Les cendres et la suie.
— M. Joseph Jouet, retraité à Chemillé, demande
une réponse aux questions ci-après :
« Peut-on utiliser les cendres de boulets et
d’anthracite, ainsi que la suie de ces combustibles et à quel usage ? Je
veux parler de leur utilisation au jardin. »
Les cendres de boulets et d’anthracite ne contiennent guère
de mâchefer et, n’ayant pas besoin d’être tamisées, on peut les employer
« tout-venant », en épandage sur les carrés du potager, ou après leur
incorporation au compost. Toutefois, ces cendres sont loin d’avoir une valeur
fertilisante égale à celle des cendres de bois, surtout celles qui n’ont pas
été lessivées. Quoi qu’il en soit, elles contiennent encore suffisamment
d’acide phosphorique, de potasse et de chaux pour qu’elles méritent d’être
récupérées au titre d’engrais. Quant à la suie, qu’elle soit de bois ou de
houille, elle constitue un excellent engrais complet, c’est-à-dire contenant
les quatre principes essentiels associés. Ci-dessous la composition centésimale
moyenne de ces différents résidus :
|
Azote. |
Acide phosphorique. |
Potasse. |
Chaux. |
Cendres de houille |
— |
0,8 |
0,5 |
8,0 |
—— de bois lessivées |
— |
0,8 |
0,5 |
20,0 |
—— de bois non lessivées |
— |
8,0 |
15,0 |
40,0 |
Suie de houille ou de bois |
2,0 |
0,4 |
1,5 |
6,5 |
La suie peut être épandue en couverture sur toutes les
cultures, mais plus particulièrement sur les plantes de la famille des
crucifères (choux, navets, radis, etc.), qu’elle défend momentanément de
l’attaque des altises (puces de terre). L’action est plus marquée lorsque les
saupoudrages se font à petite dose, en les répétant souvent.
Je construis ma fumière.
— « N’ignorant pas l’influence heureuse de la
matière organique sur la fertilité de mon potager, je voudrais récupérer tous
les détritus de la maison, du jardin, le fumier des lapins, des poules, les
vidanges liquides et solides. Quel serait le meilleur dispositif à adopter pour
obtenir un bon fumier, en évitant les pertes par l’air et par les
pluies ? »
Les matières organiques, transformées en
« beurre noir », retiennent bien les principes essentiels, lorsqu’on
les met en dépôt, en les tassant, sur une plate-forme imperméable, surtout si
on a soin de les humidifier avec du purin, provenant des déjections liquides et
solides, diluées par les égouts des éviers et les pluies qui tombent sur la
fumière.
La coupe ci-contre montre la manière de construire une
plate-forme à fumier adaptée à une propriété. On établit un bétonnage B, de 10
à 12 centimètres d’épaisseur, recouvert d’une chape en ciment poli,
dressée suivant de légères pentes, convergeant vers un puisard central, où se
dirigent les jus du fumier A, vers la fosse à purin D, en passant par le
conduit C. Dans la même fosse, se rendent également les vidanges provenant des
latrines E, ainsi que les eaux vannes des éviers amenées par le caniveau F.
De temps à autre, plus particulièrement lorsqu’il fait sec,
on arrose le tas de fumier, soit à la pompe, soit à l’écope, en prenant l’effluent
dans la fosse D, celle-ci étant vidangée de son dépôt lorsqu’on juge à propos
de le faire, les matières extraites remises sur la plate-forme en chargement.
Forçage de la tomate.
— Un abonné du Nord pose la question en ces
termes : « J’ai obtenu à ce jour des résultats satisfaisants en
cultivant la tomate en pleine terre. Je voudrais maintenant m’intéresser à la
culture forcée, sous verre. Quelle variété faut-il choisir ? Je connais
les avantages par un professionnel qui arrive à avoir des fruits début de mai.
Comment s’y prendre ? »
La culture forcée de la tomate est une spécialité assez peu
pratiquée, si ce n’est par les amateurs fortunés, ne regardant pas trop à la
dépense, et qui disposent de serres ou de bâches chauffées. Avec un bon
thermosiphon, du vitrage et des paillassons, on peut arriver à produire, au
début de mai, de beaux et de bons fruits appréciés. Mais, au point de vue
rapport, à moins de disposer d’une installation adéquate, assez coûteuse,
pouvant servir à d’autres forçages, la culture hâtée de la tomate ne peut guère
être rémunératrice, parce que, sur les marchés, les tomates de serre ne peuvent
pas lutter contre les tomates qui nous viennent du Midi ou de l’Afrique du
Nord, obtenues en pleine terre.
Ce n’est pas que le forçage de la tomate présente de grosses
difficultés. Le plant est élevé en novembre-décembre, sur couche chaude, puis
repiqué dans des serres ou des bâches chauffées, protégées extérieurement, la
nuit, par des paillassons déroulés. On aère le plus possible quand le temps le
permet et on arrose suivant les besoins. Pour cette spécialité, on donnera la
préférence à la variété naine très précoce, dont la hauteur ne dépasse guère 60 centimètres.
Le crud ammoniac.
— « À quoi peuvent servir les matières
d’épuration en poudre noire, à odeur ammoniacale, produites par l’usine à gaz
de N ... Voulant défricher une chênaie, pour y créer un potager,
pourrai-je utiliser ce résidu pour assainir et enrichir mon terrain, ainsi que
pour faire pourrir les souches, par exemple, en le semant dessus avec de la
sylvinite ? »
Le crud ammoniac, résidu de l’épuration du gaz d’éclairage,
est à la fois un herbicide et un insecticide énergiques. C’est en même temps un
excellent engrais azoté, puisque sa teneur en azote ammoniacal est d’environ 5
à 6 p. 100, avec cependant d’assez grands écarts en plus ou en moins.
Mais, comme le crud contient des poisons toxiques, notamment des sulfocyanures,
il est instamment recommandé de les enfouir en terre, trois ou quatre mois au
moins avant d’y effectuer des semis ou des plantations.
Vous détruirez certainement beaucoup d’insectes et de
mauvaises plantes en enterrant, dans votre défrichement, 12 à 15 kilogrammes
à l’are de crud ammoniac. Toutefois, même en l’associant à de la sylvinite,
cela ne fera pas pourrir vos souches de chêne. Pour débarrasser votre futur
potager des culées d’arbres qui l’encombrent, il faudrait creuser, dans chacune
d’elles, avec une grosse tarière, des trous ayant 3 centimètres de
diamètre et 20 centimètres de profondeur, dans lesquels vous verserez 100 grammes
de salpêtre, en ayant soin de fermer l’orifice avec un bouchon de bois.
L’opération étant faite à l’automne, le salpêtre se diffusera peu à peu dans la
souche et, vers la fin de l’été, vous pourrez les incinérer en y mettant le feu,
après avoir rempli lesdits trous avec de l’essence minérale.
Désinfection des composts.
— M. Francis Lusson, à la Baule, met en tas tous
les détritus (feuilles, fanes, racines et fruits avariés, herbes, etc.), qu’il
utilise ensuite pour fertiliser son potager.
« Ce compost a un grave inconvénient : c’est
d’être une véritable pépinière d’insectes (vers blancs, doryphores, vers gris,
etc.) Est-il possible de faire, pratiquement, sa désinfection, et quels
produits faut-il employer pour cela ? »
La destruction des œufs, des larves, des pupes et des
insectes parfaits, qui se trouvent enrobés dans la matière organique des
composts, ayant été apportés par elle, n’est pas toujours commode, en raison de
la grande vitalité de certaines chrysalides. C’est pendant l’époque des
métamorphoses que les insectes sont les plus vulnérables. Comme ils redoutent,
par-dessus tout, les émanations d’hydrogène sulfuré, et celles du sulfure de carbone,
on s’efforcera de provoquer des dégagements de ces gaz asphyxiants, puisqu’une
dose infime suffit pour occire les déprédateurs des cultures.
Pour cela, il faudra humidifier le tas, sans jamais le
laisser se dessécher, avec de l’eau dans laquelle on fera dissoudre 5 p. 100
de sulfocarbonate de potassium. Outre que cette solution active la
décomposition de la matière organique, et qu’elle l’enrichit en potasse, les
insectes meurent asphyxiés dans la masse transformée en « beurre noir ».
À défaut de sulfocarbonate de potasse, on pourrait recourir
à l’emploi du sulfate de chaux, qui n’est autre que du plâtre. On l’épand par
saupoudrage, sur les détritus du compost, au fur et à mesure des apports.
Dose : 10 kilogrammes par mètre cube. Le plâtre dégage également de
l’hydrogène sulfuré, et l’action insecticide est assez marquée, si le tas de
compost est humidifié convenablement pendant toute la durée de sa
décomposition.
Destruction des loches.
— M. Georges Fournival écrit :
« Je possède, au bord de la mer, un petit jardin de
200 mètres carrés, entourés d’une palissade en ciment, qui est infesté de
limaces et de loches. Quels produits employer pour me débarrasser sûrement de
ces indésirables ? »
Les loches grises, de même que les grosses limaces jaunes,
causent de gros dommages dans les jardins, qu’ils soient légumiers ou
d’agrément. On peut les détruire de deux manières : 1 Pendant la
période de l’hibernation, de novembre à février, en injectant dans le sol 10 kilogrammes
de sulfure de carbone à l’are, ou en y enfouissant a haute dose du crud
ammoniac et du plâtre gris, 10 kilogrammes de chaque sorte ; 2° En
faisant la chasse aux gastéropodes, lors des premières sorties printanières, ou
en épandant des substances caustiques (chaux, scories, sylvinite, suie, etc.).
Enfin, on a encore la ressource d’empoisonner les mollusques vagabonds, de
préférence au « méta », qui n’est autre que de l’anhydride méthylique
que l’on incorpore à la dose de quatre tablettes pilées, dans un kilogramme de
son de blé. Le mélange est réparti en petits tas sur le trajet des limaces, à
proximité des planches à protéger. En deux ou trois nuits chaudes et humides,
on débarrasse un jardin de ses hôtes indésirables.
De tous les procédés, c’est la sulfuration au pal qui est le
plus efficace, car il détruit non seulement les loches, mais aussi tous les
insectes hivernants, tels que vers blancs, vers gris, courtilières, fourmis,
etc. Toutefois, comme le sulfure de carbone est également toxique pour les
plantes, on ne devra pas s’approcher trop près des arbres ni des autres
végétaux vivaces à conserver.
Adonis LÉGUME.
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