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La radio

Les longueurs d’onde et les brouillages.

La longueur d’onde d’une émission radiophonique, en termes plus techniques, sa fréquence, est une caractéristique essentielle de cette émission ; elle constitue, en quelque sorte, son numéro d’ordre qui lui appartient normalement en propre, et sert à la distinguer des autres, de même qu’un numéro d’appel d’un abonné au téléphone permet d’entrer en correspondance avec lui. Si deux stations ont des combinaisons d’appel, c’est-à-dire des longueurs d’onde identiques, ou, du moins, différant très peu l’une de l’autre, il sera bien souvent très difficile d’entendre clairement les émissions provenant de l’une, sans entendre celles provenant de l’autre. L’audition sera troublée, et il se produira ce qu’on appelle des brouillages.

Ces brouillages, si gênants et si redoutés des sans-filistes, ne sont pas à craindre d’une façon uniforme suivant les stations considérées ; ils dépendent de la puissance relative des émissions qu’on veut recevoir, de l’emplacement géographique du récepteur, et aussi, évidemment, des caractéristiques de ce dernier. Il y a des appareils plus ou moins sélectifs, c’est-à-dire permettant de mieux séparer les émissions les unes des autres, de recevoir nettement le radio-concert que l’on veut entendre, sans risquer que l’audition soit troublée par des brouillages provenant d’autres émissions indésirables.

Si le récepteur est installé dans une ville où se trouve une station d’émission locale, même de puissance moyenne, nous entendrons parfaitement cette émission avec un récepteur quelconque, même si une autre station possède la même longueur d’onde, c’est-à-dire le même indicatif d’appel, mais est située à une très grande distance de la première, en France ou à l’Étranger, ou bien si sa puissance est trop faible pour lui permettre d’être perçue à grande distance.

Lorsque nous parlons avec un interlocuteur dans la rue, notre conversation n’est pas troublée par le bruit d’un train qui circule sur la voie à quelques kilomètres de là, ni par le chant de quelques oiseaux minuscules dans les arbres d’une avenue.

Les difficultés de la sélection, c’est-à-dire de la séparation des différentes émissions les unes des autres, ne sont pas les mêmes, d’ailleurs, pour toutes les émissions, et diffèrent suivant les longueurs d’onde de celles-ci, ou plutôt suivant les fréquences.

L’usager de la T. S. F. considère avec raison les longueurs d’onde, nous l’avons rappelé plus haut, comme des numéros d’ordre ou des indicatifs d’appel permettant de distinguer les stations les unes des autres ; mais le sans-filiste plus éclairé se rend compte qu’au point de vue de la sélection, en réalité, toutes les longueurs d’onde ne se ressemblent pas ; on ne peut les comparer tout à fait exactement aux combinaisons d’appel des abonnés au téléphone, qui sont toutes les mêmes par rapport à la facilité des communications.

En réalité, la sélection des émissions est d’autant plus facile que leur longueur d’onde diminue ; c’est ce qui explique pourquoi le réglage pour la réception des émissions sur petites ondes ou sur ondes courtes doit être plus précis que le réglage pour la réception sur grandes ondes.

Les cadrans de réglage des postes récepteurs actuels sont généralement transparents, et bien éclairés par derrière, de sorte que la recherche des émissions est facile. Ces cadrans portent inscrits sur leur surface les noms des différentes émissions que l’on peut normalement entendre avec le récepteur. Pour obtenir l’audition de l’émission désirée, il suffit de faire tourner le bouton de commande unique de l’appareil, qui agit sur le bloc de condensateurs variables et, en même temps, déplace devant ou derrière le cadran une aiguille de repère, par rotation ou par translation.

On tourne le bouton de recherche, de manière à amener la pointe de l’aiguille en face d’un point ou d’un trait de repère correspondant au nom de l’émission inscrit sur le cadran ; mais la plupart des cadrans portent également les indications des différentes longueurs d’onde des émissions.

Tout auditeur de T. S. F., qui a examiné le cadran de repère de son récepteur ainsi établi, peut immédiatement se rendre compte que le nombre des émetteurs sur grandes ondes, au-dessus de 1.000 mètres, était relativement très réduit. Au contraire, un très grand nombre de postes sont indiqués sur la gamme des petites ondes, entre 200 et 500 mètres de longueur d’onde. Pratiquement, on considère actuellement en radiophonie essentiellement les grandes ondes de l.000 à 2.000 mètres et les petites ondes, de 200 à 550 mètres.

Il y a, de plus en plus, cependant, des postes récepteurs dits « toutes ondes », parce qu’ils permettent de recevoir, non seulement les émissions sur grandes ondes et sur petites ondes, mais également d’autres émissions provenant généralement de stations lointaines, et émises sur la gamme des ondes courtes, de 16 à 80 mètres environ.

Pour ces ondes courtes, le réglage doit être extrêmement précis ; mais la sélection est beaucoup plus facile, et la réception est généralement moins troublée par les perturbations de toutes sortes, parasites industriels ou même atmosphériques.

Sur la gamme des grandes ondes, il est impossible de transmettre simultanément sans brouillages un grand nombre d’émissions simultanées, alors que, sur la gamme des petites ondes, la multiplication des émissions devient plus facile. C’est seulement par l’utilisation des longueurs d’onde courtes qu’on pourra arriver à augmenter le nombre des postes d’émission, tout en rendant possible la réception, sans risque de brouillage.

Pourtant, on n’a pas supprimé, en pratique, les postes émetteurs sur ondes longues, parce qu’on apprécie la régularité des résultats qu’ils permettent d’obtenir, tant de jour que de nuit, ce qui les rend précieux pour les informations et la propagande. Chaque nation peut ainsi posséder un ou deux postes sur ondes longues à grande puissance ; d’autre part, on ne peut augmenter le nombre des stations sur ondes courtes, en raison de la difficulté de réception de leurs émissions, durant une grande partie de l’année, suivant les heures de la journée, et les irrégularités d’intensité, en raison aussi de la nécessité d’utiliser à cet effet des récepteurs un peu spéciaux, et, par conséquent, plus coûteux. Bien que cela semble paradoxal, les émissions des stations à ondes très courtes sont reçues bien souvent beaucoup mieux à une distance de plusieurs milliers de kilomètres que dans une zone rapprochée de quelques dizaines ou quelques centaines de kilomètres. Ces émissions sont donc réservées spécialement aux transmissions à grandes distances.

Le nombre et la puissance des émissions radiophoniques ne cesse de s’accroître, et l’espace radiophonique, en quelque sorte, réservé à ces émissions pour permettre la réception sans brouillage suivant la gamme des longueurs d’onde, ne s’accroît pas dans les mêmes proportions ; de là, la nécessité des réglementations internationales déterminant la répartition et l’affectation des longueurs d’onde aux stations de toutes les nations du monde.

Un peu avant la guerre, en 1939, une nouvelle conférence internationale s’est ainsi tenue à Montreux, et ses décisions intéressaient plus de 40 millions d’auditeurs dans le monde. Elle a fait suite à celle du Caire, organisée en 1938 pour réviser la répartition des longueurs d’onde de toutes les émissions radio-électriques, de radio-diffusion, des services publics, et même des émissions d’amateurs.

Les émissions d’amateurs ont été supprimées depuis la guerre dans tous les pays belligérants, pour des raisons bien évidentes, et de nouvelles longueurs d’onde, décidées par la conférence de Montreux, devaient être réservées aux stations à partir de 1940. Il est probable qu’elles seront appliquées après la guerre, mais l’état de guerre n’a pas modifié les conventions internationales radio-électriques.

La « guerre des ondes radiophoniques » est, d’ailleurs, jusqu’à présent assez limitée, comme nous l’avons montré dans un article précédent. Les brouillages volontaires destinés à empêcher la transmission des émissions ennemies de propagande sont des procédés de lutte efficaces, sans doute, mais qui peuvent attirer immédiatement une riposte d’un adversaire bien armé au point de vue technique : aussi, demeurent-ils jusqu’à présent relativement rares.

P. HÉMARDINQUER,

Ingénieur Conseil.

Le Chasseur Français N°599 Mai 1940 Page 300