Aujourd’hui plus qu’hier, l’homme se trouve en présence
d’ennemis sans nombre : alors que jadis il ne considérait en général comme
ennemis véritables que ceux qui dans le règne animal témoignaient de dimensions
ou de forces supérieures aux siennes, tous ceux qui étaient doués d’instincts
dits « sauvages », aujourd’hui ses plus implacables et cruels
ennemis, ne sont pas à beaucoup près ceux de jadis ; les « infiniment
petits » constituent toute une légion terrible, qui, s’ils étaient
abandonnés à leur seul mauvais génie, décimeraient cruellement
l’humanité ; en outre, à côté de ces « invisibles », il existe
encore une foule d’êtres vivants englobés sous le nom générique d’insectes, et
qui méritent que l’homme ne les dédaigne pas complètement : ce sont les
tiques, les taons, les poux, tes ixodes, les moustiques, parasites, acariens
variés à l’infini qui sont de dangereux fléaux : dangereux pour l’homme
lui même, dangereux pour l’animal domestique, dangereux pour le végétal sans
défense ; le seul nom de Doryphore est suffisamment éloquent, à ce point
de vue, pour qu’on entrevoie l’importance de ces insectes et qu’on y apporte
les moyens de défense les plus efficaces.
Ainsi je suis amené à vous parler aujourd’hui d’une plante
exotique d’emploi encore tout récent, mais appelée à une grande « vogue »
justifiée d’ailleurs ..., jusqu’au jour où la science en marche constante
vers le progrès aura trouvé « quelque chose » de mieux encore. J’ai
nommé le Derris.
Légumineuse d’origine malaise, point née d’hier certes,
puisqu’elle fut de longue date employée par les indigènes comme poison de
flèches ou stupéfiant des poissons.
Point n’est besoin de vous décrire ses caractères
morphologiques, puisque seules les racines nous arrivent en Europe, entières ou
pulvérisées, seules, ou associées à d’autres légumineuses renfermant le même
principe actif : la roténone. D’ailleurs, suivant le traitement qu’elle a
subi, elle se présente dans des aspects assez variables et pour qu’une poudre
de Derris soit réellement efficace — et cela j’y insiste — le type
vendu doit porter exactement les indications d’origine, de date, de titre
alcaloïdique, de pureté, de stabilisation, bref un véritable « état
civil ».
Au point de vue physiologique, chez l’homme, le Derris
pulvérisé provoque un fourmillement sur la langue, suivie d’anesthésie
légère ; respirée, provoque larmoiement et éternuement. Ingérée, elle ne
provoque chez l’homme et l’animal à sang chaud, chien, chat, aucun malaise
sérieux. Enfin, introduite directement au sein de l’organisme (injection ou
blessure), il peut se produire des accidents graves.
Mais c’est surtout l’action sur les insectes qui retiendra
notre attention ; d’une façon générale, et dans tous les cas, elle se
révèle d’une merveilleuse efficacité par simple contact ; en outre,
employée sur les végétaux, ne provoque aucune lésion des tissus les plus
fragiles (bourgeons, fleurs).
On conçoit ainsi un champ illimité d’applications dans les
trois domaines suivants : médecine humaine et surtout coloniale ;
médecine vétérinaire ; parasitologie agricole.
En médecine humaine, l’usage de Derris, c’est tout
simplement la protection contre les puces propagatrices de peste, contre les
poux vecteurs de spirochètes, contre les moustiques vecteurs des trypanosomes,
et ces trois noms en disent long sur l’importance de ces trois fléaux.
En médecine vétérinaire, nul n’ignore l’importance des
parasites qui ruinent en quelques jours les cheptels les plus beaux, infestant
des élevages entiers, amenant ainsi la maladie et la ruine.
Enfin, en parasitologie agricole, le champ d’application
s’étend tous les jours. Contre le Doryphore, son action est remarquable et, ce
qui est également à considérer, préserve d’intoxication et l’opérateur et la
terre traitée ... et la récolte ; car il est indéniable que la pomme
de terre assimile quelques fractions (milligrammes) d’arsenic au cours de sa
végétation.
Dans les maladies de la vigne (vers), pucerons, araignées
rouges, les thrips, vers des arbres fruitiers, mouches des cerises, etc, les
Derris, en poudrages simples et répétés, ou, mieux, additionnés de solvants et
de mouillants appropriés, ont toujours donné des résultats vraiment
remarquables qui ne sauraient trop favoriser sur une vaste échelle l’usage
quotidien de ce produit comme insecticide multiple.
P. LAGUZET.
|