Pour la construction des tonneaux, les bois les plus
avantageux sont ceux de chêne, de châtaignier, de mûrier et de hêtre ; le
premier est préférable et tous doivent être sains et très secs avant d’être
employés. Pour s’assurer de la bonté des douves formées de ces bois, on les
éprouvera en frappant sur le tranchant d’une pierre ; si elles cassent
net, on doit les rejeter ; mais, au contraire, les regarder comme bonnes
si elles rompent par éclats. On prétend que le vin se perfectionne dans les tonneaux
construits avec le hêtre, qu’il y prend un goût gracieux. Il est certain que le
vin blanc contracte un petit goût de violette dans le bois de mûrier. Ce faible
avantage ne doit pas lui faire donner la préférence. L’évaporation qui se fait
dans le tonneau de bois de hêtre est plus forte que celle qui s’exécute dans
ceux de bois de mûrier : celle-ci plus forte que dans les vaisseaux de
bois de châtaignier et cette dernière plus considérable que celle des tonneaux
de bois de chêne.
L’expérience démontre ces faits.
Remplir le même jour, et avec le même vin, quatre tonneaux
fabriqués avec ces bois, les tenir dans le même endroit, examiner après six
mois dans lequel des quatre le vin aura le plus diminué et on trouvera la
progression que je viens d’indiquer.
Il est donc plus avantageux de se servir de tonneaux de bois
de chêne ; c’est une économie, et cette évaporation est une perte réelle
pour la quantité et pour la qualité du vin ; ce qui est prouvé par la même
expérience et ce qui sera encore mieux démontré si on voiture ces vins.
On doit préférer, pour la construction des tonneaux, les
douves qui ont flotté, pourvu qu’elles ne soient ensuite employées qu’après
avoir été parfaitement séchées.
Ces douves flottées ont perdu dans l’eau une partie de leur
astriction ; mais elles contracteraient bientôt un goût de moisi, si en
sortant de l’eau on les plaçait dans un endroit humide : goût détestable,
que les efforts de l’art ne sauraient leur enlever. L’avantage réel que l’on
retire des bois secs est qu’ils se gonflent beaucoup à l’humidité. Les bois de
chêne, de châtaignier, de hêtre, perdent peu à peu, en se séchant, une partie
de leur âpreté et de leur astriction.
Les bois qui sont rongés, vermoulus, pertuisés, les bois
vergés, autrement dits bois rouges, ne peuvent, ni ne doivent être employés pas
plus que ceux qui conservent quelque odeur après leur siccité, à moins qu’elle
ne soit douce et suave, comme celle du hêtre et du mûrier. L’ignorance de
certains tonneliers a été l’origine de plusieurs contestations avec l’acheteur,
et le tonnelier est presque toujours obligé de reprendre son ouvrage et de
payer le vin gâté et perdu.
Il est bien difficile, pour celui qui, chaque année, achète
une certaine quantité de tonneaux, d’examiner chaque douve séparément, mais
souvent ses peines ne seront pas perdues.
Ce conseil paraîtra ridicule à tous ceux qui font tout à la
hâte, quoique cette précaution ait assuré la qualité de leur vin. S’il
contracte une odeur désagréable, ou un mauvais goût, ils ne s’en prendront qu’à
eux-mêmes. Ils peuvent dans certains cas avoir recours contre le tonnelier,
mais il faut se pourvoir en justice, et les frais et les ennuis sont
désagréables.
En Espagne, nous avons vu placer les tonneaux sur un terrain
horizontal ; alors les deux extrémités sont au-dessus du sol et ne le
touchent pas. Le tonneau repose sur son bouge, ce qui fait qu’en le roulant on
a beaucoup moins de peine puisqu’il a peu de points de contact avec le
sol ; on craint beaucoup moins la rencontre avec des corps durs capables
de casser l’empeigne et d’endommager la jarre. La terre ne s’incruste point
dans les jointures fermées par la réunion des cerceaux ; ces cerceaux se
conserveront beaucoup mieux dans la cave, parce que cette terre ne fait pas ici
l’effet d’une éponge comme sur les autres tonneaux ; la lie se précipite
par son propre poids dans la cavité des vaisseaux bougés ; ainsi on
obtient le vin le plus clair quand on le soutire puisque la lie occupe moins de
surface et qu’elle est moins étendue dans le reste du tonneau ; enfin,
cette lie réduite en masse se combine plus difficilement lorsque la
fermentation se renouvelle dans la liqueur.
On doit prendre, pour la construction des foudres, les mêmes
précautions que pour celle des tonneaux ; une seule douve défectueuse y
serait encore plus nuisible. Les foudres renferment le double avantage de
perfectionner le vin et de le faire avec économie.
Les cuves doivent être construites en bois de chêne ou de
châtaignier ; le premier est préférable, et tout autre bois est défectueux
et inutile.
Quand on achète une cuve neuve, il faut observer
attentivement et séparément chaque pièce de bois qui entre dans sa fabrication.
Tout bois rouge, vermoulu, doit être rejeté comme sujet à des réparations
continuelles.
Ceux qui construisent les cuves défectueuses ont grand soin
de boucher les trous avec des épines de prunellier, précaution suffisante pour
un temps, mais elle n’est pas de durée.
Une seule douve ainsi défectueuse doit faire renoncer à
acheter une pareille cuve, à moins que le vendeur n’en substitue une autre.
Le bois vergé ou bois rouge se reconnaîtra par les veines de
différentes couleurs répandues sur sa surface. Ce bois employé ne durera pas
aussi longtemps qu’un autre, l’humidité le pénètre aisément et il ne tarde pas
à pourrir. Le bois gras pris sur des arbres tout à fait au retour ne doit pas
être employé ; sa couleur, ses fibres non liées et tendres, le font
aisément reconnaître et laissent perdre le vin. Les douves, formées de partie
d’aubier et d’une partie de cœur de bois, exigent à la rigueur de ne point
entrer dans la fabrication, à plus forte raison si la douve est entièrement
prise dans l’aubier seulement : ce bois est trop tendre et trop facilement
attaqué par les vers ; il faut donc choisir le cœur de chêne ou de
châtaignier. Toute autre partie ne se conserve pas longtemps, peut gâter le vin
et lui donner un goût de fût, qu’il est impossible de lui faire perdre.
Une cuve neuve exige beaucoup de précautions avant de mettre
la vendange. Il est nécessaire de la remplir d’eau pendant quelques jours, de
changer cette eau, de la remplir de nouveau et de répéter plusieurs fois cette
opération, afin d’enlever au moins en partie l’âpreté du bois. On aura ensuite
de l’eau bouillante qu’on jettera contre les parois de la cuve, on l’agitera en
tous sens pendant quelques temps et à plusieurs reprises. On fera bien de
dissoudre dans cette eau bouillante une certaine quantité de sel marin et on
sera assuré d’enlever plus facilement le goût âpre au bois. Dès que cette eau
aura été écoulée, on y jettera du vin bouillant.
Louis TESTART.
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