienne doit être distribuée en trois repas.

H. PAU,

Ingénieur agricole, Professeur d’Agriculture, Expert des Tribunaux.

Le Chasseur Français N°599 Mai 1940 Page 290