Le blaireau est — de par la classification zoologique
— un quadrupède mammifère de l’ordre des carnassiers et de la famille des
plantigrades. Communément, on le nomme Tesson. Bien que classé parmi les
animaux nuisibles, il rend, en somme, des services aux agriculteurs. Il est
vrai que parfois il dévore quelques couvées de perdrix et de faisans, lorsqu’il
parvient à en rencontrer ; qu’il tue bon nombre de lapereaux, sachant très
bien les découvrir et fouiller les rabouillères ; enfin, qu’il se livre à
des déprédations parfois assez graves dans les champs de maïs à sa portée et
dans les vignes, dont il paraît apprécier particulièrement les fruits. Mais
qu’on n’aille pas dire qu’il détruit des lièvres. Il suffit d’avoir vu un seul
blaireau dans sa vie, pour reconnaître que sa conformation, ses pattes courtes,
ses allures lentes, ses mœurs enfin, ne lui permettent pas à distance de
capturer un grand lièvre.
Il rachète les quelques méfaits qu’il peut commettre par une
incroyable destruction de souris, de limaçons, de vers blancs, de hannetons,
etc., ce qui est une compensation.
L’homme fait la guerre au blaireau. Pourquoi donc chercher à
le détruire ? Parce qu’il mange des lapereaux, du raisin ? Peut-être,
mais le véritable motif, il importe de le faire connaître : c’est le
sybaritisme de l’homme qui a voulu utiliser pour son agrément le poil du
blaireau, poil blanc à l’extrémité noire, poil très fin, très tendre et très
souple. Et c’est le sexe laid qui se sert de ce poil, précisément pour paraître
moins laid. Autrefois, les « figaros » faisaient mousser avec la main
le savon dans le plat à barbe, et c’est avec leurs doigts qu’ils étalaient
cette mousse sur la figure. Aujourd’hui, tout le monde se savonne la barbe avec
un pinceau épais, dont les poils soyeux viennent doucement caresser le menton.
Et c’est le poil du blaireau qui sert à faire ce pinceau. À quoi tiennent les
destinées !
Certains auteurs anciens, fort crédules et peu praticiens,
prétendent qu’il y a deux variétés de blaireaux : le Porchin et le Chenin.
Pure invention. Il n’en existe qu’une seule espèce, et cette espèce, qui se
rencontre partout en Europe, offre à peine quelques légères variations de
pelage et de volume.
Le blaireau mesure de 75 à 80 centimètres depuis le
museau jusqu’à la naissance de la queue : celle-ci est longue d’environ 20 centimètres ;
sa hauteur, au garrot, est à peine de 33 centimètres ; son poids va
jusqu’à 25 kilogrammes.
Sa tête allongée est terminée par un groin nu, presque
semblable à celui du porc, auquel le blaireau a été souvent comparé aussi pour
la forme du corps, arrondi, épais et relevé dans sa partie postérieure. Les
oreilles et les yeux sont petits, les pieds très courts, épais, les pattes nues
à la plante et munies de cinq doigts armés de griffes longues et recourbées,
très proéminentes et acérées sur les pieds du devant comme chez tous les
mammifères fouisseurs. La queue est courte et velue ; à sa base et près de
l’anus, se trouve une fente transversale assez large, conduisant dans le sac de
la glande odorante, qui est presque entièrement dégarni de poils.
Les ongles, très longs, rendent les traces du blaireau
parfaitement reconnaissables au peu d’allongement des pas. Le talon très large
et les doigts relativement petits laissent une empreinte en tout semblable à
celle d’un énorme chat, et, quand il fait beau revoir, on distingue, à plus
d’un centimètre en avant des doigts, la pointe acérée de ses griffes.
Les incisives, les canines et les prémolaires indiquent
seules le caractère carnassier du blaireau, tandis que les vraies molaires,
surtout celles de la mâchoire supérieure, sont très larges et témoignent de
l’adaptation à un régime omnivore.
La peau de cet animal est très épaisse et garnie d’une
fourrure extrêmement fournie, ce qui le rend très difficile à porter bas d’un
seul coup de fusil. Il faut le tirer avec du très gros plomb. Cette fourrure se
compose de poils roides, luisants, assez longs. Ils sont jaunâtres à la racine,
noirs au milieu, d’un gris blanchâtre au bout ; il en résulte une teinte
générale blanc grisâtre et noir sur le dos, passant au roux aux flancs et à la
queue, au noir-brun au ventre et aux pattes ; la tête est blanche ;
de chaque côté du museau court une bande blanche, qui s’élargit, recouvre l’œil
et l’oreille et se perd à la nuque.
La femelle est plus petite que le mâle ; son poil est
plus clair, le duvet blanchâtre apparaissant au travers des poils soyeux. On
rencontre quelquefois, bien que rarement, des blaireaux tout blancs et plus
rarement encore blancs, à tache châtain foncé.
Les grognements du blaireau rappellent ceux du porc.
Les insectes de toute espèce, notamment les hannetons, les
limaces, les escargots, les vers, composent le fond de sa nourriture. Au
printemps et en été, il s’attaque aux œufs d’oiseaux, ou aux jeunes encore au
nid, qu’il peut trouver à terre, aux jeunes levrauts, aux taupes, aux lézards,
aux grenouilles, et même aux serpents. En automne, il mange toute sorte de
fruits, de carottes, de raves et d’autres racines. Il aime les raisins, dont il
absorbe le jus en serrant les grappes entre ses pattes. Il est également très
friand de miel et de larves d’abeilles et de guêpes ; aussi,
recherche-t-il leurs nids, dont il dévore les gâteaux avec volupté, sans se
soucier, grâce à son pelage grossier, à sa peau épaisse et à sa couche de
graisse, des piqûres qu’il peut recevoir. Au besoin, il se nourrit de charogne.
Il mange peu et n’amasse pas beaucoup de provisions pour son hiver.
La morsure du Blaireau est très mauvaise, ses dents étant
très tranchantes.
De même que l’ours, son congénère, il se charge, à la fin de
la bonne saison, d’une énorme couche de graisse qui lui sert à supporter plus
facilement la longueur d’un hiver rigoureux. Il songe à ce moment à passer la
mauvaise saison le plus doucement possible, et il fait les préparatifs les plus
indispensables pour son sommeil d’hiver. Il amasse des feuilles dans sa caverne
et se forme une couche molle et chaude ; jusqu’à l’arrivée du froid, il se
nourrit de ses provisions. À ce moment, il se roule en boule, couché sur le
ventre, la tête entre les pattes de devant, et s’endort. Dès que la température
se radoucit, il se réveille, sort même la nuit de son terrier pour boire,
surtout par les temps de pluie ou les nuits peu froides. L’ours résiste aux
privations de cette période hivernale en se léchant les pattes, dont il
parvient à extraire une matière graisseuse ; le blaireau peut se nourrir
pendant plus d’un mois d’un liquide graisseux, sécrété par sa poche anale.
Lorsque l’hiver est doux, il commence déjà en janvier ou en février à fouiller
la terre pour y découvrir des racines, à attraper même des souris. Ce temps de
jeûne l’éprouve cependant, et, au printemps, il est d’une maigreur extrême.
R. VILLATTE DES PRUGNES.
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