En été, il n’est pas rare de voir des promeneurs citadins
s’arrêter longuement devant un champ de pommes de terre pour s’extasier sur la
floraison des plantes. Le spectacle est parfois magnifique : une multitude
de petites fleurs diversement colorées, se détachant sur le fond vert du
feuillage, brillent au soleil et s’agitent au gré du vent.
L’abondance des fleurs est, comme nous le verrons, surtout
sous l’étroite dépendance des conditions atmosphériques estivales. Pour l’étude
de la floraison, nous parlerons successivement des caractères de la fleur, des
principaux types de coloration et de quelques règles intéressant le
cultivateur.
Les caractères de la fleur.
— L’inflorescence de la pomme de terre, autrement dit
la disposition générale des fleurs, s’appelle, en terme botanique, une cyme.
Cela veut dire que les fleurs sont rassemblées en bouquet comprenant un
pédoncule unique, lequel se divise en plusieurs rameaux portant chacun une
fleur.
Examinons attentivement les organes de l’une de ces fleurs.
Nous y voyons un calice vert formé de cinq sépales soudés à leur base,
une corolle comprenant cinq pétales colorés également soudés à
leur base, cinq étamines jaunes accolées laissant passer un style
vert.
Signalons, en passant, que la pomme de terre est une solanée
et que toutes les plantes de cette famille végétale ont des fleurs gamopétales.
Les variations de la corolle.
— Il est possible de constater diverses variations
intéressant les organes floraux. Le pédoncule floral peut être plus ou moins
long suivant les variétés. Les sépales du calice ont également une longueur et
une forme assez diverses. Les étamines sont plus ou moins soudées. Quant au
style, il sort plus ou moins au-dessus des étamines. Mais ces variations sont
peu typiques ; ce sont des modifications permettant mal une
différenciation des variétés.
Beaucoup plus importantes sont les variations observées dans
la couleur des pétales, variations faciles à constater. Mais, pour bien
tenir compte de ces modifications dans la coloration, il est utile de se
rappeler les deux principes suivants :
1° La pigmentation des fleurs varie un peu avec leur âge ;
très prononcée pour les fleurs jeunes, elle s’amoindrit pour les fleurs âgées.
Tout le monde sait que ces dernières pâlissent avec le temps ;
2° La pigmentation englobe rarement l’intégralité des
pétales. Il existe, le plus souvent, des plages colorées au centre de la
fleur et des plages plus claires à l’extrémité des pétales. Même chez des
fleurs fortement colorées comme le sont celles de la Violette d’Auvergne,
l’extrémité des pétales est blanche.
Ces réserves étant posées, examinons les différences de
coloration des fleurs.
Les principaux types de coloration.
— Ducomet, dans sa classification des pommes de
terre qui date de 1928, distingue suivant la coloration, quatre groupes de
fleurs qu’il caractérise par les mots latins : album (fleurs
blanches), cyaneum (fleurs bleues), violaceum (fleurs violettes),
rubrum (fleurs rouges).
1° Parmi les très nombreuses variétés à fleurs blanches, on
peut citer : Royal Kidney, Majestic, Esterlingen, Bintje,
Eigenheimer, Institut de Beauvais, Great Scot, Ferdinand
Heine, Chardon, Rosa, Early rose, Flourball, Kerr’s
Pink ;
2° Les variétés à fleurs bleues, très légèrement violacées,
comprennent Géante bleue, Hollande de Roscoff, Victor, Blanchard ;
3° Au groupe violaceum (fleurs violettes) se rattachent Quenelle,
Fluke, Maercker, Alpha, Roode Star, Violette
d’Auvergne, Industrie, Odenwalder bleue, Merveille
d’Amérique, Wolthmann, Centifolia, Saucisse ;
4° Enfin, le groupe des fleurs teintées de rouge
englobe Czarine, King Edward, Fin de Siècle, Pepo, Parnassia,
Express.
Dans cette énumération rapide, nous n’avons, bien entendu,
cité que les variétés les plus connues et les plus cultivées. Toutes les
classifications donnent d’ailleurs, pour chaque variété, la couleur de la
fleur ; il n’y a qu’à se reporter à ces classifications.
Les grandes lois de la floraison.
— De nombreuses observations effectuées depuis
longtemps par des agriculteurs expérimentés ont permis d’établir certaines lois
importantes concernant la floraison des plantes.
Les principales de ces lois ou règles sont relatives à
l’époque de la floraison, l’abondance des fleurs, le rapport entre la floraison
et le rendement en tubercules, la floraison tardive.
1° L’époque de la floraison n’est pas, comme on le
croit, absolument fixe et constante. Elle reste sous la dépendance des
conditions climatériques, car il faut une quantité déterminée de chaleur
entre la levée et la formation du bouquet floral. En sorte que la floraison
est retardée dans les pays montagneux, avancée dans les pays de plaine ;
dans le même milieu, un printemps froid et humide retarde la floraison :
des journées chaudes l’avancent notablement. Il s’écoule en moyenne soixante jours
de la levée à la floraison ;
2° L’abondance des fleurs est fonction surtout de la
variété et des circonstances atmosphériques. Beaucoup de variétés hâtives ou
demi-hâtives forment très peu de fleurs. Les sortes à maturité tardive ou
demi-tardive fleurissent abondamment, à quelques exceptions près.
La floraison de la pomme de terre obéit à la grande loi de
la reproduction végétale. Pour que les fleurs soient nombreuses, il est
indispensable que les plantes soient suffisamment alimentées. Dans les étés
où la pomme de terre souffre de la sécheresse, la floraison est rare, le
bouquet floral avorte. Le facteur humidité joue un rôle incontestable
dans la production des fleurs en permettant une nutrition normale.
3° Le rapport existant entre une belle floraison et un
bon rendement en tubercules a été bien des fois constaté. Lorsque les
conditions climatériques permettent la formation de beaucoup de fleurs, que ces
fleurs tiennent longtemps, on peut s’attendre à une récolte satisfaisante.
Cette récolte est généralement réduite quand les fleurs sont rares ou
disparaissent hâtivement. Nous le répétons, une belle floraison indique des
plantes vigoureuses copieusement alimentées, capables de fournir une bonne
tubérisation ;
4° Il n’est pas rare de constater, dans les étés très secs,
une floraison tardive survenant après des pluies suffisamment
abondantes. Cette floraison tardive anormale, survenant souvent plus d’un mois
après l’époque habituelle, marche parfois de pair avec la formation de nouveaux
tubercules. Lors de l’arrachage, on remarque alors une récolte défectueuse
constituée par des tubercules de première et de deuxième génération.
Ces lois de la floraison, déterminées par la pratique,
offrent, comme on le voit, une assez grosse importance pour les personnes
s’adonnant à la culture de la pomme de terre.
Cl. PERRET.
|