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Cresson et cressonnières

Le cresson appartient à un genre de plantes de la famille des Crucifères à laquelle appartient le cresson de fontaine. Ce cresson croît sur les bords des rivières, des ruisseaux ou des étangs dont l’eau n’est pas corrompue ; il se conserve et se plaît surtout dans celle qui conserve pendant l’hiver assez de chaleur pour n’être pas gelée ... Autour des grandes villes, on établit des cressonnières ; un terreau humecté par les suintements de l’eau, vivifié par les sources, ou bien où on peut amener l’eau des sources voisines par des canaux couverts, est celui qui convient à ce genre de culture. Au mois de mars ou d’avril, on creuse des plates-bandes dont la largeur est proportionnelle à la quantité d’eau dont on peut disposer ; on met un fond de bonne terre, si le terrain n’est pas de bonne nature ; on y répand du sable, s’il est trop marécageux, puis on y fait entrer l’eau pendant quelques heures ; on la retire ensuite ; on sème ou l’on plante ; puis, au bout de quelques jours, on ramène l’eau pendant quelques heures pour la faire écouler encore, continuant ainsi jusqu’à ce que la plante soit bien levée ou reprise. L’eau ne doit jamais être tenue qu’à la hauteur des jeunes plants ; ils périraient, s’ils restaient trop longtemps submergés. Dès la deuxième année, la cressonnière est en plein produit et on en fait la récolte à l’aide d’un couteau ou d’une serpette, mieux encore avec l’ongle mais pied par pied. L’hiver, quand on craint les gelées trop fortes, on couvre la plante d’une certaine hauteur d’eau.

Rien n’est plus facile que d’établir ainsi des cressonnières d’une étendue restreinte dans le voisinage des puits. Si l’on veut fonder des établissements de plusieurs et plus grandes cressonnières, la culture du cresson exige beaucoup de soins et d’attention, surtout en hiver où une forte gelée peut détruire toute une cressonnière éloignée des sources d’eau vive pour qu’elles puissent la maintenir ; Le terrain devra être divisé en fossés parallèles séparés par des plates-bandes élevées destinées à diverses genres de culture maraichère. Le fond des fossés sera recouvert de terre végétale sableuse bien nivelée. Le cresson est planté par œilletons ou petites touffes, en quinconce à 10 centimètres de distance, en mars et août ; il est nécessaire de prendre du plant très propre et d’éviter surtout la Lenticula ou Lemma, plante très préjudiciable au cresson, qui est en rapport dès la première ou deuxième année, suivant la nature des eaux du fond et l’état de l’atmosphère. Des sarclages de loin en loin sont utiles ; après cela, il faut prévenir les effets des gelées pendant les hivers rigoureux et éviter les eaux sauvages, bourbeuses dans les dégels et les orages. Les grandes chaleurs sont aussi nuisibles. La coupe se fait au moyen d’une planche mise en travers sur le fossé. Le cressonnier, couché sur cette planche, en soulevant les touffes, coupe le cresson avec une serpette. Si la saison est favorable, on coupe en été de trois en trois semaines ; mais, si la saison est froide, il faut quelquefois jusqu’à deux mois. Après la coupe, il faut refouler et rempiéter le cresson dans toute l’étendue de la planche. On se sert pour cela d’un instrument appelé schivel, qui est une planche de près de deux mètres portant un long manche ; avec cet instrument, deux ouvriers marchent chacun sur le bord de la plate-bande, refoulent ensemble chaque pied de cresson et font rentrer les racines soulevées par la coupe, puis ils roulent toute l’étendue du fossé pour égaliser la cressonnière. On doit faire la coupe un peu avant la floraison. Une bonne cressonnière peut durer longtemps, mais il faut la renouveler aussitôt qu’elle dépérit ; on arrache alors le cresson avec toutes les racines ; on laboure le fond, on le ratisse et on y apporte de la terre végétale, si besoin est, on nivelle et on replante comme on l’a déjà fait. Si le fond du fossé est trop maigre, on le fume avec du terreau bien décomposé. Pour prévenir de la gelée le cresson, nous l’avons dit plus haut, on fait monter l’eau au-dessus, mais on doit se hâter de baisser les eaux aussitôt que le temps se radoucit.

Pour créer de petites cressonnières, on peut se procurer du cresson par la culture en semant au printemps sur le bord des eaux courantes où il s’étend par ses racines traçantes. À défaut d’eau courante, on remplit à moitié de terre des baquets placés auprès des puits ; on y sème de la graine et on y plante des racines, et on couvre d’eau qu’on renouvelle de temps en temps pour l’empêcher de se corrompre. Ou bien on consacre à cette culture les planches du potager voisines du puits, on les dispose de manière qu’elles forment un peu le réservoir et on y entretient une couche d’eau de deux à trois centimètres au-dessus de la terre.

Le cresson est employé en salade et comme accompagnement de viandes rôties ; son action sur la santé est excellente et excite l’appétit et fortifie l’estomac : il est un excellent antiscorbutique.

Le cresson, employé comme dépuratif et antiscorbutique, doit être pris à froid : la cuisson et la dessiccation détruisant ses propriétés bienfaisantes :

On peut bien, pour la consommation d’un ménage peu nombreux, cultiver le cresson dans un baquet à moitié rempli de terre sur laquelle on verse assez d’eau pour que la plante soit continuellement submergée ; mais alors, bien que l’on ait soin de renouveler l’eau assez souvent pour empêcher qu’elle ne se corrompe, le cresson obtenu de cette façon ne vaut jamais le cresson de fontaine poussé à l’état sauvage ou à l’aide d’une eau courante qui se renouvelle sans cesse. Si l’on destine des planches du potager à devenir une cressonnière artificielle, il faudra d’abord les niveler, ou leur ménager une pente peu sensible, et elles seront entourées d’un rebord légèrement saillant ; l’eau, introduite à la partie supérieure, s’écoule en nappes et descend par une brèche, laissée à dessein dans le rebord, sur la planche suivante. Des tiges de cresson sauvage sont posées à plat sur le sol des planches ainsi disposées et fixées par de petites fourches de bois, afin que le courant, bien que faible, ne puisse les entraîner avant qu’elles ne s’enracinent, ce qui d’ailleurs a lieu presque immédiatement. Les plantes ne tardent pas à s’emparer de tout le terrain, et on peut les récolter avec modération pour qu’elles puissent repousser constamment. Cette façon de cultiver le cresson réussit partout ; la récolte est à peine interrompue pendant les grands jours. Tous les deux ans, le sol de la cressonnière doit être mis à sec, labouré, fumé et piétiné et rendu à la culture du cresson.

Louis TESTART.

Le Chasseur Français N°600 Juin 1940 Page 349